Jeudi 12 mars 2009 à 20:07

ATTENTION :

Ceci est la preuve irréfutable que je suis plus fatigué que jamais.

Le texte qui va suivre est à chier partout, je vous conseille donc de le lire en mangeant des bananes.






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Ce matin, alors que j'étais tranquillement installé dans mon bureau de Papa-Dieu (Bah ouais, quand tu écris une histoire, c'est un peu comme si les personnages étaient tes enfants, et en même temps tu décides de tellement de choses -pour pas dire de tout- que c'est un peu le même rôle que celui que joue Dieu, s'il existe.)


Bref, je disais donc que j'étais tranquillement en train de contrôler le monde, buvant tranquillement un café, écoutant LMDMF et regardant la télé d'un oeil distrait (et de l'autre encore un peu endormi), le tout en réfléchissant à un plan pour SIKO ainsi qu'à un moyen de faire tout ce que j'ai à faire.


Oui, je sais oui, c'est pratique d'être multizophrène, ouais. Mais c'est fatigant un cerveau sans bouton off.


Au bout de mon quinzième café, de mon centième post-it sur le front (bah ouais, c'est plus facile pour faire de la place dans son cerveau)
et après avoir écouté l'intégrale d'LMDMF un nombre incalculable de fois (et suffisant pour apprendre les quelque 800 épisodes, si ma mémoire est bonne), l'idée m'a traversé que j'avais encore oublié quelque chose.



C'est à ce moment-là que j'ai entendu du bruit dans le couloir.


Un truc du genre "PAS CONTENTS, PAS CONTENTS, PAS CONTENTS, PAS CONTENTS"


La porte s'est ouverte sur une Solenne hors d'elle, un Dan brûlant de colère, un Seb avec une tête de tueur psychopathe qui a tourné avec Romero, une Sonia armée d'un lance-missiles Toys 'r' us et un Kepa qui me menaçait de son (très) gros sabre, à côté d'un Soda plus démoniaque que jamais, brandissant les nouvelles planches des "Pirates du String"*


Et merde. Qu'est-ce qui m'a pris de leur donner des superpouvoirs ? Encore heureux qu'ils manifestent maintenant, parce que vu la suite que je leur avais concoctée, ils m'auraient encore plus moulu la gueule.


Ils ont tous hurlé en même temps un bordel incompréhensible qui ressemblait plus ou moins à "ESPECE DE SALAUD CAPITALISTE PARTOUSEUR DE DROITE AMBIDEXTRE ET ANTIPHOTOGENIQUE, T'AS MÊME PAS SOUHAITE A TES LECTEURS UN JOYEUX NOËL ET UNE BONNE ANNEE !! ON EN A ENFERME DANS LE NOIR PENDANT TROIS SEMAINES AVEC DU PATRICK SEBASTIEN EN BOUCLE POUR MOINS QUE CA !!!!"


Ca va vous paraître con, mais ça m'a paru plutôt basique comme revendications.



- Heu, ouais, bon, d'accord, j'avoue... J'avais pas envie. Vous savez, les enfants, parfois Noël n'est pas toujours synonyme de fêtes et d'allégresse, et le nouvel an ne rime pas toujours avec pizzas, bière, whisky, vodka, Litte Big Planet, randonnées dans la rue, bouchage des toilettes et monopolisation de la salle de bains...
En effet, comme le disent les moldaves, " Kikënsh bohër chäkfoa, Kikënsh bohër Näfroid."



- Je crois qu'on peut pas être plus clairs, là.



Kepa se fout de ma gueule, pour pas changer, mais je vois que les autres ont compris. Les premières larmes d'émotions montent aux yeux de mes enfants chéris.



- Et puis de toute façon, tout ce rouge dans les rues, ça vous rend pas malades ?

- Papa, t'es fatigué. Viens, on t'emmène chez le doc. Tu travailles trop.

- NAN ! Et puis j'travaille pas assez d'abord.

- Régression infantile, les yeux en forme de boules de bowling - tiens, ça me rappelle un film - et en plus il est fébrile et tout blanc. Au bloc !



Kepa, salaud, j'aurai ta peau, et j'en ferai un pot au dessus du lavabo. Wowo.




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On est donc allés chez un monsieur blond qui joue sur une Yamaha travestie déguisée en Fender.



Putain, c'est vrai que j'suis fatigué, moi...


Il nous a ouvert avec une capote sur la tête.


- Bonjour !


Ma petite famille a halluciné ma femme.


- Nan, c'est rien, les enfants, faites pas attention.

