Vendredi 14 mars 2008 à 18:34

INTRO
Otherworld
Open Your Eyes
Lose Control
Je suis
Coma
Burn My Tree Part 1
Interlude / Fight Club
Burn My Tree Part 2
When Girls Telephone Boys
Fireal / Fist
Paranoïa Black
Lenne & Paine


- Huuum...
- Yeah.

Solenne et Dan venaient de terminer la setlist de ce soir, et ils étaient en train de me la montrer pendant que Kepa mettait sa caméra à charger, qu'Aurélien passait un coup de fil et que Pierrot allait chercher la Redbull.

- On joue entre une heure et demie et deux heures, ça te va ?
- Ouais, ouais... pas de problème.

J'étais super mal à l'aise. J'avais encore en tête le coup des chiottes. Et une image qui me collait au crâne depuis ce matin.

- Hé, t'es tout rouge, ça va ?
- Ouais, t'inquiète pas, Solenne, j'vais tenir.

Passez-moi un décodeur.

On s'est tous réunis et on a commencé nos rituels : d'abord, un pack de Redbull partagé entre tout le groupe, ensuite un verre de lait pour tout le monde, façon Moloko Vellocet. Ensuite, on se met tous en rond et on s'attrape par les bras, en gueulant tous de toutes nos forces.
J'aime ces moments-là. Je me sens exister.

Ensuite, on est sortis de la loge, et là, c'est toujours le même parcours du combattant : on traverse la cuisine, on monte les escaliers, et on se retrouve derrière le grand rideau noir du Krakatoa. On regarde chacun notre tour l'état du public : combien ils sont, si on voit des potes, et surtout, le cri du public. On peut savoir beaucoup de choses en écoutant le public.

Ouh Yeaah...


J'ai remarqué que Dan murmurait un truc à l'oreille de Solenne.
Une vague de chaleur m'a envahi. Et s'il savait ? S'il savait que j'avais dragué Solenne ? S'il savait que....

Noon. Calme-toi.

Solenne a regardé la basse de Dan d'un air attentif. Arrête la paranoïa, mec, tu lui as rien fait, à sa basse.
Dan avait l'air choqué.
Il s'est approché de moi et m'a tapoté l'épaule avec un sourire.
Solenne s'est approchée de moi et m'a souhaité bon courage. J'ai été capable de murmurer un "merci..." inaudible.
Aurélien s'est approché de moi et m'a regardé fixement en faisant une grimace. "Qu'est-ce qu'il ya ? Tu fais la troooonche ou quoi ?" J'ai eu le courage de rigoler, j'adore quand il fait ça.
Pierrot s'est approché de moi. "T'inquiète pas, tout va bien se passer."
Ouais, on verra bien hein...

Kéké a ouvert le rideau et on est montés sur scène.
Je me suis senti exister. J'ai couru derrière ma batterie et j'ai commencé à la régler frénétiquement.

Pierrot, Solenne et Dan se sont branchés et accordés pendant qu'Aurélien jouait du micro avec le public. Je comprends jamais comment il peut faire rire les gens avec des blagues aussi nulles. Mais moi je les adore.

J'ai compté les quatre premiers temps au charley et on a envoyé Otherworld à l'unisson. Aurélien gueulait comme un possédé, et la foule commençait à prendre vie sous ses mots. Pierrot était hyper concentré alors que Dan et Solenne se taquinaient et se faisaient des clins d'oeil. Je les observais, tous les quatre, entre mes cymbales qui volaient sous mes coups.

Quand je joue, j'ai l'impression que le temps s'arrête. On a passé comme une lettre à la poste sur Open Your Eyes.

Aurélien a remercié le public, qui a répondu par des cris et des hurlements. J'avais un sourire encore plus large que les autres. J'étais vraiment chez moi.

- La prochaine chanson va laisser que des cendres, c'est moi qui vous le dis !

Tout le monde à hurlé de plaisir.

- L'album s'appelle 1977, le groupe s'appelle Ash, et la chanson s'appelle Lose Control !

Pendant que Solenne tapait une petite arpège apparemment improvisée, le public commençait à rire de la blague d'Aurélien. (Ash ça veut dire cendre en anglais, parce qu'on est un peu anglophones)
Une fois les rires tassés, la guitare de Solenne s'est tue, et Aurélien a pris le micro dans sa main. Calmement.

Il la porté à ses lèvres et a hurlé comme un diable. Dan a appuyé en riant sur la pédale de Solenne, qui riait elle aussi, et lança le riff d'intro, que j'ai pas tardé à appuyer en frappant de toutes mes forces. J'avais l'impression de battre au rythme de mon coeur pendant que la basse puissante et incisive de Dan me traversait les côtes pour se loger dans mes tripes. Pierrot a envoyé sa partie de guitare magique, et une fois cette intro magistrale terminée, j'ai pu me reposer sur le riff plus calme du couplet.

J'ai repensé à mon rêve.

J'ai essayé de le sortir de ma tête, mais pas moyen.

