Lundi 20 février 2012 à 2:01

- Je te croyais morte, ai-je fini par dire.

- Tu vois bien que non.


Elle a pris ma main et l'a posée sur son sein en souriant. J'ai senti battre son coeur et ressenti une décharge électrique : c'était la première fois qu'un détail pareil avant autant de valeur. Comme au début d'une relation, quand on guette le moindre signe, quand le plus petit regard est porteur de sens. Quand j'appellais Dan pour une phrase qui pourrait en avoir deux. Quand les semaines se suivent sans se ressembler, quand on avance bercés par la poésie des premiers instants. Quand il n'y a plus rien d'autre que le bonheur d'être ensemble. Quand l'incertitude nous faisait sentir vivants. Frissonner. Résonner d'émotions. Vibrer. Vivre.


Puis le temps nous a rattrapés. La passion qui nous animait s'évanouissait progressivement, et ça devenait nos passions et autres points communs qui maintenaient "nous" en vie. Salement ironique. On était un vieux couple avant la fin du monde, et c'est justement ça qui nous a rajeunis. Je ressentais ces vieilles émotions qui me paraissaient nouvelles. Renaître doit être aussi bon que ça. Nos lèvres se sont rencontrées comme la première fois.

 

Et comme par un hasard pas DU TOUT prévisible, c'est à ce moment qu'on a entendu un énorme grognement derrière nous. 
J'en ai rien à foutre, si j'y reste j'aurai au moins réappris à sourire avant de mourir. C'est mieux qu'un morceau de flûte.
 

Lola a relâché son étreinte et on s'est retournés ensemble pour tomber face à face avec un énorme machin quadrupède. Il s'est dressé sur ses pattes arrière et a poussé un long râle.

Le gros sabre sans réel poids avec qui je devais être lié d'une façon ou d'une autre est tombé du ciel pour se planter juste à côté de nous. Presque prévisible. Faudrait voir à se diversifier. Je l'ai empoigné en gardant les yeux fixés sur le monstre.

Il avait des lettres écrites sur ses membres musculeux, une tête ressemblant vaguement à celle d'un ours sous stéroïdes avec une sorte d'exosquelette noir qui se terminait en pointe vers l'arrière du crâne, une queue à pointes membranées, des yeux blancs brillants et il ne bougeait pas. Il se contentait de nous regarder.


Mon estomac s'est liquéfié sans prévenir et je me suis retrouvé à trembler. Autant ce que j'ai affronté depuis la prépa me paraissait basique, surtout avec un démon à mes côtés, autant là, j'avais franchi d'un coup un sacré palier. C'est peut-être bien ça qu'on appelle un béhémoth. Je peux pas bouger.


La bête rugit. Fort. Très fort. Dans un tonnerre de remous telluriques et poussiéreux, il se met soudainement à quatre pattes, comme un cerbère monocéphale qui a envie de jouer.

Je regarde Lola. Forte et déterminée. Elle a pas l'air d'avoir peur. 

Tout est allé très vite. D'énormes boules violettes lancées sur le monstre lui ont braqué la tête en arrière et lui ont enserré le cou. Je me suis retourné vers elle, incrédule. Un autre choc dans la gueule du monstre. Ca commence à bien faire de toujours avoir quelqu'un de plus fort que moi à mes côtés.

La frustration devient bien vite colère alors que je me lance dans la bataille, silencieux et le sabre au clair, en évitant de me dire que je ressemble à un golfeur croisé avec un tennisman.

La bête réagit pas trop mal, ses cris commencent à briser le silence de la nuit. D'ailleurs, ça s'ajoute à une bonne liste de questions, ça : Quelle heure il peut bien être ? -On verra ça plus tard- conclus-je après m'être pris une bonne mandale dans la face. Je saigne à peine. Ma liste souffre d'obésité élargie. Deuxième coup de patte dans la gueule. Pour le coup ça m'a retourné à moitié et j'en ai lâché le sabre tombé du ciel. Et il continue à m'attaquer, cet enfoiré. Ignorant les explosions violancées de Lola, il veut me tailler dans le gras. Je l'attrape à bras-la-papatte, hors de question de lui laisser le plaisir de m'arracher la tête. Ses énormes griffes ne sont qu'à une vingtaine de centimètres de mon visage, mais il est foutu comme un chat -bon, ok, un très gros chat- , du coup il peut pas me toucher sans utiliser l'autre patte. Plus qu'à esquiver son coup déséquilibré et en profiter pour rouler par terre, récupérer le sabre et le planter une première fois.

