http://themonroetransfer.bandcamp.com/album/trials
Â
Frozen field, burning field va bien avec certaines scènes de ce chapitre outrageusement long qu'il m'a fallu une bonne semaine à remettre en place. Merci aux gens qui "likent" les chapitres et les partagent sur Facebook. Vous pouvez également rejoindre le groupe prévu à cet effet, et vous manifester dans les commentaires; c'est toujours mieux de savoir qui vous êtes. Bonne lecture !
Orjan.
                                                                                     Â
                                                                                  Â
________________________________________________________________________________________________________________Â
- Salut les enfants ! Vous faites pas trop de bêtises ?
Toujours à moitié à terre, les yeux levés vers lui, mon front s'est plissé sous la stupéfaction. Mon coeur balancait du sang dans tous les coins.
- Non parce que c'est pas ce qui se dit, là -haut.
- Emmène-nous là -bas ! a ordonné bien fort cette imbécile de Lola. Mais pourquoi je l'ai rejointe ?Â
Sorel s'est marré. Si c'est bien comme ça qu'il s'appelle.
- Oui, en effet, c'est bien moi.
Oh putain.
- Il faut qu'on discute avant que vous fassiez une grosse erreur et que vous perdiez beaucoup de temps.
Pendant qu'il disait ça, j'ai entendu Lola concentrer discrètement une de ses boules dans son dos. Elle me préparait une diversion, et on aurait pas de deuxième chance. L'avant-dernière phrase de Sorel m'obligeait à y aller à l'instinct.Â
Je me suis relevé du plus vite que j'ai pu et me suis précipité sur lui, sabre au clair. Il m'a contré d'une simple passe, bloquant d'abord mon arme puis la plaquant par terre d'un mouvement semi-circulaire. Avant que je puisse la relever pour contre-attaquer, il tendit son bras libre vers moi et ouvrit sa main. Le choc me propulsa en arrière, et je sentis la magie de Lola autour de moi, lancée en rafales, à contre-courant, comme une sorte de tir de couverture. J'ai planté mon sabre dans le sol et m'en suis servi d'axe de rotation pour me remettre sur mes pieds. La peur laissait place à la rage. J'ai chargé pendant qu'il s'amusait avec les sorts de Lola, les découpant ou les faisant disparaitre, un grand sourire barrant son visage en forme de masque.
Il a bloqué mes trois premières attaques, esquivé les deux suivantes, et encaissé les cinq d'après. Il m'a souri. Paisiblement.
J'ai compris, soupiré, arrêté.
Lola non, par contre. Il l'a bloquée avec un sceau à ondes noires.
- Bon, maintenant qu'on s'est bien amusés, c'est l'heure de la scène où je vous dissuade d'aller à Shell Haven, que vous finissez par m'écouter, puis rejoindre le groupe, puis refaire la même erreur, et ensuite on se retrouve devant les portes de la Cité, où je vous tue. Ca vous branche d'éviter ça ?
_________________________________________________________________________________________________________________
J'ai rouvert les yeux dans la rue, en pleine nuit. A l'absence de gens sur cette grande avenue, je sais que je suis bien dans le présent. Je commence à y voir beaucoup plus clair dans tout ce système.
Lenne non plus n'est pas là . Je sors une cigarette et l'allume du bout de mon doigt. Pouvoirs : check. Je commence à marcher en direction du bar. Les autres devraient être là -bas, à moins qu'ils soient partis en quête d'un endroit où dormir. Ma basse m'attend sur un monument qui prend pour le coup des allures de piédestal. Quelques monstres m'attendent autour. Ils se jettent sur moi pour me souhaiter la bienvenue. J'ai dû leur manquer. Maigres goules aux griffes acérées et aux bras tombants. Grandes. Noires. Yeesh.
Colonne de feu pour rejoindre ma basse. Je les fauche sur le retour et reprend ma route, ma compagne à quatre cordes sur l'épaule.