"Here comes the night- it is coming on

The lights are low and our records on
Inside your veins and you lead me on
Here comes the night- it is coming "

Pierrot a envoyé le solo, repris en écho par Solenne, alors que je revoyais mon rêve en direct. Je me revoyais me coucher. Je me revoyais avec une inconnue dans mon lit. Je revoyais la porte se fermer. Je revoyais le déchet lépreux en forme d'étron pendre de mon entrejambe.

Et j'ai hurlé en plein milieu du solo.
Tout le monde a applaudit en criant, Pierrot et Solenne ont terminé leur solo dans un énorme délire psychédélique à la wha-wha, souligné par les lignes sans faille que Dan traçait depuis le début du morceau.
Pendant le final, des frissons me parcouraient le dos, je prenais tellement de plaisir à battre que je pouvais plus m'arrêter.
Tout le monde a arrêté de jouer, sauf moi. La chanson s'appelle pas Lose Control pour rien. Je me sentais possédé, mais tellement bien...

Une fois mon solo de batterie terminé, je me sentais mieux.

Je me sens mal vous faire tout un compte rendu du reste, mais apparemment nos compos ont plutôt bien marché.

C'est après que ça s'est gâté. Les Pink Babies sont montés sur scène alors qu'on ne l'avait pas encore quittée. Ils nous ont insultés devant le public. Certains nous ont même rejoints pour nous aider à les dégager.
Ca s'est terminé en baston générale. J'ai attrapé un pied de cymbales pour l'envoyer dans la gueule de cette bande de rockers bien pensants. Fred et Baptiste ont été les premiers à en faire les frais. Aurélien a démonté son spear et a commencé à se défendre avec. Il a balancé deux mecs dans la fosse comme ça. Dan a rapidement dégagé sa basse, puis l'a assez longuement regardée avant de la prendre par le manche. Il l'a levée bien haut en l'air et l'a abattu sur la gueule d'Alex, le bassiste des Pink Babies. J'ai cru voir une inscription sur le dos de l'instrument.
La bagarre a duré assez longtemps pour que la Sécu et les ingés-son s'en mêlent.

Mais quelqu'un ne semblait ailleurs.
Imperméable au bordel ambiant, Solenne s'approchait de plus en plus de moi.
Elle a pris mon visage dans ses mains. Elles n'étaient ni chaudes, ni froides. Je me sentais bizarre.
Un vigile est tombé à côté de moi. Peut-être qu'il voulait que je lui pique son flingue...
C'est ce que j'ai fait. J'avais l'impression d'être dans un autre monde, comme une sorte de monde parallèle, où les gens étaient flous et lointains. Mais elle, elle était là. Nette... et si réelle.

Si réelle...

J'ai ramassé le flingue. Les gens autour étaient tellement irréels que je les voyais bouger au ralenti. Je voyais des ondes s'échapper de chacun d'entre eux. Plus aucun bruit de lutte, plus de cris, plus rien. Plus que le silence.
Je suis descendu de scène, la fille m'a suivi. Elle m'a montré une porte, qui menait à un passage sous la scène. J'avais ni chaud, ni froid. J'étais bien.

Je suis arrivé finalement dans les loges, en passant par une porte habituellement dissimulée par des posters.
Les murs n'avaient plus la même couleur qu'avant. Ils avaient une transparence fantomatique.

La fille qui ressemble à Solenne m'a amené aux toilettes.

Enfin. En fait de toilettes, c'est plutôt devant un trou béant qu'elle m'a amené

Tout était aussi léger que grave. (Si, si, je vous jure que c'est possible.)


- Entre. Il t'attend.

C'est un rêve... J'ai sauté dans le trou en pensant que je finirais bien par me réveiller.

Je suis aussitôt arrivé dans une étrange salle rouge. Un fauteuil noir était posé au milieu de cette salle grande et vide, sans entrée ni sortie.
Je savais même pas d'où je venais.

C'est un rêve...

Je me suis approché du fauteuil.

Il s'est retourné.


Vendredi 14 mars 2008 à 23:00

Où on fait la connaissance d'un troisième personnage à peine cinéphile, assiste à la fin du concert de Crave, et retrouve des clins d'oeils à s'en arracher les yeux.
Où le côté mindfuck s'installe un peu plus, où rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, évolue, se déforme, parfois. C'est humain.
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J'avais éteint la caméra dès les dernières notes de Lenne & Paine.
Et j'avais bien fait. Le groupe censé jouer après Crave est monté à peine le concert terminé et ont commencé à les agresser.
Pendant que je rangeais en vitesse la caméra dans son sac et que je repliais le pied pour le ranger aussi, un gros type est tombé de la scène juste à côté de moi.

Dan et les autres étaient encore sur la scène, à se battre contre l'autre groupe, une partie du public et des malabars du service de sécurité du Krakatoa.

J'ai enjambé une barrière tombée par terre pour traverser la fosse et sortir au plus vite. Je sais pas ce que j'aurais fait si j'avais eu un quelconque pépin avec la caméra. Elle n'est pas à moi, et Lola me casserait la gueule si je lui rendais en pièces détachées...