Il hurle. Je ressors la lame et il me donne un cri légèrement plaintif. Cool, j'ai toujours rêvé d'être un artiste. Esquiver un deuxième coup, enragé celui-là, tout en se protégeant avec la lame pour pas se prendre un dommage collatéral et se retrouver sous sa deuxième patte. Planter une deuxième fois. Retirer la lame, wow, il vient de se rappeller qu'il avait une queue et c'est pas passé loin. Ca marchait mieux dans Matrix, ce genre d'esquives. Dos au sol, je vois ses pattes terriblement hautes dans le ciel se rapprocher de moi à une vitesse terrifiante. Au cas où ça suffise, j'ai pointé mon arme bien haut, les yeux plissés mais fixes.

Le contact n'a jamais eu lieu. Lola a dévié les menaces, et tout le reste de la bestiole d'ailleurs, avec un bon gros rayon.


- Comment tu fais ça ? lui ai-je crié en me relevant


Le béhémoth s'était relevé et fonçait droit sur moi. Et merde.


- J'en sais rien ! 


Esquiver son attaque, tournoyer en l'air sur le côté pour éviter la deuxième, bloquer la troisième avec le sabre, pousser bien fort, se surprendre à le faire reculer, et taper sans arrêt,  aux côtés des sorts psychés de Lola qui prennent d'un coup des colorations et formes diverses. Je finis par lui planter mon sabre dans l'épaule, me hisse dessus et une fois en équilibre sur son cou, le frappe à la tempe pour le déboussoler. Je reprends mon souffle et remarque plein de liens fluorescents sur le corps de la bête.
Lola a définitivement un sacré truc.


- Tu viens faire un tour ? je lui lance depuis là-haut.


Elle sourit, toute calme, et grimpe sur le béhémoth avec une facilité déconcertante, aidée par les boules violettes.


Quel rêve hallucinant.


Je le frappe et il couine en se mettant à courir dans la rue. Surréaliste. 

Bon, faut retrouver Dan, maintenant. Faire taire les questions, tailler dans le vif mais pas trop. Je regarde Lola, morte de rire, sans une once de peur dans les yeux. J'ai retrouvé l'essence de l'amour de la façon la plus absurde et incroyable qui soit. Je suis heureux.

On s'approche du Krakatoa, je le vois de loin.

- Tu sais où on va ?

- Ouais, souriai-je.

- Alors ?

- Je t'emmène voir un groupe backstage. Je sais que t'en as toujours rêvé.



 

Lundi 20 février 2012 à 22:35

A COUNTRY FOR ROCKERS


Ah que wock'n'woll baby tonight





Le Blackroom. C'est ma première fois ici et je peux m'empêcher de penser à l'Amadeus en moins sophistiqué, mais avec une ambiance toute aussi classe. Après une longue journée entre pluie sur la gueule pendant la descente du cours de la Marne pour aller en répète et traversée de Boredom City dans la sueur de ladite répète, j'ai plus de jambes, plus de répondant, et 4 jours après j'ai plus de santé, d'où la tardivité de cette chro. Vous pouvez me jeter des CD de Bieber à la gueule, ça m'apprendra.


Arrive à temps pour les 4-5 derniers morceaux de Rave, qui finiront leur set sur une reprise d'Electic Six, Gay Bar, dédiée par Clément aux Riveredge.

Pour replacer le contexte, Clément était leur bassiste jusqu'à peu près l'année dernière. Depuis il a monté un nouveau projet, où il tend ses cordes vocales en groovant sur une guitare.


Rave est une groupe de fusion assez original, puisqu'à un rock/metal très lourd se mêlent des passages funky. Et ça envoie du steak, madame, malgré un bassiste débutant et un Clément qui n'aime pas les solos même s'il en met partout. Et heureusement, puisqu'ils viennent donner de la couleur à un ensemble qui serait terne sans eux. Gros manque de mélodie dans les riffs, mais c'est le style qui veut ça. Rave balance du gras et de la bonne humeur, et ça plaît. Clément fait deux-trois vannes, bouge le public, et tout le monde se marre. Pour un deuxième concert, c'est très bien. D'ici deux ans, ce seront de redoutables tueurs.

Mention spéciale pour Clément, après avoir été un bassiste basique mais efficace, il nous fait une reconversion réussie à la guitare et démontre déjà un potentiel pour affrimer un style spécial. Et ça, c'est rock'n'roll ma couille.

Après le délirastronomique Gay Bar, ils laissent la scène à Riveredge.

