Ouais, je l'avoue, j'ai eu un coup de foudre. D'abord musical, ensuite humain. J'ai entendu parler du groupe grâce à ma chère Aurélia, j'ai pris une claque par surprise avec Just Vision et bien vite, le passage sur leur myspace est devenu un de mes petits rituels, basse dans les mains et cordes vocales tendues, surtout sur le morceau sus-mentionné. Un courant électrique qui dresse tous les poils de ton corps, ça arrive pas tous les jours, surtout avec le son très moyen (parfois vraiment pourrave) de myspace.
Je suis donc allé au concert avec, en gros, la détermination d'un mec qui va voir sa copine dont il est amoureux depuis peu. Et j'ai pas regretté le trajet, ni la difficulté à trouver la salle (Indiana Jones est un kéké à GPS à côté).
Ca se passe à l'Amadeus song, et la soirée est celle du label Composit Music, qui nous présente 4 groupes : Rendez-vous (Rock/Blues/Grunge), In Veins (Rock Stoner), Id-Fix (Pop/Rock), Subotica (French Rock).
Les étiquettes entre parenthèses sont purement et foutrement fallacieuses, faut pas s'y fier (à part peut-être pour les Rendez-vous, mais on va y revenir), détail que j'ignorais. Ne connaissant que la musique des In Veins, j'ai quelques appréhensions de la taille d'un mammouth quant à la qualité de la soirée qui s'annonçait.
La flamme du rock a pris une baffe, mais je me laisse pas démonter et me commande une bière. [D'ailleurs, faut pas aller à l'Amadeus pour se déchirer, l'alcool y est beaucoup trop cher.] Puis une deuxième. Ou alors c'était après. Je sais plus. Bref.Â
Je vois une bande de jeunes balancer, que je prends au début pour les Id-Fix. [Dans ma tête, les In Veins ont 30 ans de moyenne d'âge, et deux enfants chacun] Autant être honnête, j'ai jamais vu des balances aussi propres, un groupe aussi cohérent, et qui envoie sec dès les échauffements. Je sors discuter avec eux, une fois assuré qu'ils joueront Just Vision ce soir, et je découvre une bande de potes, peut-être même d'amis, soudés, humbles et qui se prennent pas au sérieux. Très bon esprit, très ouverts.
Je grille une cigarette avec un chevelu à bière/clope qui s'est joint à nous, et ça parle musique, labels, difficultés, passion.
C'est d'ailleurs le groupe de ce monsieur qui joue en premier.
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Un guitariste hirsute à la coupe de yéti et à la barbe de 15 jours bien fournie s'avance avec assurance sur la scène et nous présente son jeu blues, rock'n'roll et authentique, le tout porté par un feeling indéniable. Les santiags sont pas là que pour le style, ces jeunes briscards envoie vraiment, il y a quelque chose qui se passe, on touche aux racines de la musique qu'on aime, on retourne sur les traces des bluesmen qui ont fait l'Histoire et donné naissance au rock'n'roll.
Le chanteur/guitariste se la joue freestyle sur un morceau, la gratte perpendiculaire au corps, enfin, un truc zarbe, mais stylé.
Stylé. C'est le terme qui les rapproche de No Code, un groupe sur lequel j'ai un peu craché avant de vraiment rentrer dans leur musique (déjà fait ça pour Tool, donc bon...), et, même si les RDV ne jouent pas sur le côté sexy (sauf s'il y a un morceau qui parle de seins et que j'aurais malencontreusement loupé), on sent qu'ils ont probablement été élevés à la même école.
Leur batteur me fait penser à Eteinne Sarthou avec moins de cheveux, mais pas moins de talent (bien que j'ai pas trop analysé son jeu). Il ne pousse pas le truc, il fait simple mais le fait bien, avec juste ce qu'il faut de remplissage pour ne pas être vide. Ni trop présent. Bref, rien à redire. L'autre moitié de la section rythmique est assurée par un jeune homme discret qui reste en retrait (peut-être à cause des retours) mais se gêne pas non plus pour headbanger sauvagement sur un morceau, le pied sur l'estrade de la batterie.
