Où on fait la connaissance d'un antihéros décalé et de son monde bien à lui.
Où on apprendra qu'il faut parler aux gens, même dans la rue.
Avec du suspense, des questions existentielles (au moins !) et surtout, surtout, une recette de cuisine pour épater tous vos amis, avant de finir en beauté avec une scène torride et un Chuck Norris Fact !
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- Ça commence.
- Hein ? Qu'est-ce que tu dis ?
- T'inquiète pas.
J'avais mis cinq bonnes minutes avant de réaliser ce qui se passait là .
C'est pas tous les jours qu'un inconnu m'accoste dans la rue, mais quand c'est un gamin d'à peine dix ans qui m'aborde et qui me parle avec une voix calme et posée, j'ai plutôt tendance à trouver ça franchement bizarre.
Le gamin était là , un petit Noir aux yeux brillants, au regard triste mais au sourire enjoué.
Il m'a fait un clin d'oeil et il a disparu.
C'est pas tous les jours que je vois ça. Ce gamin m'a dit un truc, je l'ai entendu, je lui ai répondu, et il a disparu. Putain. J'ai pas réussi à me sortir cette histoire de la tête. Et évidemment, y'avait personne dans la rue. Ouais, trop facile. Allez, démerde-toi, Dannie...
Dannie, comme le jeune fils de Jack Nicholson dans Shining. J'aime pas les films d'horreur, mais j'aime par contre beaucoup Kubrick.
Vraiment.
Allez, réveille-toi, Dannie. Qu'est-ce que tu fous là ? Reste pas les bras ballants à rêvasser, tu me fais pitié. J'ai pris le chemin de l'appart. Inutile de parler à qui que ce soit du début de mon histoire, personne m'aurait cru. Et sûrement pas à mes parents. J'ai donc pris sur moi et le téléphone et j'ai passé un coup de fil à mon psy.
- Docteur, j'ai une question à vous poser...
- Allez-y, je vous écoute.
- Voilà , ça va vous sembler bizarre, mais... j'ai vu un gamin qui n'existe pas.
- Vous pouvez étayer ?
Un truc qui m'énerve avec les gens trop intelligents, c'est qu'ils sont tout le temps en train de le montrer. Etayer, ça veut dire expliquer. Moi non plus je suis pas parfait, mais je vois un psy pour ça. Pas lui.
Cherchez pas à me comprendre, écoutez juste mon histoire.
- J'ai croisé un gamin dans la rue, il m'a parlé et il a... Non, c'est pas possible, un truc pareil...
- Qu'est-ce qui n'est pas possible ?
- Il a disparu.
- Vous sortez à quelle heure demain ?
- 18h...
- Vous pourriez passer à 18h30 ?
Il en a de bonnes, lui...
- Ouais... je vais voir ce que je peux faire. Je serai pas en avance, hein...
- Vous serez là .
- Hein ?
Les plombs ont sauté, l'alarme s'est déclenchée, la communication s'est coupée, je me suis gratté le nez.
J'ai allumé un briquet et j'ai avancé à tâtons vers l'entrée, histoire de remettre les plombs en place. J'ai mis une bonne heure avant de remarquer ce que le doc m'avait dit avant que la lumière se barre.
J'ai réfléchi à ça alors que j'avais la bouche pleine de spaghetti bolonara. C'est pas banal, mais c'est ma spécialité. J'adore la carbona et la bolognaise, et comme je suis incapable de décider laquelle des deux je veux faire, je les mélange et ça donne ça. Je venais de passer une journée franchement bizarre, et le simple fait de manger une bolonara me réconfortait dans l'idée que tout n'était pas si tordu.
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Le téléphone a sonné. Je l'ai attrapé d'une main tout en enfournant une bonne grosse fourchette de bolonara dans ma bouche.
- Chalut.
- Encore une carbolognaise ?
C'était Solenne, ma copine. Un truc que j'adore chez cette fille, c'est qu'elle fait rien comme tout le monde. Un truc que je reproche à cette fille, c'est son père.
- Ouais, ch'avais faim, et vu que t'étais pas là , je me chuis dit soyons fous...
- Dis, t'as changé tes cordes ?
Putaindmerde. J'avais complètement oublié.
- Euh, non...
- Tant mieux, je t'en ai trouvé des Sharp, tu m'en diras des nouvelles !
Un truc que j'adore chez cette fille, c'est qu'elle a un talent monstrueux pour la musique .
Un truc que je reproche à cette fille, c'est qu'elle est vraiment imprévisible.
- Ah, merchi...
- Au fait, mon père m'a dit que tu l'avais appelé.
L'enculé.
- Ah, ouais... mais c'est rien, tu sais...
- Il m'a dit que ça le préocuppait.
Incroyable. Ma main au feu que ce mec n'a pas éprouvé de sentiments depuis la Terminale.
- Tu sais, si t'as un problème, tu peux m'en parler...
- Shosho, j'appréchie ton aide, mais tu comprends, ch'est ashez bijarre.
