Et on se rapproche de la partie intéressante.
Orjan.
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Un accord a déchiré le silence. Une rythmique bluesy implacable s'est mise en place. Sur le devant de la fosse, les gens commencaient à s'animer un peu. Je me suis reculé vers les gens qui ne bougent pas de tout le concert et viennent pour s'inspirer, se relaxer, ou simplement critiquer les groupes qui jouent, voire assister au concert uniquement pour descendre le groupe en connaissance de cause. Je peux comprendre, j'ai fait ça pour les B is for Brunette.
Plus le concert avançait, plus mon coeur aggravait son overdose d'adrénaline. Je savais que quand je lui aurai parlé, quelle que soit sa réponse, je me retrouverais face à un choix très important, autant désiré que craint. Peut-être que lui aussi avait perdu contact avec elle. Ou pas. Raaaah.
Je tremble, la chaleur m'embaume avec mes obsessions. Je suis comme un type qui volait encore dans l'espace 5 minutes auparavant, et qui se retrouvait d'un coup à mordre durement le macadam, alourdi par le retour rebelle d'émotions qu'il croyait perdues.
Tais-toi, Netosbrain. Tais-toi, tu me fais pas peur. Je me suis déchaîné sur le groupe suivant, Loot in Peace. Leur métal atmosphérique marié au post rock par un prêtre indubitablement alternatif m'a pris au coeur. Efficace, surprenant, talentueux.
Les Crave sont arrivés après. Mon coeur battait de plus en plus, mes intestins faisaient des leurs, je me sentais vivant comme j'avais oublié qu'on pouvait l'être. Je me suis avancé et j'ai heurté le coude de quelqu'un, m'excusant au passage. Je me suis fait inhabituellement mal, comme si ce type était fait en pierre.
Je me suis retourné vers lui en me massant le bras, les yeux un peu plissés pour mieux voir, mais j'ai pas réussi à le distinguer. Par contre, j'ai vu des ados en slim et T-shirt moulant. Qu'est-ce que ces noobs viennent faire à un concert de metal ?
Ils ricanaient, leurs petits yeux braqués sur a scène. Je sentais un truc, comme une vibration étrangère à la section rythmique du groupe. Ca m'a permis de me détacher de mes obsessions 5 minutes.
D'ailleurs, les Crave ont aussi de sacrés guitaristes. L'un des deux, le mec, très concentré, était en train de déchirer ses cordes sur le solo de Lose Control. Le batteur l'a repris là où il s'était arrêté et s'est mis à partir dans un solo génial et inattendu.
Ils ont sorti quelques reprises, ainsi que des compos (Paranoïa Black, un vrai délice), avant de finir sur un morceau progressif et inconnu, aux mélodies irrésistibles, qui m'a fait frissonner de plaisir de partout et oublier les quatres abrutis derrière.
Quand la dernière note s'est fondue dans le silence, les 4 gamins me sont passé devant et son montés sur scène. Ils ont très vite foutu le bordel et les mecs de la sécu sont rapidement intervenus, transformant la fosse en un foutu bordel improbable.
Un type est tombé à deux mètres de moi, et j'ai vu le chanteur, son pied de micro à la main, le regarder une seconde avec un sourire avant de se retourner sur un des 4 mômes qui avait visiblement autant de goût en musique qu'en style vestimentaire.
Très vite, le foutu bordel improbable est devenu un foutoir sans nom, et je devais absolument trouver un moyen de lui parler, de faire quelque chose, de l'approcher, de le tirer de là pour l'ammener au calme et lui poser mes questions.
Je me suis frayé un chemin à travers la foule, foutant des coups de coude, de poings, voire de pieds en direction de tout élément masculin tentant de rentrer en collision avec moi, esquivant les filles et économisant mes mouvements pour atteindre la scène au plus vite. Je l'ai cherché frénétiquement des yeux, les sourcils froncés et le cerveau en ébullition. Les deux guitaristes sont au milieu et à gauche de moi, sur la scène, le chanteur est là avec son spear, je sais pas où est passé le batteur, ni lui.
Merde, double merde, triple bordel de cul. Le batteur je m'en branle, sauf s'il peut m'aider à le trouver. Quel salaud intéréssé je fais. Mais l'heure est pas à ça, enculé ! J'en peux plus de patauger dans cette ratatouille humaine beuglante et insensée, métaphore viciée remplie d'ironie dérangeante de ce que j'essaie de transformer en ma vie passée. La sensation étrange me quitte pas, et à elle s'ajoute un sale goût dans la bouche, corollaire estropiant de ma conclusion précédente. Avec tout ça, je suis en train de reculer, aspiré puis repoussé par le marasme humain dans lequel je baigne.
J'ai hurlé. Très fort. Un hurlement bestial, douteux, frustré, (pri)mal, rocailleux, enragé. J'ai poussé les 6 personnes qui étaient devant moi, 3 avec chaque bras, suffisament fort pour que les deux tiers se cassent méchamment la gueule par terre. Je marche sans me retourner, fermement, vers la scène qui prend des airs de piédestal sacré, de but utlime, de porte ouverte sur le champ des possibles.
Et c'est là que je l'ai vu. Avec sa basse, en train de déranger la dentition de trois types qui l'attaquaient, dont un avec une cymbale. Coup circulaire de sa part, face à la fente que lui fait l'autre. La basse tape de plein fouet dans la partie coupante du lourd cercle doré, mais elle touche bien les 3 types qui lui font face. Un tombe, les deux se rapprochent de lui pendant que j'essaie d'en faire autant, et cet abruti examine sa basse, troublé.
En même temps y'a de quoi. Elle aurait dû être coupée en deux, ou au moins salement amochée par le coup de cymbale. Mais de là où je suis, j'en vois pas la moindre trace. Les deux types restants l'attaquent pendant qu'il se remet en garde (si on peut dire). Droites dans l'estomac et la tête. Bonne synchro, tapettes. Pourquoi vous appelez pas vos cousins, tant qu'à faire ?
Quelle bande de blaireaux, ils m'abîment celui que j'me suis tant donné de mal à retrouver.
J'ai débroussaillé mon champ de vision à l'épaule. Il protégeait sa copine. Brave. Respect. Je sens quil pourra m'aider.
Je gueule son nom pendant qu'un type monte sur scène, il regarde en contrebas mais me rate, et retourne sa tête à temps pour éviter le poing du mec qui venait de monter. D'un coup de basse, il le renvoie vers moi.
Crois bien que je me suis déchaîné sur cet enfoiré. A CAUSE DE LUI J'AI RATE UNE PUTAIN D'OPPORTUNITE !!
Les mains en sang, j'ai essayé de me calmer, histoire d'éviter de louper ma chance suivante.
C'est là que j'ai croisé la fille de tout à l'heure.
Ses grands yeux bleus m'ont pénétré.
Puis tout s'est figé.
Attention aux temps et au rythme, mais il y a des phrases intéressantes.