_________________________________________________________________________________________________________________
On était dans un drôle d'état quand on a poussé à nouveau la porte du bar. Lola ne disait plus rien, elle était froide comme une pierre.
- Vous avez été rapides, a lancé Neto. Hey, Solenne, je parie que tu savais pas qu'ils reviendraient.
- Je m'en doutais.
- C'est facile à dire après coup...
- Il faut qu'on vous raconte, lâchai-je, comme un poids sur mes épaules.
Lola protesta mollement d'un coup sur mon coude.
- Si vous êtes prêts, on peut y aller, a dit Solenne.
- Et Cliff Burton ?
- Il est mort.
Merci Sonia, c'était une intervention constructive.
- Je veux dire Feu-de-cheminée-man.Â
- On avait compris, dit doucement Seb du coin où il s'était adossé les bras croisés.
- Il est toujours pas revenu et tout le monde s'en branle.
- T'as qu'à l'épouser.
- Merci Sonia, maintenant je sais quelle direction donner à ma vie.
- J'ai dit que je savais où il est, dit Solenne d'un ton dur.
- Mouais. Si tu veux mon avis, dans le genre louche, t'es pas mal toi.
- C'est pas parce que je le crie pas partout que je flippe pas pour lui.
- T'en sais quand même beaucoup sur ce qui se passe.
- C'est grâce à ma mère, je l'ai déjà dit.
- Justement, c'est toi qui le dis.
Elle allait répondre quand la porte s'est ouverte.
- Et ça, c'est moi qui le dis ?
- Yo. Je suis allé faire les courses.
Il a lancé des paquets de clopes à Sonia, Kepa et moi.
- Cool ! Tu gères, fougère !
- J'suis épuisé par contre.
- Nous aussi, a répondu sa miss. On comptait aller chercher un hôtel.
- Et m'attendre, c'était pas au programme ?
- Pas vraiment. Je savais que tu nous retrouverais. Faudra qu'on parle.
- Ah ça ouais, faudra qu'on parle, dit-il d'un ton cassant et vénère, une flamme roulant le long de son bras.
Seb s'est levé, a traversé le bar, ouvert la porte, et on est sortis.
_________________________________________________________________________________________________________________
Je les observe. Tous. J'espère qu'ils arriveront à tout arranger. A changer les choses. J'ai toujours pas trouvé ce que je cherche, mais en attendant, j'ai vu et appris nombre de choses. Il y a tant à faire, tant à voir, tant à comprendre. Des milliers d'univers, il paraît... J'espère pas. J'en ai déjà traversé des dizaines, et ça me suffit.Â
Mais bordel, où est ma putain de gratte ?
_________________________________________________________________________________________________________________
On est entrés dans l'hôtel à coups de pied. C'est génial de pouvoir profiter de toutes les inventions de l'homme sans payer. Intérieur tapis rouge, murs ornés de dorures, tableaux riches, minibar gigantesque.Â
Et juste nous. Ni réceptionniste-zombie, ni groom démoniaque pour nous souhaiter une bonne fin de soirée.
L'hôtel était à nous.
Dan et moi nous sommes dirigés comme un seul homme vers le bar.
- Ceux qui le veulent peuvent prendre l'apéro, a-t-il annoncé.Â
- C'est la prod qui paye, rajoutai-je.
- Dan, arrête de jouer au leader, râla Sonia.
- L'écoute pas, c'est une frustrée. Et c'est pas près de changer.
Ca, j'aurais peut-être mieux fait de le garder pour moi.
- Tu croyais quand même pas qu'on allait dormir ensemble ? glaça-t-elle mon sang.
Fin du monde ou pas, y'a pas moyen. Et merde.
- T'as pas compris que je te déteste toujours ? C'est pas avec ce genre de vannes immatures que ça va s'arranger !
- Donc ça peut s'arranger !
- Ta gueule.
Elle s'est fortement barrée. Fortement, ça veut dire que les marches de l'escalier sur lesquelles claquaient chacun de ses pas étaient des morceaux de moi.