Je marchais aussi vite que possible en évitant les mecs qui se bastonnaient dans le public quand j'ai remarqué un truc vraiment inhabituel.

Un type était planté là, les yeux dans le vague. Il ne bougeait pas. Je l'ai regardé, et il a disparu pour réapparaître un peu plus loin.

Mon coeur s'est mis à battre plus fort.

- Hé, monsieur !

J'ai entendu une petite voix. Mais pas une petite voix de gamin qui a perdu sa mère au supermarché.

- Ca commence.

Un petit gamin Noir me regardait avec des yeux brillants. Il m'a montré le type qui disparaissait avant de réapparaître.

- Lui ?

Le môme a hoché la tête.

Mon coeur me faisait mal.

J'ai serré les sangles de mon sac, et je me suis approché du mec bizarre. Qui est ce type ? Je me suis approché de lui et j'ai essayé de le reconnaître avant qu'il disparaisse. Il était assez grand et carré, avec un visage doux au regard bleu et vide, encadré par de longs cheveux bruns et un bouc assez court. Il avait un long T-shirt "Kill 'Em All" et un grand pantalon large. Il était revenu en contrebas de la scène. Il la fixait comme s'il y avait quelque chose de particulier a cet endroit-là.

J'ai suivi son regard : il y avait Pierrot, le guitariste qui porte le même prénom que moi, Solenne, l'autre guitariste, Dan le bassiste, Aurélien, le chanteur et...
Il manquait quelqu'un.

Le batteur ! C'était Sébastien que je suivais depuis tout à l'heure ? C'est fou, je l'avais même pas reconnu...

- Sébastien ? Hé, Sébastien ! Tu m'entends ?

Il ne réagissait même pas. Comme s'il était ailleurs, complètement absorbé par la scène qu'il fixait tout en se déplaçant.

Il a disparu une dernière fois. Il est allé sous la scène ?

- Hé, Dannie !! Sébastien s'est barré !

Il m'entend pas, le bougre...

- HE ! DAN, MERDE ! SEBASTIEN A DISPARU !

Mon coeur me faisait mal à battre si fort.

- Bordel de merde... ai-je balancé entre mes dents.

Si Sébastien est sous la scène, il doit bien sortir à un moment quelque part...

J'ai couru nerveusement dans la fosse. Y'a pas 36000 sorties, à la fin... J'ai pris machinalement mon portable pour regarder l'heure. Ma main a rencontré un bout de papier. C'était écrit :

Les Impertinents Du Spectacle présentent L'ENVERS DU DECOR.

J'ai compris un truc et me suis précipité vers l'arrière-scène, alors que tout le monde se battait autour de moi. Je serrais mon sac contre moi en espérant que la caméra n'ait rien. Les mecs de la sécu étaient trop occupés à dissiper la baston pour faire attention à moi.
J'ai descendu les marches à la volée et ouvert la porte qui donnait sur la cuisine.

Elle était vide.

Le bruit de la baston s'est fait plus discret à mesure que je marchais dans la cuisine. J'avais moins mal à la tête. Je me suis dirigé vers les loges, mais à peine avais-je eu le temps d'atteindre la porte que j'ai remarqué un truc bizarre.


La porte des toilettes était explosée contre le mur, et juste à côté, il y avait une porte rouge que j'avais jamais vue. Un nain avec une veste, un pantalon et un chapeau rouges me regardait en souriant largement, les yeux brillants.

- That's the way in, my friend !!

Il parlait en roulant les "r", comme un italien. J'avais vraiment peur. Plus de ce qui m'arrivait que du nain en rouge, en fait.

- Est-ce que j'ai vraiment le choix ?

- On a toujours le choix, my friend !

Il m'a fait un clin d'oeil.

- Pourquoi vous me dites ça ? Et il est où, Sébastien ? Vous auriez pas vu quelqu'un passer ?

- Occupe-toi de ton destin, petit homme... Tu t'occuperas de celui des autres en temps utile.

Il me parlait toujours avec un large sourire.

- "petit homme" ?
- Le fait que tu mesure 1 m 97 et moi 1m20 n'entre pour rien dans mon jugement, Pierre.

Là, j'avais franchement peur.

- On y est.

Il m'a désigné une porte.

- Regarde. C'est par là. C'est ici que tout commence.

Ca ne sert à rien de réfléchir. Mais peut-être qu'en poussant cette porte, je retrouverai Sébastien et qu'il m'expliquera ce qui s'est passé, que c'est une mauvaise blague, et que tout redeviendra comme avant. Peut-être aussi que j'aurai le moyen d'expliquer ce qui s'est passé ce soir-là.

- Allez ! Ne reste pas planté là ! m'a dit le nain d'une voix douce et enjouée.

Je dois avouer qu'aussi bizarre que ce nain me paraisse, il n'avait pas l'air méchant. Je me suis cru dans un film de David Lynch.

J'ai écouté son conseil et j'ai ouvert la porte. Il m'a fait un signe de la main et quand j'ai fermé la porte, je me suis retrouvé dans un drôle de bar.