Le groupe se limite pas à un style précis, ils vont même chercher dans le funk sur un morceau empreint de rythm'n'blues.
Le rendez vous est pris, précis, et envolé. Un rencard dans un avion en partance pour les States, si on veut.
Je m'attendais pas à être si agréablement surpris. Du blues, du rock, du solo qui démonte même avec peu de notes, une basse (walking, la plupart du temps, si je me trompe pas), une batterie carrée et tellurique, un chant écorché à vif, en deux mots : Rendez-vous.
"So be there, or be square !"
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Ils quittent la scène sous un tonnerre d'applaudissements, et on quitte les racines et l'avion pour un monde parallèle, un univers qui nous dépasse, une réalité transcendante.
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On est dans le progressif, dans l'ambiant, dans le coeur, mais aussi dans les tripes. L'aorte nous mène dans des accès destructeurs amenés par des mélodies très souvent imparables. Les deux hémisphères entre en symbiose.
Mélopées psychédéliques et envoyées lyriques côtoient riffs acharnés et bourrinages psychotiques. Peu importe où il va chercher, le groupe se maintient toujours en équilibre. Et kiffe sa musique à chaque instant. Vrais, authentiques, un feeling indubitable, un univers, une ambiance, une atmosphère. On peut leur reprocher justement de ne pas montrer beaucoup de facettes de la persona du groupe, ce face à quoi j'aime croire qu'il faut du temps à un bon groupe pour se construire pleinement, comme à tout être humain.
Et puis bon, c'est quand même super varié, on va pas se plaindre, non plus. On pense à Nihil sur certains morceaux (RIP), à Archive sur d'autres, mais cette pensée va pas plus loin que "tiens, ils aiment ce groupe". On a pas affaire à un énième clone, et ce pour les raisons citées plus haut. 3 chanteurs, je crois que ça vaut la peine d'être mentionné. Marco au synthé s'occupe des parties principales de voix, Kevin à la guitare et Jérémie à la basse viennent le souligner ou l'entourer avec des parties plus graves, parfois même hip-hop (dans le morceau bonus, dispo sur leur myspace en version live), ce qui rappellera encore le groupe anglais cité plusieurs fois plus haut.
Mais les In Veins ont plusieurs cordes à leur gratte. Leur musique s'avère plutôt optimiste, de quoi tracer une limite bien nette avec le groupe de Darius Keeler et Danny Griffiths, même sur la pré/post-apo Just Vision (vous l'avez compris, c'est elle, ma copine), où on a aucune envie de se tirer une balle, par contre sauter partout en frissonnant de plaisir s'impose comme une évidence irréfutable. Un morceau libérateur. Détruire pour reconstruire, semble dire la structure.
D'ailleurs, tant qu'on parle de structure. Avec In Veins, on brûle au lance-flammes les classiques couplets/refrains, on va chercher ailleurs, pas forcément au-dessous ni au-dessus, on sait pas où, mais on y va. Et c'est là que c'est beau, quand la route est floue, brumeuse, incertaine de la prendre envers et contre tout, sans aucune idée d'où elle nous mène.
Le groupe termine son set sur mon coup de foudre, suivi par une reprise démentielle de Fuck U d'Archive. Rien de vraiment novateur, mais l'esprit du morceau est respecté et envoie suffisamment pour foutre en transe un jeune barbu à lunettes et aux cheveux courts posé au premier rang.
Une claque, quoi. Une deuxième grosse, grosse claque.
La lumière se rallume, retour sur la surface de la Terre, sans vraiment savoir si on revient direct des étoiles ou de 8 pieds sous terre.