Ah, Riveredge. Mais Riveredge putain !

Aucun groupe ne respire la bière-pizza comme eux. Propres, apétissants, et pourtant délicieusement crades. 

Sweet Goodbye éclate au bout de quelques morceaux. Finis les échauffements, “shit just got real, here's the one deal”, dirait Alex, le chanteur-guitariste-Anglais-drôle-talentueux-sympa-beau gosse-humble-et-chiant de cumuler toutes ces qualités, t'es d'accord avec moi. Naturel en chant clair comme gueulé, il se permet même de grunter , sans s'arracher la gorge ni vomir dans le micro pour autant. Et puis il est grand, ce con. Et à l'aise avec son public. Un véritable enfoiré, donc.

Quand j'ai connu le groupe, c'est lui qui le portait tout seul. Là, tout a changé. C'est la frappe de Boris qui dirige tout le monde, Chris se tape pas mal de solos avec talent, du coup même s'il parle très fort on l'aime bien, et à la basse... Scotty putain.

C'est sa première fois ce soir, et pourtant j'ai rarement vu un bassiste aussi bon que lui. Dire qu'il n'a que 19 ans...


Globalement, il ne fait que des variations sur des pentas, mais hésite pas à se lâcher sur des descendes harmoniques absolument bandantes qui foutent la misère sociale à 80% des bassistes présents ce soir. Sans la pression de la première scène, il aurait été trop parfait, ce qui est un autre problème. Il est à lui tout seul une raison de les voir en live, même si sa présence scénique flirte avec mon niveau d'empathie.

0 absolu, ouais.

 

 

De leur côté, Chris et Alex se baladent pendant que leurs grattes se répondent, se complètent, et ça c'est beau putain.

Par contre ce dernier se ramasse comme une merde sur leur plus belle compo – et c'est pas peu dire, niveau ballades, ils valent amplement Scorpions -, qu'ils avaient pourtant annoncée de la meilleure façon possible. “Desfois on meurt le soir”, quand ton morceau s'appelle “I Died Tonight”, cest parfait !

 

 

Mais, au détour d'une descente de manche, c'est le drame. “On n'insiste jamais assez là-dessus, mais les pains, c'est quand même vraiment super dangeureux”, me dira-t-il plus tard, la tête dans une poubelle où il a atterri suite au vol plané conséquent à la perte de contrôle du manche de son instrument. C'est en héros fatigué, le dos courbé, avec des peaux de bananes et de yaourt dans les cheveux, mais la tête haute et l'oeil déterminé, qu'Alex remonte sur scène. / Après avoir bu pour oublier, Alex revient, héros fatigué au dos courbé, avec des peaux de bananes et de yaourt dans les cheveux, mais la tête haute et l'oeil déterminé.

"De toute façon c'est nul la guitare”, lâche-t-il avant d'écraser une casquette sur l'ecosystème qui se développe dans ses cheveux.

C'est l'heure de “She loves me not” de Papa Roach, que le groupe s'approprie tout en restant très proche du morceau original, sans oublier la partie rappée au flow de taré qui finit invariablement en bleubleubleuh avec un chanteur normal. Mais Alex n'est pas normal, il a des plantes mutantes sur la tête, alors tu respectes.

Malgré 2-3 morceaux chiants,Riveredge livre un set très équilibré et asserte un style mûr, inspiré par la scène post-grunge, de Staind à Alterbridge en passant par Three Days Grace, dont ils reprennent d'ailleurs un morceau, et évidemment les indétrônables Metallica, dont ils coverceptionnent leur reprise des Misfits, “Die, die, my darling”.

Plus que leur modernité et leurs influences néo, ils démontrent une tendance à l'expérimentation. Bien qu'encore faible, elle est présente, et rendue efficace par tout le travail de mise en place que démontrent leurs morceaux. Croyez que j'encule les mouches sans honte si vous voulez, mais un jour, le post-grunge sortira de sa sclérose, et ce sera grâce à Riveredge. Peut-être qu'ils vont se mettre aux accords de cinquième enrichis à la con, peut-être qu'ils vont agrémenter leur son de relents de screamo, peut-être qu'ils vont utiliser des nappes de son, peut-être même qu'ils vont jouer avec des ambiances et inventer le post-grunge progressif, j'en sais rien, mais en tout cas une chose est sûre, gardez ce nom en tête, un jour ils feront quelque chose de grand, même si c'est dans l'ignorance totale du public extérieur.

 

 

Orjan



RAVE + RIVEREDGE @ Blackroom, y'a pas longtemps.