Vendredi 21 mars 2008 à 11:26

Où le titre du chapitre est aussi la huitième chanson d'un groupe bordelais, où on rencontre du jeu de mots, de l'humour en barres (si si, cherchez bien), un nouveau perso fan de Dr Pepper et surtout des clins d'oeil. Oui mademoiselle. Du vrai clin d'oeil, du pur du beau, du bien fait. Et où c'est normal si vous retrouvez des gens que vous connaissez dedans.
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J'ai eu une sensation de déjà-vu en arrivant dans le bar. Les mêmes sons, les mêms images, les mêmes sentiments. La même ambiance psychosante et enfumée.
Je me sentais en terrain connu, comme dans un rêve. Mes émotions correspondaient pas vraiment à mes pensées.

J'ai d'ailleurs été à peine impressionné quand je me suis rendu compte que les gens qui peuplaient ce bar n'avaient pas grand-chose d'humain.

Un type avec des tentacules buvait une bière en discutant avec un barman en feu; un mec avec un oeil en plein milieu du front était en train de draguer une magnifique femme sans bouche et avec des ailes dans le dos. Il y avait même un dragon qui dormait tranquillement dans une niche au fond du bar.

Un mec bizarre et torse nu, au corps strié de rouge et de noir, commanda un coca. Il bousula légèrement un homme à la tête de chat en costume beige, et s'excusa alors qu'une barmaid au regard brillant lui avançait son coca en s'allongeant de tout son long sur le bar, offrant une jolie vue sur son décolleté.

C'est qui ça ? Où est-ce que je suis tombé ? D'abord un mec qui se téléporte, ou je sais pas quoi, ensuite un nain en rouge avec l'accent italien...

- Ne ditees paas de maal deu noouus !

Un nain habillé en cosaque. Avec l'accent russe qui va avec.

- Mais mais j'ai rien dit !
- Péeu impoorrte. Jéeu dois vouss aideer, monsieur. Perrmetez-moi de voous expliquer ceee qui se passe ici. En faaait, ici, vous êeteuus...

Le type au coca est arrivé en plein milieu de sa phrase :

- Hé attends, mec ! Tu vas le laisser t'expliquer tout ça aussi lentement ? Mais tu veux y passer la nuit ou quoi ?
- Sssoodaaa, rrressste eeen dehooorrrrs de çaaaa...
- Hé, Rumplesztisch, tu veux pas me laisser expliquer ? Ca va encore nous prendre deux heures sinon.

Sans attendre la réponse, le drôle de type a pris la parole.
Il s'est avancé vers moi et a plongé ses deux mains dans les poches en se penchant vers moi pour me regarder fixement. Je me sentais vraiment mal à l'aise, d'autant plus que ce type n'avait pas grand-chose d'humain.

- J'me présente, Soda, démon de mon état. Et toi, tu t'appelles comment ?
- Euh... Pierre.
- Ok, tu sais où tu es ?
- Euh... non.
- Ici c'est le Snowbar. Tu peux y trouver pas mal de gens très différents, mais c'est rare d'y trouver ce que tu es venu chercher, en fait. Tu vois les portes, en haut ? Elles portent chacune un nombre. Chacune de ces portes t'emmène à différents endroits, tu comprends ?
- Euh... non.
- Oh, désolé ! Tu viens du monde réel, j'oubliais... C'est pas facile.
Tu dois vachement flipper, non ? Bref, en tous cas, le monde réel, c'est terminé. Enfin, il reste quelques fragments de ce monde, mais je sais pas qui s'en occupe. En tous cas, ici, c'est pas seulement un bar, c'est aussi un point de rendez-vous pour tout le monde. Tu peux aller et venir librement dans toutes les strates existantes en allant tout simplement ici. J'te vois venir, mec ! (en disant ça, il m'a fait un clin d'oeil plutôt amical) Tu vas sûrement me demander comment revenir à ce bar ? C'est super facile en fait, c'est l'élément commun à toutes les strates.

T'as compris ?

- Euh... non.
- J'm'en doutais. En même temps, y'a rien de plus normal. Allez, viens, j'vais te payer une bière. Hé, Tonton ! Une binouse !
- T'es malade ?
- Mais non, c'est pour le p'tit !

Le barman en feu lança la bouteille vers Soda, qui l'attrapa au vol, l'ouvrit et me la tendit. Elle était bizarrement fraîche.

Soda prit une table juste derrière la jolie fille sans bouche et je m'assis en face de lui sans rien dire. J'étais dans un drôle de rêve, pas vraiment un cauchemar, mais pas un rêve agréable non plus.

Il désigna la fille derrière lui du menton et me glissa avec un clin d'oeil :

- J'aime les filles silencieuses.

Je me forçai à sourire.

- Allez, bois un coup, ça va te calmer.

Effectivement. C'était pas un goût normal pour une bière. Une mélodie assez douce que j'avais jamais entendue auparavant emplit mes oreilles. J'avais moins peur.