- Entrez, entrez, mettez-vous à l'aise ! Faites comme chez moi ! Vous voulez boire quelque chose ?




Et c'est ainsi qu'on s'est retrouvés avec des demis de la taille d'une colonne grecque.
Y'a pas à dire, à Tours ils sont accueillants.



Une fois qu'on était bien tous bourrés et que j'arrivais encore moins à faire des phrases logiques et grammaticalement correctes qu'au début de cet article, le docteur m'a pris à part dans sa salle d'examen.




- Orjan, mon ami et patient, je vois bien ce que tu as.


(La vache, quand il est bourré, il parle bizarrement.)


- Chaussette ?


(Et moi dans les même conditions je suis pire qu'une momie)



- Tu fais trop de ménage. Dans notre jargon médical on appelle ça le surmenage.


- Chapitre 18... et puis la suite aussi... Baaababababababaaaaaaah.... Révélations, Tool, bilboquet.


- Orjan, j'ai un truc pour toi.


- FEEEEEEESSEEEEEEEES !!!



Il m'a foutu une grande baffe qui m'a calmé et calé dans le mur comme dans Dragon Ball Z.
Quelle comparaison de merde...



- Faut que je mette en ligne les dessins des persos en plus ! Et je dois finir d'enregistrer Lenne & Paine... Et y'a le film aussi, et puis le making of, et...


- Ta gueuleeeee !!


- Docteur... ? Soyez pas méchant avec moooooooiii...


J'ai fondu en larmes comme un môme de quatre ans.


- Mais non, mais non... Calme-toi. Il est où l'viking, hein ?


- AAAHH Y'a un viking chez toi et tu m'l'avais même pas diiiittt !!!


- Mais non, andouille, c'est toi le viking.


- Ah.. ah bon ?


- Bah ouais, quand on s'appelle Orjan Oredo on est pas franco-français hein.


- Vous dites pas ça juste pour me faire plaisir ?


- Mais non. C'est pas grave, faut juste que tu laisses reposer le mélange en attendant que ça réagisse et après ça repatrira comme avant et tu nous pondras tes chapitres par milliers.  Prends ça avec de l'eau.


- Beuhcayquoi ?


- UN TAAAAAAG !!!




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Docteur, c'est un grand honneur que vous me faites aujourd'hui.
Un de ces honneurs qui permettent de faire des trucs un peu inhabituels.




D'ailleurs, je viens de me faire surprendre en pleine écriture par l'irruption d'une chanson bizarre venue de je ne sais où. Desfois je me dis qu'il y a des choses inexplicables dans la vie, des trucs tellement puissants que même s'il y avait explikation, ce serait indécent de le révéler, ça casserait un tout petit morceau de la magie, et ce serait déjà trop. Et quand l'explikation nous tombe dessus, c'est généralement assez tard pour sublimer ces intenses moments d'éternité. Et quand l'explikation se termine, les seuls mots qui s'imposent sont simples...


La vie est belle.



C'est un peu comme ça que je me sens aujourd'hui.

Pour répondre à votre tag, je vais me permettre d'inverser les rôles, pour une fois. Et je vais vous donner Explikation.

Car en effet, Chase, mon cher ami à l'esprit marqué par le rock dans tous ses états, il est évident que la musique est d'une importance primordiale dans la vie de n'importe quelle personne dotée d'un minimum de sensibilité.

Et c'est d'autant plus vrai quand on parle de rock, cette musique plus forte que tout, jamais franchement définie, et en perpétuelle évolution, un peu comme notre univers.




J'ai des amis (si, si, j'te jure, j'en ai) qui disent que je fais jamais rien comme les autres. Pour ne pas les faire mentir, je vais répondre à chaque question par une chanson "qui existe" et par une chanson "à venir", c'est-à-dire une compo pas encore enregistrée. Parfois il y aura en aura plusieurs aussi.



Comment vous sentez-vous ?


Tool - The Patient
  / Crave - Freaks are back in town


Comment les autres vous voient ?


Ils disent que je me la raconte et que je prends toujours la même chambre à l'hôtel.

 
Quelle est l'histoire de votre vie ?


Mais c'est une psychanalyse en trois volumes que tu me demandes, là ?  Non je reciterai pas AqME, deux fois ça suffit. Bon, allez, on va être gentil : Tool - Lateralus et puis Crave - Loop.          



Quelle chanson pour votre enterrement ?


Pink Floyd - Echoes  et  Led Zeppelin - Stairway to Heaven. Et puis hors de question de mourir sans avoir écouté ça une dernière fois.



