- Avant que quelqu'un d'autre se décide à faire une connerie, je propose de trouver un endroit où dormir.  On y verra plus clair demain, si ce mot a encore un sens ici, a dit Solenne.
- Approuvé, a dit Neto. Surtout si le jour se lève.
- Je suis d'accord aussi, dit doucement Sonia.
- Pareil, soufflai-je. Nous avons besoin de temps et de repos.
- Wah, Seb ! Mais tu parles, mon pote !
Pour une fois, j'ai souri.Â
- Oui, c'est ça mon pouvoir en fait.
- Attends mais c'est génial !
- Bien, bien, bien, les jeunes ! a lancé Soda. Il est maintenant temps pour moi de tirer ma révérence et de vous dire à bientôt. Je suis content de vous, a-t-il ajouté avec un grand sourire que j'ai vu sincère.
Il a disparu dans une grande onde noire invaginée.
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On était devant Lost, un de ces vestiges culturels à l'épreuve du temps. On venait de terminer la saison 5. Les passages avec les bonds dans le temps m'avaient retourné le bide plus d'une fois, comme si quelqu'un, quelque part, cherchait à me dire que c'était possible et que je le savais, malgré mon actuelle incapacité à le faire, ou en tous cas à le revivre.
Début de la saison 6, flash-forwards et paradoxes. Et s'il me suffisait de faire pareil pour retourner dans le futur ?
Je caresse les cheveux de Solenne blottie contre moi en me demandant si sauter par la fenêtre suffirait.
Lire le livre dont j'étais même pas censé connaître l'existence en est déjà un - ce qui voudrait dire que le Dan du futur est déjà au courant de tout ça, ou que l'information vient d'apparaître dans son esprit, à condition que ce passé soit dans le même continuum que le présent - mais visiblement c'était pas suffisant.Â
Mais attends, si le Dan du futur sait, ce serait sans doute la raison pour laquelle la fin du monde m'a pas fait grand-chose, et du coup le feu n'aurait rien à voir avec ça. Pourtant, j'ai jamais été sûr à 100% de quoi faire. Si ? Je sais plus. Quel bordel. Le même que celui de Jack, Sawyer et les autres, tiens.
Et pour en sortir, ils ont branlé un sacré coup d'éclat, et c'est justement ça qui a créé leur réalité alternative. Exactement l'inverse de mon cas, mais la solution pourrait être la même.
Sauter par la fenêtre serait pas mal, ouais. Est-ce que je lui sors "Chérie, je viens du futur" avant ? Ou alors je lui dis en espérant qu'elle me jette par la fenêtre avec un cri primaire. Hum... Peu probable.
Mais bon, à part si cette réalité se termine d'elle-même, c'est ça où attendre le temps qui me sépare de la fin du monde. Pas très bandant comme alternative, mais ça implique que je suis dans le vrai passé et pas dans une réalité parallèle, et qu'en plus, je peux encore partager du temps avec Solenne avant de plonger dans les abysses eschatiques. Et ça c'est plutôt cool, pour peu que j'arrive à oublier la très forte probabilité qu'elle ait beaucoup à voir là -dedans.
C'est décidé, prochain voyage temporel, je me trouve une constante à la Daniel Faraday. Reste à trouver quoi.
Mon crâne commence à gentiment overdoser sous les questions. Mes yeux piquent, je les ferme et me rapproche encore de Solenne, la serrant un peu plus contre moi.Â
Â
Blackout.
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XMCB MBZM UMBBZM TI XIZBQM LM VMBW AMCT YCQ LMXZQUM LIVA AWV IXXIZB, MKZQBM IC UIZYCMCZ LIVA TMA JZWCQTTWVA.Â
[CC Déc 8]
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Sauver les apparences. Bien. Maintenant il faut les trouver, et les prévenir. Il va falloir changer tout notre plan, sans quoi on court à un désastre sans précédent. Pourvu qu'ils l'aient compris, de leur côté, et qu'ils agissent correctement. Plus le temps de penser, je dois y arriver le plus vite possible. Jamais mon coeur n'a battu comme ça.
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Ca faisait bien deux heures qu'on marchait. On avait presque plus de clopes.Â
- Soda est trop louche pour être sincère. A tous les coups il suffit de faire tomber Shell Haven pour mettre fin à ce délire absurde.Â
- J'ai des doutes.Â
- T'es naïf.
- C'est moi qui ai passé le plus de temps avec lui.Â
- Evidemment. Il lui en fallait un pour le soutenir quand ça sentirai le sapin pour lui. Pas étonnant qu'il t'ait choisi.