Lundi 27 février 2012 à 21:31

On est tout aussi loin du club des 5 que de la Bibilothèque rose. Neto et Sonia (se) font la gueule, Solenne reste désespérément muette, lèvres serrées, regard fixe et tranchant. Et Seb... ben, Seb quoi.

On entend que le bruit des pavés sous nos pieds. Même Soda la fermait. Au bout d'un moment, alors que mon estomac menaçait de se retourner sous la pression, on a atteint le bar. J'avais envie de fumer pour espérer moins penser.

 

 

Deux gros battants de porte. Imposants, dominateurs. Neto les a ouverts d'un coup de pied retourné. Si j'avais su où ça nous mènerait...

 

- Ah, enfin ! Exulta-t-il.

 

J'ai pas eu la foi de sortir le moindre «hm» pour lui répondre. Les autres non plus. Il s'en foutait de toute façon.

 

Impossible de faire le tri. Trop de pensées. Faut que ça sorte, vite.

 

 

Solenne m'a devancé.

- Tu sens la clope et la sueur, chéri. Viens, on doit parler.

 

 

«Chéri». Ça sent bon. Ou pas. On va bien voir.

- Je sais, le cancer c'est pas la classe. D'autant qu'avec la fin du monde ça va être galère de trouver un doc-

 

 

Elle m'a attiré à elle et attrapé dans ses bras.
Ça sent super bon, ça, et je parle pas de son parfum. D'ailleurs comment elle s'arrange pour que ça tienne autant ?

 

- -teur...

 

- Shhhht... Tout va bien.

 

 

Elle délire ou quoi ? C'est la fin du monde, baby. On a des superpouvoirs mais on est coincés dans une ville fantôme où on met des heures à progresserr et c'est la PUTAIN DE FIN DU MONDE ! Serait quand même temps que quelqu'un le gueule bien fort, desfois que les autres aient pas remarqué. Ça fait quand même 33 chapitres que ça dure.

 


- Tout va bien, répéta-t-elle.

 

 

Tout va bien ? Sans déconner... Okay, je te crois. Les doutes, foutez le camp.

 

- J'ai beaucoup de choses à te dire, reprit-elle avant de m'embrasser.

 

 


Là, j'étais pas mal niveau doutes. Mais vraiment pas mal. La contradiction dans son plus bel appareil. J'avais pas touché le Paradis du bout des lèvres depuis un moment. Allais pas me plaindre non plus.

 

 

Elle a plongé ses yeux dans les miens.

 

- Dan, avant toute chose, je veux que tu saches que je t'aime, vraiment, et que rien de ce que je pourrai te dire ou de ce qui pourrait se passer n'y changera quoi que ce soit. A jamais et pour toujours.

 

 

Ouaaaais ! Allez, narrateur, fais péter les violons !

 

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Wah non, t'abuses là.
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Ah mais t'es encore là, toi ?


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Ben ouais.
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Ah. Et tu kiffes ?

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Ben ouais.
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Cool.

Ses mots traversaient ma conscience, balayent mes a priori, fauchent mes peurs et viennent habiter mon coeur.

 


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Ah ouais tu t'es vraiment pas foulé pour celle-là.
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Je peux pas prouver qu'elle a raison mais je le sais. Je le sens. Les doutes s'envolent mais la méfiance reste. Un peu.Je l'ai embrassée. Elle a prolongé le baiser. Longtemps. Un vrai délice.

 


 

 

On s'est dévorés des yeux avec un bruit de pression en fond. Neto était derrière le comptoir à remplir des pintes. Sans un mot, il en a donné une à chacun, puis a rejoint Sonia en passant derrière Seb qui discutait avec Soda.

 

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Allitération de badass, yeah !
_______________________________________________________________________________________________________Je

Je me suis retourné vers Solenne.

 

- Tu savais que tout ça allait arriver.
- Oui.

 


Bouche légèrement crispée. Elle prend ma tête dans ses mains, me donne un court baiser puis reprend la parole.

 

- Ma mère était... spirituellement très évoluée. Humainement, aussi. Elle savait qu'elle allait mourir, et a écrit tout ce qu'elle connaissait dans un livre que mon père m'a remis à mes 18 ans. Tu es dedans, si tu te poses la question.

 

- Moi ?

 

- Oui. Enfin, si on veut. Je savais pas comment on se rencontrerait, mais quand on a joué ensemble pour la première fois, j'ai su que c'était toi. T'as pas trouvé ça bizarre que je t'invite à la maison à peine une demie heure après t'avoir rencontré ?