Comment allez-vous de l'avant dans la vie ?



The Beatles - Let it be / Silmarils - Les fils du vent / Crave - Forever and a Day




Comment être encore plus heureux ?



The Turtles - Happy Together /Tool - You Lied / Crave - Soulmates




Quelle est la meilleure chose qui vous soit arrivée ?



NIN / The Fragile /  / Tool - Schism / Crave - Freaks are back in town




Pour décrire ce qui vous ravit :


Cloud Cult - 2x2x2  / Crave - The Truth



Votre boulot, pour vous, c'est :



Crave - Let's rock



Pour vous, l'amour c'est :



Mass Hysteria - La démesure

Mais parfois c'est aussi Watcha - Méchant Flou




La sexualité doit être :



AqME - Triskaïdékaphobie.

Je sais, je les ai trop cités, mais je vois pas d'autre morceau de celui-là. Je suis bien d'accord avec le doc.




Blogger, ça représente quoi ?



   
Lofofora - Les choses qui nous dérangent / Ghinzu - Do you read me ? / Crave - L'envers du décor.





J'ai mis beaucoup de temps pour vous sortir cet article, mais si ça vous pose un problème, allez vous faire foutre (Il faut bien que j'assume mon rôle de déchet humain). Il s'est passé beaucoup de choses, et c'est rien à côté de ce qui se profile à l'horizon. Si j'attrape le scénariste, je lui pique son putain de scénario.

Roh et puis j'm'en fous, tout est lié d'abord.

De nombreux trucs sont aussi à venir pour SIKO, notamment l'arrivée de nouveaux personnages, de révélations, de contradictions qui se téléscopent, de nouvelles épreuves et de nouveaux jeux de mots de mes fesses.
 
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* Authentique !

Vendredi 13 mars 2009 à 22:50





Bon. J'ai un truc à vous dire.



Romain, illustre dessinateur des innénnarrables Pirates du String, et, accessoiremment, celui qui m'a - plus ou moins - servi de source d'inspiration pour le personnage de Soda, est actuellement à l'hosto.



Il faut savoir que le Romano est peu instructif. Quand vous l'appellez pour une soirée, une virée nocturne, un kebab, une sortie quelconque, un ciné, une descente dans les bars ou quoi que ce soit qui ressemble de près ou de loin à une activité que les êtres humains normalement sociabilisés font, vous pouvez être sûr qu'il vous sortira la pire des excuses de merde.



Exemples :


- Hey, Romano, tu viens boire un coup ?


- J'peux pas, je garde mes frères.


- Hey, Romano, t'es chaud pour un kebab ?


- Rooh nooon.


- Hey Romano, on va se faire un ciné, tu viens avec nous ?


- Non, faut que j'aille regarder un documentaire sur les truites.


- Tu me prends pour un con là ?


- Mais non, aaah, j'passe sous un tunnel...


- Hey, Romain, y'a Elsa qui fait une gigateuf ce soir, tu viens ?


- J'peux pas je fête l'anniversaire de ma soeur.


- Mais t'as pas de soeur.


- Ah, ben de ma grand mère alors.


- Hey, Romain, y'a un concert gratuit de Tool dans le parc derrière chez toi, tu viens ?


- Faut que j'aille épiler mon chihuahua.


- Mais t'as pas de chien, mec.




Bon, j'exagère un peu, bien sûr, mais c'est quasiment toujours comme ça. Là, en l'occurence, c'était la veille d'un tournage. Vous imaginez bien notre indignation quand on a entendu dire qu'il était malade.


Il faut savoir que le Romano des bois est d'une constitution physique assez hallucinante, qui lui permet de se balader en chemise par - 8 °C sans tousser ni rien. Donc s'il a la crève, il peut quand même se bouger le cul, merde !


Mais là, non. C'était pas ça.



On a appris le lendemain que c'était un truc sérieux.


Bon, il a une grippe, une gastro, un truc dans le genre. Il va rester cloué au lit pendant une semaine et après tout rentrera dans l'ordre.


Deux jours après le tournage, Kepa m'appelle et m'annonce le verdict : Leucémie infantile.


Merde.


[Oui, je n'avais pas fini l'article et je l'ai mis en ligne sans faire gaffe. L'impact de l'art éphémère incomplet ?]



Je vais pas vous étaler les statistiques de cette maladie, mais la jeunesse de Romano et sa constitution spartiate jouent clairement en sa faveur, puisqu'à part les jours de chimio, il pète le feu et se laisse pas démonter.