- Il est temps que j't'explique, si tu le veux bien.
- Vas-y, je t'écoute.
- Tu viens du monde réel, et le monde réel, c'est fini, pouf ! terminé ! Le truc que tu sais pas, c'est que le "monde réel" que tu connaissais n'était pas le seul endroit où il est possible de vivre. En fait, y'a plein d'endroits bien meilleurs pour ça. On appelle ça des "strates". Chaque strate à sa particularité, et évidemment, il te faut toute une vie pour espérer en faire le tour. Mais c'est pas pour ça que vous êtes là.

- "Vous" ?
- Ouais, "vous". T'imagines quand même pas que t'es arrivé là tout seul ?
- Ben...
- Le monde "réel" est mort, mais c'est pas pour autant que ses habitants sont morts avec lui ! Tu croyais quand même pas que t'étais l' "Elu" ou je sais pas quoi ? Hahahaha, non ! Y'a pas d'Elu, mec ! Garde ça pour les contes fantastiques ou pour le cinéma d'action, ici ça n'intéresse personne.
Y'a pas d'élu. Mais y'a le destin.
Et ce destin, qui entre nous, est bien sympa, vous a tous dispersés dans différentes strates.

Tout en l'écoutant, je buvais ma bière, qui ne semblait pas se vider pour autant.


- Pourquoi ?
- Oh, y'a bien une raison. Y'en a même plusieurs, en fait. Je suppose que je pourrais te répondre... mais ça te gâcherait le plaisir de la découverte.
- Mais on a un truc à faire, ici ou quoi ?
- Pas vraiment. Les strates sont une manière concrète d'évoluer en tant qu'humain, elles sont une manière comme une autre de devenir heureux. Mais en aucun cas ne crois que tu es obligé de faire tout ça. Tu as tous les choix. Tu peux par exemple décider de rester ici.
- Il faut que je retrouve les autres. Ils sont où, là ?
- J'en sais rien. Mais tôt ou tard, ils se retrouveront bien là.
- Non, je veux pas attendre ici.
- T'es pas à l'aise, comme ça ?
- Si, mais... il faut que je les retrouve, tu comprends ?
- Ok, libre à toi de suivre tes principes. Mais je te préviens, la suite va pas être forcément facile. Tu veux que je vienne avec toi ?

Je sais pas qui est ce type, mais il a l'air de connaître ces différents mondes mieux que moi... Et là, j'ai pas vraiment le choix de toute façon. La voix du nain me revint en mémoire. "On a toujours le choix, my friend !"

- Ouais. C'est peut-être mieux comme ça.

Soda s'est levé sans rien dire et s'est dirigé vers l'escalier. Une pancarte en or annonçait "Heaven" à l'étage. Il a ouvert une porte, qui portait le chiffre 4.

- Après toi, mon pote.





Mercredi 26 mars 2008 à 19:14

Dans lequel on trouve du vécu, des rêves, des blagues sur les étudiants de prépa, des réactions typiquement masculines, et un final dantesque !
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Soda a refermé la porte derrière lui.
Je me suis retrouvé dans un endroit que je connaissais très bien : ma prépa. On était à la prépa de Camille Jullian, en plein Bordeaux. Dans le monde réel, quoi. Sauf que j'étais accompagné par une espèce de démon torse nu.

- Brrr... Fait frisquet, ici !
- Tu trouves ?

C'est pas qu'il me fait peur, mais je ne connais pas ce type. Et puis il est pas humain, en plus... Si jamais quelqu'un le voit...

- Si jamais quelqu'un te voit, ça va être la panique, tu crois pas ?
- Seulement si cette personne est vierge.
- Ben pourquoi ?
- Parce qu'elle aura pas niqué !!

Il s'est mis à rire à gorge déployée.

- T'es con, Soda !
- Oooooh ! On dirait bien que ma bibine fait enfin effet ! Tu n'as plus autant peur de moi, et en plus, tu m'appelles par mon prénom !
- Euuuh...
- Bon. Je crois que pour commencer, je ferais mieux de me trouver des fringues, non ? Alors... Où est-ce que je peux me trouver une chemise blanche... ?

Il commença à chercher partout dans les salles de classe. L'étage était désert et Soda n'était pas très bruyant, mais je m'imaginais mal expliquer sa présence au premier pion qui passerait par là.

- On pourra en acheter plus tard, y'a des magasins dehors.
- Peut-être, mais en attendant, j'ai froid, moi ! J'vais bien trouver mon bonheur, ici, quand même ! Ces bien-pensants, ils ont de tout...
- Ces quoi ?
- Ces bien-pensants. Les gens bien comme il faut, ceux qui ont du pouvoir et qui l'utilisent. Les gens plus ou moins influents. Les bien-pensants, quoi...

Je le regardais s'affairer dans les classes, cherchant partout des fringues alors qu'il n'y avait que des affaires de cours dans la plupart.

Et les autres sont ici ? Qu'est-ce qui leur est arrivé, si le monde a disparu ? Et quel est ce monde-là ?

Soda coupa court à mes réflexions en se plantant devant moi d'un air triomphant.

