Dimanche 16 avril 2017 à 2:02

La déchéance. La puissance de la réalité s'empare de moi. La solitude et la tristesse m'enveloppent. Le destin me prend au corps et m'obsède toute entière. Je n'ai pas mon mot à dire.

 

 


J'ai merdé. J'ai grave merdé. Dans un futur proche, j'aurai tout foutu en l'air et il n'y a plus moyen d'y couper. J'aurais dû lui dire. Parier sur lui, sur sa confiance inébranlable en moi, sur son amour, sur 
notre  amour. 
J'avais peur de moi, mais j'étais si bien dans ma zone de confort que j'arrivais presqu'à oublier. Anesthésiée. Dans une paix artificielle presqu'authentique. Si longue, si confortable, et pourtant au final pour si peu, seulement quelques années. 
J'aurais dû lui dire, et c'est pas comme si j'en avais pas eu mille fois l'occasion. 

Mais on avait une vie bien, une vie cool, une vie normale, presque ! On était heureux, bordel ! Ca compte pas, ça ? C'est pas plus important que de savoir que le monde en a plus pour longtemps depuis qu'on est à peine majeure et responsable et qu'on a pas arrêté de le remettre en cause depuis qu'on l'a appris ? C'est pas une bonne raison, ça ?

La question reste ouverte pendant que j'essaie de me calmer. Et je vous prie de croire que se calmer à la sortie d'un vortex, c'est pas ce qu'il y a de plus simple. Faut commencer par reprendre son souffle. Ca perturbe, ces trucs-là.

Et même, si je lui avais dit, en quoi ça l'aurait aidé ? Je n'en savais moi-même qu'une infime partie avant de me faire embarquer dans les rouages de la machine. Maintenant qu'on y était, les données que j'avais jalousement gardées me semblaient finalement bien ridicules. Je me sentais comme une actrice  montant sur scène en étant la seule à avoir lu le scénario sans avoir eu le temps d'apprendre son rôle.

Ma mère est morte quand j'étais ado. C'était une dame sage, cultivée, intègre, et par ailleurs sportive et particulièrement intelligente. Elle méditait. Elle écrivait. Beaucoup. Je n'ai jamais connu de personne d'aussi calme et apaisante qu'elle. Elle dégageait une douceur, une lumière incroyable, au diapason de la finesse de ses traits. Quand j'étais petite, je la voyais comme une ange. Jamais je ne l'ai vue hausser le ton ou se mettre en colère. Jamais, vraiment.

Elle savait qu'il y aurait la fin du monde. Mieux que ça, elle savait que je la vivrais, et bonus DVD, que j'aurais un rôle primordial à y jouer.

Elle avait consigné l'ensemble de ses connaissances, acquises autant par le biais de la méditation que de la réflexion, dans un livre qu'elle est allée jusqu'à éditer en un seul exemplaire et que mon père m'a remis à l'occasion de mon dix-huitième anniversaire, plusieurs années après sa mort.

La préface m'a bloquée pendant plusieurs jours, et pas seulement à cause du côté "carte d'anniversaire post-mortem". Elle me demandait pardon de devoir partir si tôt, et qu'aussi injuste que ça puisse être, elle l'acceptait, parce que ça faisait partie de son rôle, tout comme il allait falloir que j'accepte le mien.

Et là, maintenant, pilée en deux à cause du vortex qui m'oblige à réapprendre à respirer avant même d'avoir levé les yeux pour savoir où je suis, je vous avoue que je peux pas. 

'Déjà eu assez de mal à accepter qu'elle soit morte d'un cancer alors qu'elle ne buvait pas, ne fumait pas, qu'elle était sportive, joyeuse, pleine de vie et exempte du moindre atome de haine ou de colère, alors endosser un rôle dont je n'ai aucune idée de la nature et pour lequel je suis censée avoir été créée, allez bien vous faire mettre.


Dans son livre, maman me racontait sa vie. Son rôle, sa nécessité de méditer pour maintenir le cycle, pérenniser les connexions entre les mondes, tout en s'occupant de celui-ci en tant que législatrice primordiale. Elle disait que des êtres comme elle existaient depuis la nuit des temps, et qu'elle était désolée pour moi que ça soit tombée sur elle. 
Je n'y comprenais rien à l'époque, et pas davantage maintenant.

"Si tout est lié, c'est parce que tout n'est qu'une seule chose."