- Oh oui, piétine-moi ce qui me reste de dignité et ravale-moi l'ego par la face nord.
Un silence.
- Bon alors on le prend cet apéro ?
_________________________________________________________________________________________________________________
Je suis dans un endroit étrange. Une sorte de gigantesque bâtiment rouge. J'entends les gens parler. Certains semblent me regarder, ou en tous cas regarder à travers moi. Je flotte toujours, peux aller où je veux et me déplace avec beaucoup de fluidité. J'entends les gens parler de la fin du monde. Il y a une controverse, je le vois à la hauteur de leur longueur d'ondes. Je ne sais pas à quoi ils ressemblent, je vois juste des boules extrêmement brillantes et de taille variable. Plus d'ampleur que celles que j'avais vues jusque là . Probablement des âmes plus évoluées.
Je commence à discerner des mots, des images, des idées sous formes de sons qui font écho dans mon crâne et se traduisent progressivement.Â
On va avoir un truc à faire.
_________________________________________________________________________________________________________________
Enfin un peu de repos.
On était là , tous dans le même état, affalés sur des fauteuils de grand standing, dans un décor digne d'un film de Kubrick.
Brillant.
J'ai posé deux-trois paquets de cigarettes sur la table. Lola, Kep et Neto se sont servis. Solenne nous a lancé un regard faussement désapprobateur. J'ai allumé leurs clopes en claquant des doigts et me sentant un peu con. Ca l'a fait sourire. Dieu que cette fille est géniale.
Kepa et Lola ont échangé un regard. Kepa avait les sourcils légèrement levés, comme s'il essayait de lui poser discrètement une question implicite. Celui de Lola était froid.
- Je vais pas rester longtemps, a prévenu Kepa. J'en peux plus.
- Un petit effort, tapette, le taquinai-je.
- J'vais te violer massivement sous la douche, tu verras qui c'est la tapette.
On s'est tous marré. Ca faisait un bien fou.
Lola nous a interrompus.
- Vous trouvez pas ça trop facile ?
On l'a tous regardée avec des yeux ronds. Elle s'est dirigée vers le minibar.
-D'accord, c'est la fin du monde. Mais on a encore l'électricité, les pressions à volonté, et...
Elle ouvrit le robinet.
- L'eau courante ! Ca vous paraît pas bizarre ?
- C'est normal, répondit Solenne. Y'a pas eu de catastrophe naturelle. Karma a décidé de déclencher la fin du monde. Il n'a rien détruit.
- A part nos vies.
- Je vous ai jamais vus aussi bien ensemble, toi et Kepa, lâchai-je.
Gros blanc. Oups.
- Tu sais pas de quoi tu parles.
Elle a tourné les talons et pris l'escalier à son tour.
- Bravo, me félicita Solenne. Je te rappelle qu'ils sont tous à cran.
- Pas toi ?
- Non, pas elle, fit Neto. Et tu sais pourquoi ? Parce qu'elle en sait bien plus qu'elle le dit.
Ca fait seulement 32 chapitres que je le dis.
- Pourquoi je vous cacherais quoi que ce soit ? On est tous dans le même bâteau, répondit-elle calmement.
Démagogie, la base de la manipulation. S'en servir comme d'un arbre qui cache la forêt, et pour ça, garder bien précieusement les infos qui pourraient nuire à l'emprise sur le sujet.
- Et on a pas le choix, rajoutai-je.
Oui, il va falloir la jouer fine.
- On a toujours le choix, dit pensivement Kepa, les yeux plissés dans le vague et les coudes sur ses genoux.
- Putain mais ça avance pas ! explosa Neto. J'en peux plus de cette merde. On est manipulés par quelque chose ou quelqu'un qui a déclenché la fin du monde et nos espèces de pouvoirs de super-héros, là ., Si Dieu existe, parce qu'on dirait bien qu'on en a la preuve, il peut faire ce qu'il veut, on est que des grains de poussière pour lui.