Je sors m'en griller une et affronte le défi de donner au groupe un point de vue honnête sur leur prestation tout en restant crédible (comprenez éviter l'effet "suçage de gland par fan décérébré(e)". C'est là qu'on se rend compte que c'est quand même plus sexy quand il y a une fille dans le groupe. Comprenne qui voudra/pourra).
Humainement, les In Veins, comme les Rendez-vous et les Id-Fix, sont très humbles et ne se prennent pas la tête. Ca déconne, ça se prend pas au sérieux, ça dit des trucs justes, ça dit de la merde, le tout dans le bon esprit. Ca fait plaisir.
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Et ça a marché. Les gens se sont pour la plupart levés, certains morceaux s'aménagent pour laisser une place au public. (le faire hurler sur "Sors de ta cage", le faire chanter sur "I like to move it, move it", le faire transpirer, le faire taper dans les mains, le réduire en esclavage, tout ça ils savent faire). Le chanteur trippe avec le jeune scandinave mentionné plus tôt (mais si, celui qui était en transe à la fin du set précédent.)
Id-Fix nous emmênent en pleine dystopie. Les années 80 de nos jours. J'ai pas pu m'empêcher de penser ça. Y'a du Téléphone, du Blues, du Rock brut (comprenez burné, et à voir en live, les versions myspace sont plutôt molles, quoique très sympas. En live, c'est une autre histoire). Y'a de bonnes idées, des riffs parfois surprenants, des ziciens qui s'aiment, et qui aiment leur public, et je dois avouer que je regrette pas d'être resté pour les voir. La voix du chanteur est différente en live, le niveau du groupe aussi, donc rassurez-vous, le côté ersatz de Téléphone a complètement disparu entre le CD et la scène. Le groupe doit avoir quelques années d'existence derrière lui, il commence à forger sa personnalité, on les sent énergiques, à l'aise sur scène, à l'aise avec le public. Balancent des vannes, se roulent par terre, prennent des poses complètements ridicules ou au contraire très stylées ("woeh freestyle dude !" comme dirait quelqu'un).
Les compos sont plutôt variées, parfois en anglais, d'autres fois en français, et agrémentées de soli bien placés, comme leurs potes de Rendez-vous, et contrairement aux In Veins, qui se limitent en la matière à quelques parties mélodiques pendant les explosions soniques conséquentes à leurs montées progressives.
On en arrive logiquement aux défauts. Aux pains. Je ne les ai pas tous vus, mais il y en a eu. D'abord, Kriss, le guitariste des RDV, qui m'avoue avoir joué au boulanger sur le premier morceau. Ben aucune rupture de feeling, qu'est-ce que tu veux que je dise ? Les Trust ont composé des morceaux à partir de pains, l'accord de piano (suivi du rire de Sting) sur Roxanne de The Police en est également un beau, et pourtant, ça donne quelque chose de plus au morceau. Ben là , c'est pareil, je peux pas argumenter. Et même si tous les morceaux sont basés sur du blues, on se fait pas chier une seule seconde.
Rien à dire non plus d'In Veins, à part quelques regards qui semblaient dire "WTF dude ?" à quelques moments, un guitariste un peu statique par moments, et la sale impression que leurs morceaux étaient écourtés. ... En fait, c'est ça, le défaut. C'est beaucoup trop court. Ca ne pète pas assez longtemps, et leur goût de reviens-y peut finir par mener à la lassitude. C'est un risque à prendre, et y'a qu'assez peu de raisons de pas tenter le coup, en toute honnêteté. Leur univers est séduisant, et j'espère qu'il est encore en pleine croissance et expansion. Comme je le disais au-dessus, ça manque cruellement de soli sur certains morceaux. Ca collerait vraiment bien avec le trip post/progressif et permettrait des envolées vers de nouveaux horizons.
On termine avec les Id Fix, et là encore, pas grand-chose à dire. J'ai pas vu de pain notoires, juste une bande de potes qui s'éclate avec le public, sans se prendre au sérieux. J'aurais été beaucoup plus critique si je n'avais écouté d'eux que leurs morceaux studios.