De notre côté, on se la joue hotline / soutien moral grâce à Skype qui nous permet de discuter à plusieurs et de dire de la merde pendant des heures, et accessoirement de prendre de ses nouvelles (bonnet des infirmières, qualité des massages de la kiné, etc).



La peur a laissé la place à l'espoir, et c'est tout ce qui compte maintenant. Remets-toi bien espèce de taliban.








Jeudi 26 mars 2009 à 0:57


- Tu es sûre ?


- Oui. T'aurais dû le faire depuis longtemps, d'ailleurs.


- Je sais. Repartir pour me retrouver, tout ça...


- Ca serait jamais arrivé si tu t'étais pas foutu en tête d'aider une sombre conne comme moi. Mais t'es comme ça, quand t'as une idée en tête tu vas toujours jusqu'au bout de ton obsession.


- Commence pas. Tu sais bien que si j'avais pas été aussi obstiné je serais resté coincé là bas, la dernière fois.


- Ouais... t'es qu'une foutue tête de mule en fait !



Elle s'est mise à rire. J'ai eu un sourire de travers et je lui ai soufflé un "merci pour tout". Et un sarcasme à deux balles :


- Tu pourras pas m'entendre jouer pendant un moment. Ca va pas te manquer ?


- Tu seras encore meilleur à ton retour.



Quelle blague. Mais elle a raison.

Ouais... c'est la puissance du voyage initiatique, ça. Et je dois d'abord m'occuper de moi, évidemment.



- Au fait...


- Tu veux vraiment qu'on se prenne la tête avant que tu partes ?


- Tout a déjà été dit, je sais.


- Alors sois gentil et ne me prends pas pour plus autiste que je ne le suis. On doit d'abord se retrouver soi-même avant de retrouver quelqu'un d'autre. La seule chose qu'on peut faire pour le moment, c'est un concours de celui qui est le plus fragile et le plus paumé.


- C'est pas la classe. Mais on est obligés de passer par là.


- Voilà, tu le sais, je le sais, les lecteurs le savent, tout le monde le sait depuis le temps que tu le répètes ! Alors arrête de penser toujours aux autres. C'est touchant mais ça les empêche d'évoluer par eux-mêmes. Et toi aussi par la même occasion.


- J'avais raison. Tout ça vient de moi, pas de toi. Je suis mon propre vampire.


Elle s'est radoucie subitement. Cette particularité de passer de la tempête de feu à la douceur la plus pure m'étonnera toujours.


- Oui... Et c'est de même pour moi.



J'ai la preuve irréfutable que le scénariste est un fainéant doublé d'un génie.



- Je peux me sentir égoïste de partir ?


- Interdit. Ca voudrait dire que t'as rien compris.




Quand on pense trop on ne comprend plus rien. Et on oublie ce qu'on savait déjà.



- T'es fort. Tu vas y arriver.


- Tu diras ça quand je serai revenu.


Peut-être que là-bas j'aurai mes réponses. Celles que j'y avais cachées il y a plus ou moins un an. Ces mots qui étaient trop beaux pour êtres vrais, ces vérités trop pures pour être dissoutes par l'amer du mensonge, ces beautés qui s'imposent au coeur au tout début, avant même que les doutes ne rentrent en scène.


Peut-être que tout ça sera encore là.

Ou pas.


Quoiqu'il en soit plus rien ne me fait peur. Si la vie n'avait pas de sens, il n'y aurait pas de chemins. Et s'il n'y avait pas de chemins, il n'y aurait pas d'obstacles. Pas de perspective de renoncer. Pas de perspective de tout laisser tomber pour se remettre en cause.


A nu plutot qu'à vif.



Quand on se sépare du reste du monde, on se rend compte que ce qui est important est toujours là au retour. Que les trucs qu'on a perdus à jamais n'avaient plus de raison d'être. Que le temps perdu ne compte pas, car il nous rattrape quand on est prêt.


Elle m'a serré dans ses bras.


Il y a eu du silence. Le genre de silence qui hurle plus fort que les mots.
Il y a eu des larmes. Le genre qui se marie bien avec les sourires et qui délaissent la tristesse.


Plus de raison de regarder en arrière. L'épreuve du feu est une femme capricieuse qui n'aime que la vérité. Elle brûle le faux et sublime le vrai, l'inscrivant ainsi dans l'éternité.