- Détrompe-toi, souffla doucement Solenne.
- Ca sert à rien de s'énerver, tempéra Kepa.
- Non, non... T'as raison. Si Dieu existe, sa volonté est toujours faite, on peut avoir que l'illusion de choisir. Ca sert à rien de croire ou de prier. Ca change rien.
Il pleurait presque, et pourtant il avait une attitude dure, dominatrice, et dégageait une aura puissante.
- Calme-toi...
Solenne restait douce mais semblait aussi troublée que nous. Les yeux plongés dans les tapis rougeoyants, je l'ai écoutée poursuivre.
- On sait que tout ça est arrivé pour une raison. Mais on sait aussi que celui qui a fait tout ça cherche à nous sauver de nous-mêmes. On n'a pas le droit d'en douter.
- Bien sûr que si ! On DOIT en douter ! S'il est si fort que ça, pourquoi il a pas fait de miracles dans le réel qu'on connaissait ? Pourquoi il a pas sonné à la porte d'une chaîne de télé pour dire "salut, je suis Dieu, j'existe, aimez-vous les uns les autres et donnez-moi du temps d'antenne" ?
C'était l'argumentation interrogative métaphysique par Kepa.
- Voilà , c'est exactement ça ! Il avait qu'à claquer des doigts pour changer les gens !
- Ca marche pas comme ça, Neto. Il y a des règles.
- Tu vois que tu en savais plus !
- J'ai pas pensé que ce serait utile de déballer tous ces trucs !
- Normalement, un dieu peut tout faire, a rétorqué mon ami philosophe, recadrant la conversation par la même occasion.
- C'est pas pour autant qu'il va le faire. Je pourrais me foutre à poil et vous faire une lapdance, c'est pas pour autant que je vais le faire.Â
- Tu commences à être bourrée, là ...
Oui, quand Solenne est bourrée, elle prend toujours des exemples de merde.
- Je vous fais pas de lapdance parce que d'un j'en ai pas envie, de deux, j'ai un code de conduite moral régi par des principes qui m'empêche de le faire, comme ça, devant vous trois. S'il y avait que Dan, à la limite...
J'ai souri, mais en étant bien conscient qu'elle ne flattait mon ego que pour mieux assurer son emprise sur moi. Cette idée me vrillait les tripes. J'ai repris de la bière/clope.
- Ce Dieu-là , ce Karma, a décidé de déclencher la fin du monde pour nous forcer à trouver nous-mêmes le sens de la vie. Partager, s'entraider, se comprendre, s'accepter, en un mot, s'aimer.Â
- L'Amour... Toujours l'Amour... soupira Neto avec deux litres d'ironie dans la gorge. T'as raison, maintenant que tu le dis, il m'apparait très clairement que mon putain de destin était de retrouver la fille que j'aime pour qu'elle me foute son pied dans la gueule et me dise après deux trois scènes de vague complicité qu'elle me déteste toujours autant et indéfiniment.
- A toi de définir ce laps de temps. Tout peut changer, posa très sobrement Solenne.
Sobre, Neto ne l'était plus beaucoup. Je vous l'ai pas dit, trop plongé dans la contemplation de cet hôtel hypnotique, mais la pompe à pression avait chauffé, et les verres de notre ninja improbable étaient descendus à une vitesse très respectable.
"Tout peut changer". Avec elle, ça prend pas mal de sens... C'est là -dessus que mon énigmatique copine s'est levée. Elle m'a fait un clin d'oeil en partant vers l'escalier.
Génial, ça sent le jeu de piste et je suis pas d'humeur. Au point où on en est, je serais plus pour un interrogatoire musclé. Mec, même Neto est d'accord avec moi, elle en sait cent fois plus qu'elle ne le dit. En même temps, avoir lu le bouquin de sa mère, même en partie, me met de son côté, objectivement. Et merde...