Elle s'est mise à rire. Je crois que la seule raison pour laquelle une fille aussi géniale est avec moi, c'est parce que je parle souvent la bouche pleine.
- Bon, alors à demain soir ! Tu me diras comment ça s'est passé ! Je t'amène les cordes ! Bisous !
*SHCLIC*
Au moins, on a pas perdu deux heures à déterminer qui raccrocherait le premier, ça change.
En posant le téléphone, j'ai remarqué un drôle de détail :
quelqu'un avait écrit DEUS EX MACHINA dessus.
Faut que j'arrête d'inviter Kaz à la maison, la prochaine fois c'est ma basse qu'il va me pourrir.
D'ailleurs, elle est où, cette coquine ? Derrière le lit, non ?
"Incroyable, Patrick, Dan se lève, il fait un pas, puis deux, puis trois, il saute en l'air en faisant un quadruple axel, Rose, hahaha, quelle blague mon cher Patrick, et il attrape sa guitare !"
C'est pas une guitare, c'est une basse. D'ailleurs les cordes sont moisies, vivement demain soir que je les change. Et faut vraiment que j'arrête de délirer avec Nelson et Axl Rose. Les Guns c'est fini, et c'était déjà le cas avant  Chinese Democracy. Tiens, allez, je vais m'envoyer un p'tit Burn My Tree, j'aime bien jouer ce truc. J'ai écrit le texte y'a quelques années, et la musique l'année dernière, mais ça, lecteur tu t'en fous pas mal.
Au moment de ranger ma basse, j'ai remarqué un autre drôle de détail.
Un gros L sur le dos de l'instrument. Décidément, le rouge est à l'honneur, ce soir.
Mon téléphone sonne, je viens de recevoir un SMS de Kepa qui me dit que le Rouge avance. J'ai pas très bien compris pourquoi tout le monde faisant une fixation là -dessus.
Le lendemain, en cours, j'ai croisé Kepa, qui eut la bonne idée de m'expliquer ce qu'était le Rouge.
- C'est un festival du film qui a lieu tous les ans. Ca s'adresse aux lycéens et aux étudiants, et à chaque fois, il y a une contrainte différente.
- Et cette année c'est le rouge.
- Vous êtes vraiments trop forts en fac. C'est la classe...
Ok, voilà qui est net dans ma tête.
Le soir venu, je suis allé chez mon (futur) beau-père.
- Salut, doc !
- Salut, jeune fou ! Alors, qu'est-ce qui t'arrive ?
Venant de lui, j'ai connu pire comme entrée en matière. Toi, t'as quelque chose à me demander...
- Je vous l'ai dit au téléphone, doc. J'ai vu un gamin qui n'existe pas.
- Est-ce que c'est parce qu'il a disparu que tu penses qu'il n'existe pas ?
- Ben oui, un peu. Vous existez, vous. Vous ne disparaîssez pas.
- Avais-tu bu, fumé, ou quoi que ce soit avant de le voir ?
- Non...
- Avais-tu eu une relation sexuelle trop longue la veille ?
Autrement dit, Solenne était aussi fatiguée que moi hier. Mais de là à me le sortir comme ça, il y allait un peu fort.
- J'ai pas vu Solenne depuis trois jours.
- TU ABUSES DE SA CONFIANCE ?!
- Non ! Non.
T'ain, ce type abuse des pilules... Si j'étais pas amoureux de sa fille, je lui expliquerais ma façon de penser.
- Heu.. calmez-vous, doc.
- Quelque chose est en train de se produire, mais je ne sais pas exactement quoi.
- Vous avez quelque chose contre ça ?
- Si t'insistes, je peux te donner des médicaments, mais j'ai pas envie de bousiller si tôt la jolie cervelle de mon futur gendre. Et de toute façon, Solenne me le pardonnerait jamais.
Ma parole, ce mec vit que pour sa fille...
- Le mieux à faire, c'est de continuer comme ça. Ca finira bien par te mener quelque part. Tu connais le proverbe : "Evryssing apens for eu rison".
- Everything happens for a reason, vous voulez dire ?
- Arrête de t'la péter ! C'est pas parce que tu parles mieux anglais que moi que t'es obligé de me le faire remarquer !
Ben voyons... N'importe quel autre docteur m'aurait envoyé à l'hosto (réponse A), bourré de médicaments (réponse B), interdit d'approcher sa fille (réponse C), ou les trois à la fois (réponse D).
Lui, non. A croire qu'il s'en fout.
A y réfléchir cinq minutes, ma journée avait plutôt été normale jusque là . J'avais sûrement cru voir le petit Noir, c'était juste la fatigue... Tout ça c'est normal, hein.
Ou pas.
- Evidemment... Qu'est-ce que tu fais là ?
- Je suis venu te prévenir.
- Me quoi ?
- Ca commence. N'aie pas peur.
- Ca fait longtemps que j'ai plus peur du noir, tu sais...