Si à mon retour je retrouve rien, j'aurai quand même vu une explosion de lumière. Rien que ça vaut la peine d'être vécu.
Si au contraire, ce que j'ai trouvé est d'or, ça ne périra jamais. Et je retrouverai ce que j'ai laissé.


Je paraphrase honteusement mon livre de chevet, je prends ma Lenne avec moi et je monte dans le train.


Le contrôleur est étonnament grand. Il dit que j'ai bien fait de partir maintenant. Que la plupart du temps on ne choisit que le moment, jamais les étapes, mais toujours le cheminement.


Le destin et le libre-arbitre se complètent toujours. Jamais de domination, toujours un interdépendance, comme le yin et le yang. Ils se contiennent l'un l'autre. Comme les âmes soeurs, en amour, sans lesquelles la vie n'aurait pas de sens.


Je me demande qui est ce contrôleur. Je me demande surtout s'il dit vrai. Je doute. Mais j'arrive pas à avoir peur.


Je doute que ça puisse être trop beau pour être vrai. On vit dans un monde tellement matérialiste que c'est super dur de reconnaître toutes nos croyances limitantes pour les casser en deux. On nous apprend à ne pas croire aux rêves, aux trésors, au bonheur.


On nous apprend à pas écouter notre coeur, à fuir notre destinée pour se construire une existence sociale feinte.


Le contrôleur dit que nos croyances n'emmerdent que nous. Notre point de vue ne change pas la nature des choses. Seulement leur effet.

"Bon, d'accord, c'est déjà quelque chose", a-t-il reconnu.


Ouais. Le pire c'est quand tes croyances vivent avec des doutes et des certitudes. Là c'est grave le bordel. Angie appelle ça "le pauvre bordel de sentiments". Plus tu cherches à comprendre, moins tu y arrives.


"C'est sans chercher qu'on trouve", me rappela le contrôleur. "Lâcher prise n'a rien de lâche, justement. Au contraire, il faut beaucoup de courage pour accepter qu'on ne contrôle pas tout, et que chaque chose a sa propre liberté. Lâcher prise permet de restaurer l'ordre des choses plus rapidement. Lâcher prise permet au destin de mieux jouer son rôle."


Face à mon silence, il reprit : "Tu peux douter de tout, croire qu'il y a pas de destin, que ce monde n'est composé que d'aléatoire, de causes et de conséquences dont on ne peut pas connaître la source. Tu peux croire ce que tu veux, du moment que ça te rend heureux. Mais tôt ou tard, certaines croyances s'effondrent et d'autres se vérifient."


- Vous parlez beaucoup, pour un contrôleur. Normalement ils font la gueule ou alors ils nous forcent des sourires. Vous non. Vous êtes pas un contrôleur ordinaire.


- Je ne fais que contrôler les voyageurs, jeune homme.


Il m'a adressé un clin d'oeil. Bien sûr que j'ai vu le double sens, tu me prends pour qui ?


- Un peu d'humilité, jeune homme. Vous partez pour quoi ?


- Vous le savez déjà. Pourquoi demander ?


- Parce que votre réponse m'intéresse.


- Je pars me retrouver. Je pars réapprendre ce que j'ai oublié.


Il a souri. Un grand sourire franc et chaleureux.


- Un voyage linguistique, n'est-ce pas ?


- Exactement. Je pars réapprendre le langage du monde.


Il a souri à nouveau.


- Prenez place Mr Orjan.


Le train a démarré quand je me suis assis. Le contrôleur est parti.


"Veuillez rester calme". C'était écrit sur la fenêtre.


J'ai beau connaître le processus, ça fait toujours son effet de revoir des passages de sa vie par la fenêtre.



Mais cette fois-çi c'est différent. C'est la même situation, mais pas au même point. On ne s'en rend pas forcément compte, parce qu'on manque toujours un peu de recul.


Certaines choses sont tellement énormes qu'on s'en apercoit assez difficilement. C'est comme confondre un 8 avec un 0 parce qu'on a pas encore parcouru tout le chemin.



Quelqu'un a dit que "construire le futur et garder le passé vivant sont une seule et même chose".


Le passé contient le germe du présent, qui contient celui du futur. Le présent tire ses racines dans le passé et s'étend vers le futur. Le futur est l'accomplissement du présent.

Souvent j'ai envie de connaître ce qui va venir. Ce que je pourrai pas choisir. Les étapes et les buts du chemin que j'ai choisi.


On dit souvent que le monde est petit. C'est peut-être pour ça que tout est lié. Les coïncidences se cachent parfois dans l'envers du décor en attendant l'heure de leur entrée en scène.