Les plinthes en bois se foutent de ma gueule, une drôle de petite tornade joue gentiment avec mon ventre et le regard de Neto plaqué sur le mien me renvoie à mon relatif désarroi. Disons plutôt doute. C'est mon pote, le doute.
- C'est quoi, ton histoire avec Sonia ?
Changer de sujet. C'est bien ça. Espèce de lâche.
- Va te faire foutre. Ou va plutôt foutre ta copine, elle t'attend.
- Neto, poésie et romantisme torride.
En temps normal, je lui aurai explosé les gencives ou fait un rapprochement avec sa frustration. Mais je commence à penser qu'il sera mon seul allié dans pas longtemps.
- Ouais, t'as raison, j'peux bien te raconter. Au pire tu te foutras de ma gueule, au mieux tu comprendras pas.
- Sympa.
- C'est compliqué. Je l'ai rencontrée sur le net, y'a longtemps. J'étais encore qu'un ado à peine plus jeune que toi. On a jamais pu se voir, y'a toujours eu des impondérables à la con. Bière ?
- Ouais.
Il est allé en faire 8 et nous les a amenées 2 par 2. Pendant qu'il pressait, il me racontait son histoire à base de quête de soi, de complémentarité, et de la grande ironie de l'amour : Tant que tu ne t'es pas trouvé, tu es voué à passer à côté de ton âme soeur, même si tu l'as en face de toi. Tu peux même aller jusqu'à fuir cette personne. Il me disait qu'elle semblait incapable de ressentir par elle-même, vouée à se brancher sur les autres pour avoir l'illusion de vibrer à travers eux. Ce pattern m'évoque amèrement Solenne, quoique son hypocrisie ait pris une autre forme. Mais le résultat est le même : On ne sait plus ce qui est ni ce qui n'est pas.
Il y avait les contradictions, les fuites et les retours, et au final, aucun des deux qui ne comprenait vraiment ce qui se passait. Neto s'accrochait, persuadé qu'elle était la femme de sa vie. "Je le sentais dans mes tripes. C'était elle et personne d'autre." Elle s'en foutait. Elle supportait plus qu'il cherche à la mettre à jour, du coup son affection s'est transformée en haine.Â
- Bordel, pourquoi le relationnel humain, dès que c'est intéressant, ça devient un merdier pas possible ?
- T'as donné la réponse tout à l'heure.
- Hein ?
Il a relevé les yeux vers moi.
- La quête de soi. C'est ça le but. Bordel, on arrête pas d'en parler depuis qu'on a retrouvé Soda. Les personnes les plus intéressantes sont celles qui ont le plus de potentiel, donc logiquement le plus de travail à faire sur elles. Techniquement, on est avant tout des âmes qui évoluent.Â
- Du coup on est dépendant de l'évolution des autres.
- Je sais pas. Peut-être que ça marche autrement. Je pense à une histoire d'équilibre, dis-je sans trop y croire - merci Solenne.
Il a repris le fil de son histoire. Elle a fini par quitter sa vie sans vraie raison valable. Il a voulu faire son deuil et commença à mener une vie dissolue, dans l'espoir d'oublier et de toucher le fond dans le même mouvement. Il a tenu qu'un temps comme ça. Le spectre de Sonia s'est mis à hanter sa vie comme ses rêves, et il a fini par prendre la décision de la trouver, où qu'elle soit et à n'importe quel prix. C'est pour ça qu'il est venu au concert.
- Je m'attendais pas à la revoir après la fin du monde. Ca faisait plusieurs années que j'avais plus de nouvelles.Â
- Tu la connais comment ? Une ex ?
- Non, on était très liés, mais plus comme frère et soeur de coeur, même si l'appellation peut paraître ridicule.
- Le ridicule tue pas, clama Neto en s'affalant sur son fauteuil bras et jambes écartés. Regarde-moi !
- Te complais pas là -dedans. Gâche pas tes chances. Le destin t'a permis de la retrouver, crache pas dans la main qu'il te tend.
Neto bourré s'est levé et m'a présenté la sienne.