 

Cette phrase-là, cette phrase, m'a hantée pendant toutes ces années qui m'ont séparée de ce moment où je me suis figée en statue de sel avant d'être réveillée par Dan. Je suis peut-être la seule à ce moment-là à avoir pris conscience de la compression temporelle et à n'avoir fait qu'une avec le temps. J'avais pris ça comme un rêve, mais avec la certitude que tout ce dont il était question dans ce monde onirique aurait une résonnance avec ce qui se passerait après, quand on sortirait du Krakatoa pour affronter le grand méchant monde de la fin des temps.


Ma mère était une mystique, capable de voir les auras, de lire les âmes, et d'entrer en contact avec des êtres d'autres dimensions. Selon mes souvenirs, elle parlait dans ses écrits d'une spirale en forme de 8, qu'elle comparait aux brins d'ADN pour le côté conglomérat d'informations. Elle parlait de destin, de karma, de libre-arbitre, de lutte entre les énergies hors de tout manichéisme et je n'y comprenais strictement rien, au point de me dire qu'elle s'était peut-être laissée abuser par une secte ou une connerie du genre, ou pire encore, que ses trips mystiques l'aient purement et simplement altérée mentalement; et ce doute a été pour moi une grande force quand il s'est agi de profiter de la vie en oubliant d'attendre la date fatidique prédite par ma mère.

 

Une grande force en carton, oui, on peut le dire, je m'en cache pas. Plus. Bref. Foutez-moi la paix.

J'ai été aveuglée par ma colère, à la fois celle de son décès et de cette "mission" qu'elle m'imposait.

Tu peux fuir mais pas te cacher, la vérité te rattrapera toujours, au final. C'est exactement ce qui s'est passé.

6 mois plus tard, usée par cette fuite excessive, à bout de nerfs et à court d'énergie, je suis entrée dans un autre monde pour la première fois.

Au fond de ma chambre, malgré les larmes qui me brouillaient la vue, toutes les couleurs paraissaient beaucoup plus chatoyantes. Je voyais des ondes s'échapper de moi de temps à autre. Si je me concentrais un peu, je les voyais plus distinctement, et en permanence. La réalité s'augmentait d'une nouvelle dimension. Je m'apprêtais à passer au-travers.
Je sentais une chaleur douce et apaisante dans mon ventre. C'était agréable. Le vortex s'est ouvert. C'était la première fois que j'en voyais un.

 

Avant de le traverser, je me suis rappelée de ce que disait Kepa au prof de philo, à propos de Socrate ou Platon, je sais plus : «Si le monde des idées est un monde parfait, et le nôtre une simple copie imparfaite de ce monde, pourquoi on n'y a pas accès ?».

 

Le prof avait répondu qu'il pouvait y avoir plusieurs raisons : La première, c'est que ce monde des idées n'existerait pas. La deuxième, ce serait que notre condition d'humains ne nous permettrait pas de nous sublimer suffisamment pour y avoir accès. La troisième dirait que ce monde est immatériel, donc que notre monde matériel n'est qu'une illusion. Une illusion qui ne serait qu'une image déformée du réel, et qu'il faudrait transcender pour atteindre ce dernier.

 

Je n'étais pas sûre de comprendre, mais certaine de le sentir au fond de moi, comme si mon âme connaissait des choses qui échappaient à mon esprit, comme si en moi se trouvait la réponse à la fois la plus simple et la plus complexe qui soit, celle qui allait me permettre de retrouver le souvenir de ma véritable nature.

J'ai alors compris que nous avions tous une origine mystique, mais à différents niveaux, ou en tous cas de différentes façons, ce qui donnait tout son sens à cette notion d'anamnèse.

Je nageais dans le monde des âmes, la quatrième dimension, celle du temps. J'expérimentais à la seconde une infinité d'évènements que j'étais trop subjugée pour comprendre, l'éther équarquillé et le coeur en fête. Je plongeais délectée dans le plus doux des océans, virevoltant dans le plus tendre des espaces, maintenu par un énorme tourbillon formé par deux immenses branches qui soutenaient l'Univers, dégageant une puissance énorme, calme et apaisante. Je sentais au fond de moi que j'appartenais à cette force d'une certaine façon, que j'avais contribué à la façonner, d'une manière ou d'une autre.
C'était épique. Je vous le dis comme je le ressentais, et comme je l'ai ressenti à chaque fois que j'y suis retournée. C'était dingue de vérité.