- Haha ! En voilà une ! Mais elle est pas un peu courte ?
- On appelle ça un chemisier. Et c'est les filles qui en portent, ici.
- Je me disais bien que ça sentait trop bon...

Visiblement déçu, il enleva le chemisier et le respira en fermant les yeux :

- Tant pis, je vais prendre autre chose.

J'ai entendu du bruit. Des pas dans le couloir. C'est forcément un pion.

- Soda, cache-toi ! Ferme la porte et reste tranquille, quelqu'un vient !
- Hein ?

J'ai poussé Soda dans la salle de classe et j'ai claqué la porte le plus vite possible.
Les pas se rapprochaient. Ca craint...

Je ne vais pas dire que je suis un élève modèle, mais en général, je ne fous pas le bordel au lycée. Et vu que c'est une prépa... je risque de prendre cher. Dan et Nico sauraient quoi faire dans des situations comme celle-là, mais moi, je n'ai pas l'habitude d'y faire face.

Attends une minute. Si on est dans une "réalité parallèle" ou je ne sais quoi... Ca veut dire qu'il y a des gens ici ? Ca veut dire que le autres sont là aussi ? Ca veut dire qu'il y a un moyen de retrouver la réalité qu'on connait ?

Soda a claqué la porte distraitement et a fait un bordel pas possible.

- Heu, je suis désolé, y'a eu un courant d'air...

Plus d'air. Je ne peux plus respirer à cause d'une peur qui me colle au ventre.
Ce n'est pas un pion qui me fait face, et ce truc-là n'a rien à foutre dans une école. Et il ne répondra certainement pas à mes questions.

Marchant sur les mains, soutenu par des bras plus grands que son corps et balançant ses jambes trop courtes pour toucher le sol; et de toute façon trop fines pour porter un corps si grand, un monstre filiforme s'avançait vers moi.
Sa tête de la taille d'une balle de hand me fixait d'une oeil unique, vitreux, hagard.

Il était plutôt lent, mais la terreur me paralysait. J'ai enfin compris pourquoi les gens meurent si vite dans les films d'horreur, alors qu'en tant que spectateurs, nous comprenons tout bien avant eux, et nous savons exactement quoi faire, alors qu'ils se démènent et répètent cent fois les mêmes phrases.

J'ai enfin compris que la peur, c'est juste une histoire de point de vue.
J'ai enfin compris que la réaction qu'on aura face à cette peur dépend de ce point de vue.
J'ai enfin compris qu'il faut sans cesse prendre du recul.

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Réagis, Kepa. Fais quelque chose. Cours, bats-toi, ou je sais pas, mais fais quelque chose. Vite.
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C'est super lent, mais la scène est accélérée par la peur. Je sens mes membres trembler, le froid me mordre, mon estomac me trahir.

J'ai fini par reculer. Mon dos s'est collé contre la poignée de la porte. J'ai machinalement tiré mon bras en arrière et ouvert la porte avant de me précipiter dans la salle où Soda était en train de feuilleter des agendas appartenant visiblement à des filles, assis sur une table.

- Huhuhuhu, la coquine...
- SODA, SODA !!
- Heing ?
- Soda, c'est incroyable ! Y'a un monstre dans le couloir !!
- Houlà.

Soda a laissé tomber les agendas et les petits papiers roses (ainsi qu'une boîte de préservatifs qu'il s'empressa de ramasser et de fourrer dans sa poche) et il a couru vers la porte, avant de s'arrêter net, sans prendre la peine de la refermer.

- Hé, c'est pour ça que tu me déranges ? me lança-t-il depuis le couloir.

Il s'est mis à rire doucement. Pas un rire de frimeur, plutôt un rire franc et calme.
Je l'ai rejoint et j'ai senti une énergie particulière sortir de lui. Comme un genre d'aura, le truc qui indique immanquablement une personne au dessus du lot.

Sans la moindre peur, Soda s'est approché du monstre, les mains dans les poches et un sourire désinvolte sur le visage. Les stries noires et rouges qui parcourent son corps se sont mises à briller, alors que tout autour de nous s'assombrissait.

Soda a planté ses yeux dans celui de la créature, qui s'est arrêtée d'avancer.
Il tourna son regard vers moi :

- J'ai pas envie d'le tuer...

Le monstre lui a balancé son bras trois fois dans le visage et dans le ventre, lentement, en se tenant en équilibre sur l'autre.

- Même comme ça, j'ai pas envie.

Encore une fois, la même chose.

- Non non, toujours pas...

Le monstre l'a attrapé dans ses mains et a essayé de le broyer, ou au moins de l'étouffer.

- C'est tout ce que tu sais faire ? Bah franchement c'est pas terrible...

Le monstre cligna de l'oeil.

- D'abord, je sais pas vraiment ce que tu fais là, ensuite, je comprends pas pourquoi, et pour finir je comprends pas comment non plus. T'as une idée ?

Soda a pris le monstre à bras-le-corps et l'a jeté par la fenêtre, sans l'ouvrir.


- Qu'est-ce que c'était que ce truc ?
- Le signe que la fête commence !