En live, c'est quelque chose. Du bon riff, accrocheur, parfois écorché, qui taquine furieusement les pulsions headbangiennes, associé à des soli bien maîtrisés, des textes bien fichus (même si je les entendus de loin et qu'ils peuvent à première vue être améliorés. Je préciserai ce point de vue quand je connaîtrai mieux leurs lyrics) et surtout, surtout, une énergie, une bonne humeur, un plaisir de jouer communicatifs. Et ça, ça pète, mesdames et messieurs.
A noter qu'il y avait également ce soir-là les Subotica, que j'ai magistralement loupés (vu un ou deux morceaux, très vite fait) pour une sombre histoire de transports en commun nocturnes.
- Références web et Styles - ou comment faire une affiche plus crédible la prochaine fois, même si les étiquettes ne veulent rien dire :
Rendez-vous, étiquetés Rock/Blues/Grunge, pourquoi pas ? Sauf que seule la voix éraillée du chanteur rappelle ce dernier style, et seulement -à mon humble connaissance- ce cher Kurt. Musicalement, c'est résolument Rock'N'Roll, Bluesy, avec un détour Funky sur un morceau. Ecoutez donc -> http://www.myspace.com/rendezvous33
In Veins... Du Rock Stoner ? J'les ai pas vus prendre de drogues, et même ce détail mis à part, non, non, les gars, le Stoner, c'est pas ça. Progressif, Psyché, Post-Rock, clairement Post-Rock, un peu Trip-Hop, toujours Rock'N'Roll dans l'esprit, et, un terme que je ne connaissais pas et qui colle parfaitement, Shoegaze. Je vous laisse découvrir -> http://www.myspace.com/inveinsmusic
Id-Fix. Pop/Rock. Wah la blague. Bon, okay, les Worshippers étaient marqués pareil, et leur zique envoyait aussi du bois comme un Canadien, mais là , on est clairement dans le (Power) Rock/Hard Rock Bluesy à soli travaillés. Mais je conçois que les Id Fix passeraient plus facilement à la radio que leurs collègues précités. -> http://www.myspace.com/idfix
Voilà , en gros, comment prendre ta claque en une soirée, avec des types bien, qui font leur zique, celle qui leur vient du coeur, des tripes, avec autant d'âme que de couilles. Ce genre de groupes, comme les Earsbreakers, dont je parlais récemment, mérite vraiment de graviter dans un spectre plus large; ils ont l'esprit de la musique, et malheureusement, c'est devenu très rare de nos jours. Tellement rare que j'ai coincé Marco quelque part pour le menacer de mort si le groupe splitte, menace qui s'étend désormais à ces 3 groupes qui m'ont fait passer une soirée exceptionnelle, ainsi qu'à , je l'espère, toutes les autres personnes qui étaient là ce soir.
Ce soir qui partait plutôt mal s'est révélé magique grâce à 3 groupes d'alchimistes en puissance étudiant l'harmonie pure, avec qui j'ai pu discuter tout naturellement et sans problème.
Et après y'en a encore pour dire que je suis asocial.
Mentions légales : Ici, seul m'appartient le texte. Les propos tenus n'engagent que moi et les photos sont les propriétés de leurs auteurs respectifs, notamment Emilie Richard. Pour le reste, ce sont les groupes qui m'ont laissé taper à loisir dans leurs photos Facebook. Si j'ai violé une règle ou enfreint une loi, merci de me signaler l'abus, que le puisse le corriger au plus vite. Nul n'est censé ignorer la loi, mais on a peut-être pas forcément le temps de s'enquiller tout le code civil.
Mention moins légale : Ces groupes sont excellents, courez les voir.
Mentions pas légales du tout : Il y a un Alain Juppé caché dans une des photos. Sauras-tu le retrouver ?