Le retour au réel était pas pareil. Plaquée dans le terne, la demie-mesure, c'était frustrant. Passer d'un tout intense à un univers de rien, ça te sape le moral à la bombe nucléaire et t'ouvre grand la porte aux doutes, à la remise en cause, à l'hypothèse de la folie. De la surcompensation psychotique, du délire, de la perte de contact avec la réalité, de la maladie, de la dépossession de soi.

Boom dans ta face, copine. 
Mais rassure-toi, c'est ça, l'illusion. Ce que tu as vécu, ce que tu as ressenti, est réel.
Tes plongeons dans l'astral ont bien eu lieu, tes irruptions dans la sphère interne de la réalité étaient bien vraies. T'as pas fait de trou dans le tissu du monde. Tu t'es pas fait doser ton verre au bar la veille au soir. Maintenant tu vas te sentir seule pendant quelques temps, plus humaine, même, parce que plus qu'humaine, mais t'en fais pas. Très bientôt, tu vas le rencontrer.


Dan.


Par hasard, nécessité, concours de circonstances, ou parce qu'il ne pouvait en être autrement, ou encore tout simplement pour une raison que j'ignore, et qui doit dépendre de Mr Dieu, s'il existe. Déterminisme, destin, causalité, fatalité, tous ces concepts se mélangeaient dans mon esprit, et malgré le chaos improbable qu'ils semblaient créer, j'avais la conviction intime d'y voir clair.

De l'authentique Deus Ex Machina. Une facilité de scénario si énorme et dingue qu'il faut la vivre pour y croire. 


Même quand votre propre mère décédée vous en avait parlé des années avant que ça n'arrive. Elle aurait pu le nommer que ça n'aurait rien changé à l'impact émotionnel que ça a eu pour moi, tant elle avait été précise sur ses caractéristiques, au demeurant plus qu'atypiques. Ca pouvait pas être un coup d'esbroufe à base d'effet Barnum. Elle avait même prédit qu'il voyait mon père pour une thérapie des plus spéciales. 
Et moi j'étais là-dedans, plongée dans ce marasme de prédestinations, de prédéterminations, ce chaos entropique en forme de bon gros fuck à l'ordre établi, j'étais la victime de mon propre bonheur programmé, mais néanmoins putain de réel. Parce qu'autant être honnête, je ne me serais jamais donnée comme ça au premier venu. Il en faut des qualités pour mériter mon amour. Et même plus que ça. Je suis Solenne Carpentras, bordel de merde. Respectez-moi.

Je l'ai rencontré d'une manière miraculeuse, sans qu'on ne se soit cherchés. Il connaissait Seb, mon batteur que j'aimais comme mon frère, ainsi que mon guitariste, Pierrot, avec qui il avait été à la fac. Pire encore, on avait justement besoin d'un bassiste et il était l'outsider bienvenu, le charisme en prime, en plus d'un certain potentiel de séduction qui ne me laissait pas indifférente, entre sa maladresse et son génie, sa sensibilité et son détachement certain du monde réel. J'adore les paradoxes, je ne pouvais pas lui résister. Et là, je parle de manière purement rationnelle, parce que le feeling qu'on a partagé le jour de notre rencontre, dans ce magasin de musique, était si intense qu'il faisait parler nos âmes entre elles, à tel point que je suis sûre et certaine que ce fut à cet instant que nous sommes tombés amoureux, même si nous avons déployé des quantités d'efforts pour se le cacher mutuellement.

On avait besoin de lui, j'avais besoin de lui, et il avait besoin de moi.

J'ai pas pensé à la fin du monde quand on a commencé à sortir ensemble.  J'ai pas pensé non plus que je risquais de l'embarquer lui aussi, et encore moins aux prédictions de ma mère sur lui. Plus encore, je refusais d'y penser.

 

De la pure mauvaise foi, dans le sens sartrien, aussi. "Fuir sa liberté et l'angoisse qu'elle implique, c'est être de mauvaise foi". Merci Mr Dubbelmurbruk et vos mythiques cours de philo.

J'ai joué volontairement un rôle qui m'a collé à la peau suffisamment longtemps pour pouvoir profiter de ces deux années de bonheur avec lui. Ca se passait tellement bien que j'ai même pu être moi-même sous ces apparences, ce qui fait que vous pouvez m'appeller la Fabrice Lucchini de la fin du monde (je ne sais pas s'il existe dans votre réalité au moment où ces mots vous parviendront, mais si ce n'est pas le cas, sachez que c'était un acteur qui poussait l'investissement personnel au point de se retrouver régulièrement en hôpital psychiatrique entre deux rôles.)