Elles prennent leur temps pour s'accorder.


Fait chier, je vais devoir être patient...


En même temps ça me permet de partir m'affronter là-bas. Je vais peut-être me rendre compte que je m'étais planté. Ou au contraire que j'avais raison. Ou alors les réponses viendront plus tard. Sûrement même. Bien après mon retour.



- Vous êtes bruyant, jeune homme. Vous pourriez pas vous taire ?


J'ai sursauté et je me suis mangé la vitre du passé. C'était la voix d'une dame d'une cinquantaine d'années.


- Mais j'avais rien dit !


- Si les mots ne sortaient que par la bouche, ça se saurait ! Je croyais que vous étiez déjà venu ?


- Ben c'est le cas, oui.


- Vous avez bien fait de revenir. Ca prouve que vous avez un minimum de sagesse.


Je le prends comment ? Cette femme a l'air étrange, encore plus que le contrôleur, qui m'avait paru plutôt sympathique.
J'ai ravalé quelques sarcasmes et j'ai reporté mon regard sur le paysage.

Hier soir j'ai révé d'un cours de basse.



- Vous savez, jeune homme, que tout est lié.

- Heu, il paraît, oui.

- C'est pas "il paraît", c'est sûr. C'est pour ça qu'il n'y a pas de raison de s'inquiéter.


Plus ça va, plus j'en doute. Et c'est peut-être normal. Par contre cette dame... Ces yeux rieurs, ces cheveux fatigués, cette prestance...


- Janis Joplin ? Vous êtes Janis Joplin ?

- Tout juste mon petit.


Dans le train avec Janis Joplin. Mon rêve numéro 3 vient de se réaliser.


- Vous êtes pas censée être morte ??

- Bien sûr que si sweetheart. Autrement je ne serais pas là.

- Janis Joplin...

- Hé, c'est pas le moment de baver ! C'est 20 ans trop tard pour ce genre de choses !

- En même temps, vu l'état de ma libido, vous risquez pas grand-chose...

- C'est pour ça que tu pars, hein ?


Sa voix était devenue douce et chaleureuse.


- Ouais.

- Montre moi ton coeur, baby.


J'ai sorti Lenne de son étui.


- Vous allez rien entendre, j'ai pas d'ampli.


- Pas de "vous" avec moi. Don't make me feel so old !


Elle venait de mettre en exergue un joli paradoxe : Elle m'avait parlé jusque là en français sans le moindre accent.


- D'accord, mais tu vas rien entendre.

- Joue. On verra après.


Bon. J'ai plaqué un accord au hasard. Le son a empli le wagon à en faire trembler les murs. J'ai tiré une tête d'incrédule hémiplégique et Janis a éclaté de rire.


- You rock, baby !


- Arrête, je mérite pas...


- Tatatata... dis pas n'importe quoi, p'tit gars. Un "merci" suffit.


Je lui ai sorti l'intro de Summertime et elle a déchaîné sa voix d'or dessus.



- Tout est dans la confiance, sweetheart. Fais confiance à ton destin.


Je suis resté muet. Parler avec une superstar morte et omnisciente, ça fait toujours son effet.


- C'est pour ça que je pars.


- Tu me l'as déjà dit.


- Ouais, c'est moi le vieux, ici !


Elle a éclaté de rire. J'ai beau connaître le parcours, ça m'étonnera toujours.


- Et toi, pourquoi tu pars ?

- Je ne pars pas.

- Alors pourquoi tu es dans le train ?

- Parce que tu y es aussi.


J'ai dû tirer la tronche la plus invraisemblable de l'histoire des voyages initiatiques.


- Il fallait bien une vieille peau comme moi pour te rappeller que tu as la vie devant toi. Sois patient et aie confiance.

- Voui m'dame.

- Fear and pain are illusions and bullshit. Just keep that in mind.

- Yes m'am. I will.


Le train s'est arrêté. J'ai commencé à ressentir l'étrangeté de plus en plus. J'ai remis Lenne dans sa housse et je l'ai prise avec moi.


Je ne doutais plus, bizarrement. Je l'ai serrée dans mes bras et l'ai remerciée pour tout.


- Janis... Ce fut un plaisir.

- My pleasure ! Go now. You have a way to find back.

- I know. Anyway it'll be fine.

- Good.




Je suis descendu du train. J'étais dans le désert.

J'ai éclaté de rire. Ca faisait un bail...


Il paraît que les épreuves du feu c'est un peu comme des traversées du désert.






Je suis de retour en 2046.













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