- Merci, mec.Â
Je l'ai serrée sans hésiter.
- Fais gaffe à vous.
- Ouais, chef. Comptez sur moi.
Il a pris l'escalier et s'est méchamment croûté sur les premières marches. Le plus drôle c'est quand même qu'on devrait avoir pour priorité de sauver nos fesses, pas de pouvoir toucher impunément celles de sa voisine. Mais nous on s'en fout, on est trop cools pour mourir.
Je suis allé l'aider. On se marrait tous les deux.Â
- Maintenant c'est les jeunes qui aident les vieux à rentrer bourrés...
Son bras autour de mes épaules, à galérer pour avancer -on devait être qu'à deux verres de différence, même pas-, je me suis rendu compte qu'on sentait sacrément la sueur.Â
On transpire mais on va pas aux chiottes même après 10 bières. Vive le nouveau monde.
J'ai ouvert une porte au pif avec le pied et balancé Neto sur le lit. Grande classe, le lit, au fait. Les mecs de la prod se sont pas foutus de nous. L'orga est nickel.
- Ca va aller, t'es sûr ?
- T'inquiète, j'ai pas un bide en plastic.
Je lui ai amené la poubelle de la salle de bains.
- Si tu vomis, vomis là -dedans.
- Ouais chef. Comptez sur moi.
- A demain.
- Ouais ch-ronfl...
- Bonne nuit mec.
Â
Â
Bon, maintenant c'est l'heure du jeu de piste. C'est parti.
Dans le genre film d'horreur de maître, le couloir est parfait. Je croiserais un môme en tricycle que ça m'étonnerait pas. Ma première rencontre s'est avérée être une chaussette. Par terre et qui sentait plutôt bon. Je me suis senti d'un coup vide. Triste et inconscient de l'être. Cette chaussette me semblait mener nulle part. Solenne me semble à son tour fade et vide de sens. Mon coeur ne se serre pas et je m'en frappe la tête contre le mur. Je titube, me cale contre le mur et soupire en m'allumant une clope. Ce non-ressenti est absurde. J'ai toujours aimé cette fille et de toute façon j'ai pas le temps de ne pas l'aimer, ni de mettre ces sentiments en doute.Â
Une traînée de sang coule le long de mon nez, séparant mon visage en deux. Le message est clair, et il colle avec tout ce dont on nous rabat les oreilles depuis que ce gigantesque merdier a commencé.Â
Mes sentiments ne sont rien à côté de ce qui est vraiment important. Le monde lui-même n'a aucune importance à côté de ce qu'on va faire. Ca me semble de plus en plus une évidence, tout porte vers l'Univers, quelque chose dont la grandeur nous avale tous, nous et nos petits sentiments étriqués et pathétiques. Sa magnificience nous éclatera tous en un milliard de petits morceaux, tous aussi vains que notre ensemble. Nous ne sommes rien. Nous ne...
- Salut Dan.
- WAAAAH SEB ! Qu'est-ce que tu fais là ? sursautai-je.
- J'ai entendu du bruit. Et je parle pas du choc de ta tête contre le mur. Tu n'as pas le droit de penser ça.
- Sinon quoi ? Tu m'envoies en taule ?Â
- Dan, il y a une force noire qui croît en toi depuis que nous sommes arrivés dans ce monde. Si tu la laisses prendre le contrôle, elle te détruira.
- Arrête tes conneries, j'ai l'impression d'être dans un vieux film manichéen à la con !
Avec beaucoup de douceur et de fluidité, Seb m'attrapa par la gorge et me plaqua contre le mur.
- L'intelligence ouvre tous les chemins et la difficulté d'en choisir un. Si tu prends le mauvais par lâcheté, faiblesse ou facilité, tu vas te foutre en l'air et nous entraîner avec toi.
- Parce que maintenant t'es psy ET médium ?Â
Sans déconner, c'est quoi cette scène, d'où elle sort ?