Et je ne sais pas si je me le reproche, au final. Peut-être était-ce finalement tant mieux. Peut-être que si je lui avais dit la vérité, il m'aurait pris pour une cinglée et se serait barré le plus loin possible de moi et de ma belle tignasse brune. Peut-être aussi que je dis n'importe quoi et que ce mec est tellement génial qu'il l'aurait accepté et se serait battu pour moi.

A la réflexion, c'est le plus probable, tel que je le connais. 

Dan est noble. Si vous cherchez quelqu'un pour pas agir comme les autres, pour accepter quelque chose que n'importe qui d'autre refuserait, vous avez tapé à la bonne adresse. Dans la limite de la raison, bien sûr. Et de l'honneur. On déconne pas avec ça.

Il fait plutôt chaud, ici. Je me sentirai sûrement mieux en enlevant ce costume de jeune fille ridicule et ce masque forgé dans des non-dits en forme d'habitudes.

Je lui ai gribouillé un sms. «Pardonne-moi. Je t'aime.»

 

Même dans les teen movies sirupeux pour minettes prépubères fingerstylées on atteint pas un tel niveau de mièvrerie. Je suis même à peu près sûre que Winnie l'Ourson envoie davantage du bois. Et ne me dites pas que j'y vais fort, ces mots sont ce que j'ai de plus sincère à lui dire. Je me demande comment il va réagir. Pour être honnête, j'en ai aucune idée. 
C'est la fin du monde, et que dans des circonstances extrêmes, on se révèle comme jamais auparavant. Pourtant, j'ai confiance en lui. Je n'ai pas peur pour ça.

 

Et puis de toute façon «Grand huit», comme dirait ma mère. «Pas d'inquiétude; pas de hasard, pas de lézard, si c'est le bon, il comprendra. Quand ça va pas, pense Grand huit»

Sages paroles. Ma mère savait. Même morte, elle maintient toujours le lien entre les mondes, finalement. 

J'ai fini par lever les yeux.

J'étais dans la ruelle de Prima Cordes. Face au magasin. Notre première rencontre... J'en ai frissonné. 

 

J'ai approché ma main de la poignée.

 

Clac. Naaaaaaaaan....

 

La boutique était fermée. Personne à l'intérieur. J'ai rebroussé chemin, me suis retournée vers la porte et j'ai croisé mon reflet dans un miroir.
J'ai rebroussé chemin, avant de me retourner vers la porte pour y croiser mon reflet dans le miroir. Il faisait nuit et la rue dégageait une lumière blafarde, électrique.

 

Pierrot dit que le temps moyen passé par une fille devant un miroir est d'environ 78 minutes. Le temps de se trouver belle, moche, puis belle, puis moche et ainsi de suite, avant de courir vers la cuisine parce qu'il faut bien se nourrir, et que de toute façon c'est l'heure de Dr House sur la Une.

 

Je sais pas si je rentre dans cet axiome stupide, mais là, je suis restée scotchée à ce miroir.

 

L'espace d'une seconde, un autre visage est apparu. Une fille. Des yeux bleus. Un visage large et des boucles blondes un peu délavées.

 

Ça m'a troublée et j'ai remarqué la brume. Si j'en crois le bouquin de maman, dur à avaler mais apparemment important, je suis dans l'entremonde, la réalité suppléée au monde réel tel que nous le connaissions, réalité dans laquelle nous pourrions accéder à l'ensemble des réalités alternatives liées à notre univers. Rien que ça. Je vous laisse apprécier l'ironie.

J'ai pensé à Danou, à tout ce qu'on a vécu et traversé ensemble, et me suis soudain retrouvée investie d'une confiance inébranlable en sa capacité à comprendre tout cet immense bordel au moins aussi bien que moi. Ca m'a grave rassurée. Probablement parce qu'à cet instant, j'avais oublié à quel point mon mec est un génie. Mais c'est un détail. Je sors à peine d'un vortex, merde !

Bon, normalement le passage est par là.

 

Pour en être sûre, j'ai fait le tour de la rue. Rien d'inhabituel. Pas de singe ou d'écorché, pas le moindre streumon en faction pour me souhaiter la bienvenue, rien. Rien de rien de rien de rien de rien !
Et surtout pas le moindre signe pour m'indiquer la direction que j'étais censée prendre. Normal. 