Le gamin s'est mis à rigoler. Il a dû croire que je me la jouais macho-super-héros. Le genre qui n'a peur de rien et qui fait rêver les ménagères... Mais non.
- Tout le monde a ses démons, tu sais... Que ce soit la mort, l'abandon, la tristesse, ou même la peur elle-même. Tout ce qui a rapport avec la solitude, en fait.
- Peut-être, ouais... mais pas seulement, non ?
- Tu te sens seul ?
- Non, non.
- Tant mieux. Chacun sa peur, chacun son fardeau.
Je me suis assis sur une murette, lâchant un soupir et espérant que ça suffirait à me remettre les idées en place. Bien sûr.
- Je suis fou, c'est ça ?
- Non.
- Alors dans ce cas, tu existes ?
- Pas autant que toi, mais j'existe.
- A ta façon ?
- C'est ça, à ma façon.
- D'où tu viens ?
- De toi.
- Comment ça ?
- Je suis une partie de toi.
- Pourquoi t'es là , alors ?
- Tu devrais pas tarder à comprendre. Tu en sauras plus ce soir.
Le gamin disparut. J'avais sacrément mal au bide. Ca s'est arrangé quand je suis rentré chez moi. Une tornade brune m'a sauté dessus.
- Tu sais que t'es en retard !
- Dis ça à ton père...
- Je m'en fous ! Depuis quand tu fais attendre les jolies filles, hein ?
Les lèvres de Solenne ont un avant-goût de paradis. Et le reste aussi.
Bon. Je lui dis ou pas ?
- Soso, faut que je te dise un truc.
Elle sortit sa main de mon pantalon et me regarda avec des yeux ronds.
- Qu'est-ce qui t'arrive ?
- J'ai vu un gamin hier. Il m'a parlé et il a disparu.
- Moi aussi.
Ah ben ça, c'est fort.
- Comment ça, toi aussi ?
- Je l'ai vu. Un petit garçon Noir. Il m'a parlé de la fin du monde.
Et ça la laisse froide. Enfin, ça la refroidit pas, plutôt.
- Qu'est-ce qu'il a dit d'autre ?
- Qu'il était une partie de moi. Que je devrais pas chercher à comprendre, parce que les réponses viendront. Je trouve ça plutôt cool, moi...
...
La vache, faudrait qu'on m'explique. Si je trouve le mec qui écrit mon scénario,
dans l'envers du décor, je lui casse les dents.
- Qu'est-ce qu'il t'a dit, Ã toi ?
- Un peu pareil... il a dit qu'il était une partie de moi. Mais il a pas parlé de fin du monde.
- Peut-être que vous avez mal écouté !
On s'est retournés tous les deux en même temps. Solenne était blottie contre moi, et quand je me suis levé pour m'appuyer contre la porte, mon pantalon est tombé. Dommage que vous ayez pas été là , c'était assez marrant à voir. Ce qui était moins marrant, c'est qu'un type d' 1m90 se tenait juste devant nous. Il était habillé comme Hugo Weaving dans V pour Vendetta, sauf qu'il ne portait pas de masque. Il jeta un regard amusé à mon fute.
- Désolé de troubler de si charmantes retrouvailles, les amis, cependant il est de mon devoir de vous informer d'une chose primordiale qui revêt donc de quelque importance, si vous me suivez.
On l'a regardé sans parler. J'ai serré le poignet de Solenne dans ma main en espérant qu'elle n'ait pas la bonne idée de lui mettre un direct dans la tronche. Quoiqu'il le mériterait. Il sortit une lettre de sa poche, l'ouvrit et nous la lut :
- Mademoiselle, Monsieur. Par la présente, je vous informe que la fin du monde est proche.
Le type se transforma en lapin et sauta par la fenêtre.
- T'as vu ça ?
- C'est génial, non ? Tout le monde va disparaître, sauf nous ! Du coup on va pouvoir baiser comme des bêtes jusqu'à la fin du monde ! Enfin débarrassés de ces cons ! T'imagines, on va repeupler la terre !
- Solenne...
- Mais c'est génial, attends, tu te rends pas compte ! On sera plus obligés d'aller à la fac pour se trouver un boulot de merde ! On pourra rester à la maison ou voyager, on pourra enfin être libres ! On sera bientôt libres, tu te rends compte ? Libres de vivre, libres de baiser, libres de voyager, libres d'être enfin nous-mêmes, tu comprends ?! C'est génial, c'est génial, c'est génial !!!
- Solenne ?
Elle arrêta de sauter partout et m'adressa un regard faussement innocent.
- Oui ?
- Tu devrais voir un psy.
J'étais complètement dépassé par la situation, et elle, elle ne pensait qu'au sexe. Incroyable...
Enfin, elle a mis son idée à exécution, et ça m'a permis d'oublier un peu tous ces trucs. Plus tard dans la soirée, elle m'a avoué qu'elle avait peur. Plus tard dans la nuit, je lui ai dit que c'était normal, que n'importe qui aurait eu peur devant ce mec, même Chuck Norris.
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