 

- Non... Je pensais que t'étais juste un peu dingue, et ça me plaisait.

 

 

Elle a éclaté d'un sourire. L'impression d'avoir été pris pour un con et manipulé depuis le début commençait à me narguer sérieusement. Jme suis détaché d'elle pour une longue gorgée de bière et une clope. Elle a continué sans y prêter attention.

 


- Je savais que tu étais... différent.

- Alors pourquoi tu m'as rien dit sur la fin du monde ? Ai-je demandé doucement. D'un coup, je me trouve étrangement calme.

 

- Parce que je savais pas à quel point. Je voulais pas prendre le risque de te perdre. Pas toi. J'avais enfin trouvé au moins quelqu'un qui me correspondait. Peut-être beaucoup plus que ça, même.

 

 


Frisson. Elle en fait pas dix fois trop, là ?

 

 

We've got absolutely no relationship problem.

 

- Je t'ai aimé directement, reprit-elle.

 

 

C'est beau, ce qu'elle dit, n'empêche.

 


- Et puis, ma mère aurait pu se tromper... Tant que le réel était tel qu'on le connaissait, j'avais pas de raison de le croire ou de t'en parler.

 

 

Ouais, le coup du quotidien rassurant qu'on veut pas tester à grands coups de révélations. Ça aurait fait avancer le scénar, pourtant...

 

Je me suis étendu sur le banc, la tête sur ses genoux.

 


- T'as voulu me protéger. C'est pour ça que tu t'es voilé la face. Tu voulais pouvoir douter.

 

- Oui. Exactement.

 

- C'est bien.

 

- Je suis contente que tu comprennes.

 

 

J'ai fermé les yeux pour les rouvir tout de suite. Neto et Sonia se sont mis à crier. Dommage, pendant une fraction de seconde, je me sentais (parfaitement) bien.

 

 

Ils étaient déjà repartis à s'engueuler. J'ai soupiré et Solenne a remis ma tête sur ses genoux.

 


- Laisse-leur régler leurs histoires et surtout, n'interviens pas.

 

 

J'ai lâché un sarcasme à base de «Voui ma chérie...», mais j'avais aussi envie d'en sortir un à base de «Mais j'ai des pouvoirs maintenant !»

 


- Je me demande ce que sont devenus Auré et Pierrot. Et ce que Kepa est en train de faire. Il a sûrement cru voir Lola.

 

- Possible, a répondu Solenne. C'est marrant, je les ai jamais connus très proches.

 

- C'est parce qu'ils sont ensemble depuis longtemps.

 

- Plus que nous ?
- Bien plus, ouais.

 

- T'as pas peur qu'il finisse par nous arriver un truc similaire ?
- L'ennui, la routine ? Sol, même si un jour j'arrivais à me persuader que je te mérite, j'en serais pas malheureux pour autant. Ce serait plutôt l'inverse.

- T'es mignon... s'est-elle attendrie en me caressant les cheveux. De toute façon on verra bien.

Ouais, on verra bien... J'ai gardé le silence. Puis un truc m'a traversé l'esprit.

- Hey. On est faits l'un pour l'autre ?

- Quoi ?

 

- Je sais pas. Ta mère a peut-être écrit là-dessus.

 

- C'est le cas. C'est vrai. Mais je préférais te le cacher et voir ce qui se passait. Vérifier.

 

- Ca c'est de la confiance.
- Oh ça va, tu vas pas commencer !

 

Elle éclate de rire. Je suis heureux. Je retrouve enfin la fille que j'aime, débarrassé de tout doute et de toute pensée sournoise et parasite.

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L'esprit peut être autant un guide qu'un traître.
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Neto et Sonia se sont encore remis à se gueuler dessus. Seb et Soda supportent et observent. Putain, l'amour vache, ça doit coûter super cher en neurones.

 

J'ai levé ma tête des genoux de Solenne, croisé son regard ahuri et sa bouche ouverte. Me suis retourné vers Neto et Sonia en train de voler au ralenti, soufflés par l'explosion soudaine de la double porte du bar à laquelle étaient invraisemblablement adossés une fille aux cheveux blonds foncé et un mec avec une énorme épée dans la main, qui ressemblait sacrément à Kepa.

 

Le tout soufflé par l'explosion, dans les copeaux de bois en suspension dans l'air. Avec la dynamique que ça implique.

 

 

Projection de deux femmes et deux hommes à travers porte de bar en slow motion. Démonstration empirique de la relativité intrinsèque de l'espace-temps.

 



Yeah baby.


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