Putain, c'est un monde, ça.

Lui, il arrive dans ce bordel à peine briefé et pourtant il a droit à la totale. Pyromagie, basse pas cassable, comité d'accueil à base de singes mutants de type gigantesques; et moi qui suis la seule à connaître un tant soit peu le scénar, je me retrouve dans une rue sombre, brumeuse et mal éclairée, sans guitare et face à un miroir à la con, qui est en plus censé être la porte menant à Prima Cordes, le lieu de notre première rencontre, LE TOUT PORTANT EN SOI UNE METAPHORE DOUTEUSE A SOUHAIT.

 

Je suis pas jalouse, non, je suis pas jalouse. Mais ça fait chier, bordel de merde !

Bon. Je me recalme encore une fois. C'est le vortex, c'est le vortex, c'est ça qu'il faut se dire. Et puis ça pourrait être pire, il pourrait pleuvoir, et j'aurais l'air maligne, dans mon combo chemisier / cravate rouge / veste / pantalon de costume.

 

Ce miroir détonne du décor. Trop brillant. Et c'est censé être une foutue porte d'entrée !
Je sors Dan de mes pensées et je passe la main dessus.  Enfin dedans. C'est chaud à l'intérieur.  C'est du vide mais c'est chaud.

 

J'enfonce mon bras de façon à pouvoir atteindre la porte du musicshop, sans penser aux idées graveuleuses qui ont traversé la tête du scénariste quand il a décidé de ce détail, et encore moins à celle des lecteurs quand ils ont parcouru ces lignes.

 

Clic. C'est ouvert. Youpi !

 

Une bonne odeur de cèdre me souhaite la bienvenue. Une guitare fraîchement réparée est encore posée sur l'atelier, à côté de la caisse. Pas de poussière dessus.

 

Il fait encore plus chaud dans le magasin. Stratégie marketing du patron ? Négligence légendaire de Gaspard ? Modification dûe à la fin du monde ?

Maman parlait de portails et d'artéfacts (ouais, depuis le temps, je l'ai presque appris par coeur, le bouquin).  Alors, normalement, le portail c'est le miroir, et il doit logiquement y avoir un artéfact pas loin. 

 

Une petite visite du nouveau Prima s'impose. 
Les amplis, guitares et basses sont ternes comme après l'orage. Cette réalité altérée est drôlement bizarre. J'en suis à me poser la question de savoir si c'est vraiment réel ou pas. Autant avant on ne se posait pas la question : si tu peux le toucher, c'est réel, point. Sauf que là, tout est différent. Rien n'a plus aucun sens. On est sur de la transmutation, les amis. Sortez vos précis d'alchimie.

C'est comme un studio, en fait. 
On a eu la chance de tourner un film dans ces circonstances, une fois. C'était sacrément impressionnant. Dès que tu poses un pied sur le plateau, tu changes de monde, alors qu'en fait tout est pareil à part le point de vue imposé, le personnage joué et la façon de tourner.

D'un coup, ma tête se fit lourde et se mit à tourner dans un vertige inattendu. Mon cou se mit à brûler.  En un éclair, j'ai enlevé mon collier et l'ai rangé dans ma poche en me maudissant de ne pas avoir pris d'aspirine.

 

Je vous rappelle au passage que je ne porte rien d'autre que ma tenue de scène. Je vais me retrouver dans le plus gros foutoir de l'univers, mais j'aurai quand même la classe !

 

Su-per.

Hé, c'est quoi ce truc, derrière le mur d'amplis ?

Une grosse boîte noire qui ressemble à un distributeur de capotes des années 40. Avec un peu d'imagination, ce serait la boîte noire d'un avion de l'après-guerre.

 

[Un  Dåliprann, par pitié...]

 

Bon, la mallette de mafieux accrochée au mur porte un petit mot.


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Bonsoir et bienvenue à vous, Mlle Carpentras. Vous avez trouvé facilement ?


(Non, pas trop, espèce de tétrapode schizoïde. La prochaine fois je veux un meilleur plan.)

Remarquez, vous ne pouviez pas vous tromper, c'était évident. La preuve, c'est que vous avez réussi à être là.

 

(Et moi je me passerais bien volontiers de tes phrases qui laissent entendre que tout est écrit d'avance. Parce que si je veux, ta feuille j'en fais des petites coupures, Don Corleone !)