 

Jeudi 5 juin 2008 à 20:19

Où, une fois n'est pas coutume, on la joue simple, avec une scène d'action que j'espère assez longue. Où, une fois n'est pas coutume, je n'ai passé que trois ou quatre jours sur ce chapitre. Où, pour une fois, le scénario est presque complet dans ma p'tite tête, mais vous n'apprendrez pas grand-chose dans ce chapitre-là. Où, encore une fois, c'est toujours le même qui avale mes peurs et fait de moi une hyène. Où définitivement j'arrêterai jamais les métaphores. Où je dois avouer que je suis foutrement fier de ce joyeux bordel qu'est cette histoire géante. Où je pose les faits dans le paratexte : Oui, cette histoire sera pas finie avant un an ou deux. Oui, j'arrête de dire que je fais sans cesse des clins d'oeil. Oui, j'écris cette histoire pour vous montrer qu'on peut tous être pardonnés. Et que j'espère que ce truc va vous faire kiffer autant que moi. Pour ça, mettez du son.

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J'étais parti dans ce monde parallèle pour retrouver mes amis. Sans la moindre idée d'où ils se trouvaient, ni comment tout ça s'était produit. Avec la seule certitude que tout ça n'est pas qu'un rêve, que nous sommes face à des choses qui nous dépassent.

C'est la meilleure façon que j'aie trouvé pour résumer simplement les faits. Et là, j'étais dans une version alternative de ma prépa. Rien n'a changé dans la forme. Mais le fond n'a rien à voir.
J'étais guidé par un démon à la peau rouge orangée et sombre, dont le corps est parcouru par des lignes noires et rouges de différentes épaisseurs, comme si elles avaient été tracées par des pinceaux plus ou moins épais. Je n'avais de cesse de poser des questions à Soda à propos des univers parallèles et des gens qui y vivaient, et je ne comprenais en général pas grand-choses à ses réponses.

Nous traversions toute la prépa, cherchant quelqu'un, n'importe qui, qui appartiendrait au même monde que moi.
A part le monstre que nous avions croisé en arrivant ici, la prépa était complètement vide.

Je me sentais aussi libre que prisonnier, aussi fort qu'inutile, aussi faible qu'intelligent. J'apprenais tellement de la part de Soda que je ne pensais même plus à ce qui m'attendait.

- Hé, on tourne en rond, là.
- Tu veux voir dehors, s'il y a quelque chose ?
- Bonne idée ! On pourra toujours manger une pizza.

Soda vient d'un monde avec des démons, des hommes au visage de chat, et des anges sans bouche. Mais ils mangent quand même des pizzas, et boivent les mêmes choses que nous.

- Tu crois que je pourrais prendre un truc à boire, avec ?
- Bien sûr... Mais il n'y a peut-être personne dans la rue non plus...

La grande porte du lycée était fermée. Je suis allé dans la petite pièce qui sert d'acceuil pour la déverrouiller, en écoutant Soda fantasmer sur son repas.

Et derrière la porte, c'était un sacré spectacle.

Des dizaines de monstres, comme celui qu'on avait croisé tout à l'heure, se baladaient dans la rue. J'ai même pas pu crier, mon coeur battait trop fort.

Les stries sur le corps de Soda étaient devenues brillantes. Il eut un sourire et se jeta dans la foule sans prévenir. Il sautait sur les monstres, bondissait dans tous les sens, beaucoup trop vite pour que je puisse tout comprendre.

Les monstres non plus ne comprenaient pas, puisqu'ils tombaient un par un, parfois deux par deux, sous les coups de Soda.

Je restais là sans rien dire, sans rien faire.

Les monstres venaient par vagues, et il en arrivait sans cesse, à tel point que Soda fut littéralement submergé par ces créatures plus grandes que lui.
Perdu dans un fatras de corps et de bras emmêlés et monstrueux, Soda avait disparu.

Que faire ? Lui venir en aide ? En espérant qu'il ne soit pas mort et qu'on puisse s'enfuir ? Je suis incapable de marcher, et en plus, je ne peux pas me battre contre des trucs pareils...

Et s'il était mort ? Que faire ? Et comment retrouver les autres ?

J'en étais là de mes réflexions quand un cri déchira le ciel.
Tout s'assombrissait, et des ondes rouges et noires dansaient en l'air et convergeaient vers Soda.

Le ciel se déchira à nouveau.

Soda était à nouveau debout, entouré d'une énorme aura noire et rouge, qui l'enveloppait et tournait autour de lui, se déformant dans tous les sens pour déchirer les monstres à une vitesse folle.

Bientôt, ils reculèrent, établissant une sorte de périmètre de sécurité tacite entre eux et Soda.

- Hé !! Dépêche-toi ! Viens avec moi !!

Soda était à une vingtaine de mètres de moi, et il semblait plus fort que jamais. Les espèces de pointes qu'il avait derrière les oreilles en temps normal étaient devenues des cornes et une paire de grandes ailes noires avait déchiré sa chemise. Les mains dans les poches, il marchait calmement vers les monstres, qui tentaient de fuir sans résultat.
J'ai fait un effort énorme pour bouger et me dépalcer vers Soda. Tous les muscles de mon corps étaient trop mous et trop tendus à la fois. Je me sentais complètement inutile.