La voix grave de Seb sortait avec une puissance sourde de sa gorge barbue. Son bouc avait un air sentencieux.
- T'es pas le seul à cumuler les pouvoirs. Et contrairement à toi, je les utilise pas pour flatter mon ego.
- Hein ?
- Tu ne l'as pas encore fait, mais tu le feras, et il n'y a aucun moyen d'y remédier. Rien ni personne ne t'empêchera de faire cette erreur. Elle est presque déjà écrite.
- T'es qui et qu'est-ce que t'as fait à Seb ?Â
Je l'a dégagé d'un coup de bras. Lenne est restée en bas. Brûler, vite, avant qu'il me balance sa lumière à la tronche. Balancer mes pieds comme si mes jambes étaient des ailes. En l'espace de dix secondes, c'est devenu épique. Il a déployé ses ailes d'ange en streetwear et m'a balancé un onde qui m'a propulsé contre le mur tout en me remplissant de joie.
Qu'est-ce que c'est que ce truc ? Contre-attaquer, vite, retrouver la rage, se remplir de feu, frapper, fort, encore et encore.
Il me coupe la respiration et me repousse. Comme tout à l'heure mais en plus violent.
Je reviens à la charge à grands coups de kicks enflammés, il en évite environ un sur deux, je lui hurle que c'est pas lui, je brûle de plus en plus, je lui cale un combo à 5 coups dans la tronche, du genre que mon prof de Tae Kwon Do aurait apprécié s'il avait été dans le coin, mais Seb s'en fout, il encaisse trop bien, beaucoup trop bien pour que ça soit lui, et frappe beaucoup trop fort pour un ami qui veut simplement t'éviter de faire une connerie. Il m'éclate la tête contre le mur au sens propre, puis contre le sol et je me sens sale. Le feu tournoie autour de moi, formant un cocon protecteur, et je me retrouve à whirler partout avant même de m'en rendre compte. Le couloir tout entier prend feu, laissant à peine la place aux rayons de Seb pour trouer par leur lumière l'obscurité de la fumée ainsi crée.Â
Je plonge dans les flammes, avec dans l'idée de m'en servir pour me rematérialiser ailleurs et prendre ainsi Seb par surprise, et
Sommes pas uniquement ce que nous croyons être, bien au contraire.
Ma clope s'est un peu consumée toute seule. Il est temps de partir. Je repenserai à tout ça en temps utile. La chaussette pointait vers le fond du couloir. La deuxième m'attend, en forme de flèche cette fois-ci. Et un soutien-gorge sur la porte. Evidemment.
J'ouvre la porte, les chaussettes dans la main, le soutif sur les épaules, et je me suis pris une culotte dans la gueule.
Ok donc ça c'est fait...
- T'as mis le temps...
_________________________________________________________________________________________________________________
1. C'est toi qui dis ça ? T'as pas une quinzaine de révélations supplémentaires à me faire, au fait ?
2. Ouais, je sais, la rocade était bouchée.
3. J'vais te mettre autre chose, tu vas comprendre la valeur de l'attente.
4. Tiens, c'est marrant, ça me rappelle une ex...
5. On a discuté avec Tortue-Ninja et je l'ai aidé à se coucher parce qu'il était trop bourré.
6. On a trouvé une radio où c'était l'heure du Monde de Monsieur Fred et il y avait une rediff de Signé Furax après. Me demande pas comment c'est possible.
7. Oui mais c'est toi d'abord.
8. N'importe quoi, j'ai fait aussi vite que j'ai pu.
_________________________________________________________________________________________________________________
Au lieu de ça, j'ai simplement posé ses sous-vêtements sur une chaise avant de finir par me décider à la regarder. A oser la regarder, comme un monstre, une nymphe, une ange, que trop de beauté aurait rendue dangeureuse pour des yeux humains. Le beau est toujours bizarre, disait un poète d'un autre siècle. Mon coeur battait à 225 noires par minutes.
Tension sexuelle bonsoir.