- Rappelle-moi pourquoi je t'ai rejoint ?
- Réfléchis deux minutes. Pourquoi il nous manipulerait ? Pour le fun, le délire de puissance ? Ca n'a aucun sens quand tu vis dans un monde avec des milliers de réalités, et que ton boulot est justement de gérer ça. Par contre, ça m'étonnerait qu'ils soient 8 milliards, à Shell Haven. En fait, j'en suis presque sûre. On est supérieurs en nombre, et de beaucoup. C'est à notre énergie qu'ils en veulent, c'est pour ça qu'ils nous ont débridés. On en crée plus, on fait n'importe quoi avec, et eux, d'une manière ou d'une autre, ils la récupèrent. Je sais pas encore comment, mais tout ça est évident.
- Donc il y aurait une crise suffisante pour qu'ils retournent tous leur veste en même temps et arrêtent de veiller sur nous comme ils l'ont toujours fait.
- Si ils l'ont déjà fait.Â
- J'ai une autre théorie : Soda est sincère, c'est du côté de ses supérieurs qu'il faut chercher.
- Sorel lui sert à faire diversion. Il nous renvoie vers lui pour se faire oublier, et le fait passer pour le méchant à éviter à tout prix.Â
- Pas sûr. Faudrait lui demander.
Elle s'est arrêtée de marcher et m'a planté avec ses yeux.
- T'es qui et qu'est-ce que t'as fait de mon mec ?
J'ai sorti une clope, puis une deuxième.
- J'essaie d'envisager de nouvelles perspectives.
Elle l'a prise.
- C'est pour ça qu'on s'est retrouvés ici, continuai-je calmement.Â
On a partagé la flamme du briquet qui a au passage éclairé son visage d'une lumière chaude, intime. Ses cheveux donnaient à son visage un air de peinture. Elle a levé les yeux vers moi.
- Kep.Â
- Lo.
Nous avons continué à marcher en silence. Je l'ai brisé à la moitié de ma cigarette.
- Ca ne mène nulle part. C'est toujours le même décor qui tourne depuis tout à l'heure.Â
Elle s'est arrêtée net, sa clope encore entre ses lèvres.
- Maintenant que tu le dis... En plus on est même pas dans Boredom, là ..! T'as déjà vu cette rue ?
- Non...
Pourtant je rate pas un concert de Crave, et vu qu'ils jouent partout et tout le temps, en à peine six mois j'avais appris la ville par coeur.
On a tourné sur nous-mêmes, tremblants. Tout était pareil partout. Une grande route à deux voies, et des suites de 10 portes qui se reproduisent avec une régularité mathématique.Â
- C'est Shell Haven ! Ils savent, ils nous courent après !
- Calme-toi... Tu veux une deuxième cigarette ?
- Oui ! Ils sont au courant, ils -shuuup- ils nous bloquent ! On est piégés, on est foutus ! On... -fwwwwww-Â
- Ok, ok. On va trouver un moyen de sortir d'ici.Â
J'ai couru vers la porte la plus proche pour la défoncer d'un coup d'épée qu'elle m'aurait renvoyé dans la tête si je n'avais pas eu le réflexe de la décaler. Y'a peut-être un ordre à trouver. Le temps que je formule cette pensée et Lola avait déchainé ses boules noires partout autour d'elle. La rue s'est transformée en un billard épileptique géant.
-Putain, Lola, merde !
J'ai couru vers elle, au centre de la rue, pour la protéger de sa propre connerie, et c'était parti pour la finale de base-ball. Sabre à plat, je frappe de toutes mes forces dans une première boule, qui part très loin et me revient dans le dos.Â
- Alors, qu'est-ce vous en dites ? Ca vous plaît, le Corridor de l'Infini ?
J'ai relevé les yeux sur un type étrange. Il a levé la main et les boules de Lola ont disparu. Il portait un masque blanc à rayures noires asymétriques et était encapuchonné dans grand manteau, blanc d'un côté et noir de l'autre. Je saurais pas dire si c'étaient des gants à ses mains ou un exosquelette naturel, en tous cas elles tenaient un couteau gigantesque à côté duquel même ma lame faisait pâle figure.
Lo et moi avons échangé un regard du coin de l'oeil. Sorel. Sorel nous avait trouvés, et nous allions mourir. Mais pas sans nous battre. Pas sans lui mettre le plus cher possible avant de tomber. Pas sans l'exploser du mieux qu'on peut avant d'expirer. Pas sans...
Â