- Viens !

Je me battais contre moi-même pour avancer, évitant au maximum de penser à ce qui était en train de se passer sous mes yeux.
Au moment où j'entrai dans le no man's land entre Soda et les monstres, je réalisai l'ampleur de la scène.

Les monstres venaient de partout, de toutes les rues environnantes, et, même si Soda se battait de plus en plus sérieusement, je doutais fortement qu'il puisse tenir longtemps face à ces vagues apparemment inépuisables.
Il se faisait derviche tourneur, faisait tomber les écorchés par dizaines, mais il en arrivait à chaque fois bien plus qu'il n'en tuait.

Le no man's land rétrécissait, et je me retrouvai paralysé de peur face à ces monstres. Incapable de crier ou de comprendre ce qu'il se passait.

L'un d'eux me faisait face, me dominant de toute sa hauteur. J'avais peur. Peur d'être écrasé par un monstre dont la simple existence me dépassait. Peur du bras qu'il avancait vers mon visage, en équilibre sur l'autre, dans une posture aussi ridicule que terrifiante. J'avais peur.

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Tout ça n'est qu'une histoire de point de vue. _____________________________________________________________________


Le bras du monstre est tombé à mes pieds, dans un bruit d'os brisés. Tranché net par un gros sabre tombé du ciel qui s'était planté dans le sol.

Sans réfléchir, j'ai attrapé le sabre et l'ai sorti de la route où il s'était planté. Il était plutôt léger pour une arme aussi grosse. Je me suis mis en garde du mieux que j'ai pu, et bien que j'aie un niveau assez honorable en Kendo, elle n'était pas si convancante que ça.

J'ai levé le sabre au-dessus de ma tête du plus vite que j'ai pu et je l'ai abattu de toutes mes forces sur la tête de l'écorché. Elle n'était pas plus grosse qu'un ballon de hand, et elle partit en arrière, faisant vaciller le monstre.

- Qu'est-ce qui se passe ?

- J'en sais autant que toi ! Mais profites-en !

C'était pas évident.

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Allez, arrête de réfléchir, Kepa...
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J'ai repris une garde un peu plus stable et j'ai foncé dans le tas sans réfléchir. Les rafales de magie de Soda faisaient des ravages dans les lignes, plus besoin de penser. Plus je frappais, plus mes coups étaient puissants, et plus je prenais confiance en moi à mesure que les corps déshumanisés tombaient.

Plus de peur.

Même pas de haine.

Juste l'instinct que je devais casser ces monstres pour pouvoir m'en sortir. Que ces saloperies me barreraient toujours la route et qu'il ne serait jamais question de fuir.
J'avais beau être beaucoup moins fort et expérimenté que Soda, j'avais l'impression que les monstres disparaissaient beaucoup plus vite depuis que j'avais commencé à me battre. On pouvait s'en sortir.

Le tumulte du combat se calma peu à peu. Les écorchés ne venaient plus, et tombaient de plus en plus vite. Bientôt, la rue fut complètement vide, et un silence lourd s'installa.

La nuit tomba d'un seul coup, à mon grand étonnement, et la lame de mon sabre se mit à briller d'une lumière vive avant de disparaître de ma main.

Choqué par tout ce qui venait de se passer, je me tournai vers Soda, qui avait repris son apparence habituelle.

- Qu'est-ce que c'était que tout ça ?

- J'en sais rien, j'en ai aucune idée... T'es pas blessé ?

- Dis-moi ! C'était quoi, ces monstres ?!

- C'est juste des monstres. Mais c'est pas normal qu'il y en ait eu autant. Vraiment pas normal. D'habitude, il n'y en a que quelques-uns, quand il y en a. Et je sais pas ce que foutaient ceux-là dans cette strate...

- Je comprends rien...

J'étais complètement largué. Des monstres dans une ville fantôme, une épée qui apparaît dans ma main, un combat incroyable contre des dizaines et des dizaines de monstres énormes, le tout à côté d'un démon qui brille dans le noir.

Et en plus, je pense n'importe comment. Je dois sûrement devenir fou... Avoir vu le monde s'écrouler, ça vous change un homme. Quoique je n'ai pas vu ce monde détruit de mes propres yeux. Peut-être qu'il existe toujours ?

- Ecoute, mon pote. Il y a un truc qui cloche. Ca fait des années qu'on vit comme ça, dans les strates, et sans gros problème. Normalement, les monstres n'apparaîssent que dans des strates spécifiques, qui ne sont pas accessibles à n'importe qui. Et là, je sais vraiment pas ce qui se passe. En toute logique, tes amis sont ici. A moins que le truc qui cloche soit vraiment plus sérieux que je l'imagine...

Il commença a lever le regard et sembla réfléchir.

- C'est quoi le problème auquel tu penses ?

- Beeeeen... Peut-être que tu es mort.





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