 

J'espère que le changement de strate ne vous a pas trop perturbée.

 

(Non, ça va bien merci. J'ai juste une chance sur trois millions et demi que l'amour de ma vie comprenne ce qui se passe et une sur 6 x 10^78 qu'il ne me largue pas malgré son génie sus-mentionné. Et j'ai un mal de chat à me retrouver. Du coup je me force à penser à ce que disait ma maman à propos du 8. Alors ta gueule.)

 

En tant que gardienne, votre première épreuve se trouve devant vous, dans cette boîte.

(Mais c'est qu'il continue, l'effronté ! Gardienne ? T'es sérieux ? Et puis d'abord ça veut dire quoi, hein ?)

Celle qui se trouve juste devant vous.

(Ah bah me v'là bien. Maman avait encore raison. J'ai pas droit à un badge pour avoir des réductions au Södermanna et au ciné, en plus ? Non parce qu'en plus d'être Solenne Carpentras j'suis une gardienne, alors à un moment, respectez-moi.)

 

Pour être plus clair, votre première épreuve EST cette boîte. Vous avez droit à un indice : "Dans un monde régi par la subjectivité, toute vérité vient du coeur."

Bonne chance Mademoiselle !

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(Au moins c'est pas un mufle... Merci,  CONNARD  !)

Bon, on se re-re-re-recalme, on met le portail et l'artéfact de côté pour le moment, et on se prend la tête pour comprendre un petit peu mieux le truc.  Alooors... Voyons voir...

 

Le bloc noir ressemble à une grosse malette particulièrement épaisse avec un petit interstice au milieu.

 

Le premier qui parle de symbole vaginal, je lui passe mes nerfs dessus.

 

Le deuxième qui parle de problème de féminité, je lui brosse les dents avec un tractopelle.

Et à celui qui me fait remarquer mon manque d'humour, je lui dit qu'il a bien raison et qu'il a sûrement beaucoup mieux à faire de son temps que de lire ça, et je n'en dirai pas plus parce que tout le monde déteste les spoilers.

 

Alors maintenant, faut trouver la clé. L'interstice a une forme un peu ronde... Peut-être une clé de piezzo ?

 

Razzia dans la remise de Prima. Je connais bien cet endroit. Je prends une clé de guitare et une de basse, on verra bien.

 

Aucune des deux ne rentre. Meeerde c'est pas ça. Bon tant pis j'essaie autre chose.

 

Hum... Réfléchissons...

 

Un jack, peut-être ?

 

Vandalisme dans les présentoirs.

 

Ça ne rentre pas non plus. Raaaah...

 

J'ai essayé, encore et encore. Jamais rien. Toujours rien.

 

Je me suis usé les nerfs pendant un moment qui m'a paru interminable. Ma tête me trahit, me met devant des faits accomplis, j'aimerais lui dire de se taire mais je peux pas. J'ai un foutu mal de crâne à force de penser et j'arrive à peine à comprendre l'énigme.

Bon.

 

Relecture du mot. Hey, Dan m'a toujours pas répondu. Mon coeur se retourne dans ma poitrine. Relecture du mot, donc, disais-je.

 

"Dans un monde régi par la subjectivité, toute vérité vient du coeur."

 

Joli. Une belle philosophie de l'émotionnel et du sentiment, ça me parle.

 


La Solenne Carpentras est parfois capable de se comporter comme une imbécile idiote de compétition. Cependant elle compense cette stupidité par... par quoi ?

Quelqu'un sait ?

 

Personne ?

 

J'avais la réponse sous les yeux et dans ma poche, quelle conne !

 

Quelle conne !

 

Le collier dans ma poche, c'est un cadeau de mon Danou d'amour.  Ma main au feu que c'est ça.
Bon, pour l'instant, c'est plutôt ma main à la poche.  Je l'approche de la boîte, et là, le phénomène irrationnel de base intervient.

J'ai pas arrêté d'essayer d'ouvrir ce truc, avec tout et n'importe quoi. J'ai même essayé en lui demandant gentiment. Rien à faire. Les boîtes noires avec des mots bizarres dessus sont trop méchantes avec moi.  J'ai essayé sans cesse et pourtant, là, je flippe. J'hésite.

 

Pas seulement parce que je me dis que ce n'est peut-être pas la bonne clé. Je pourrais toujours chercher ailleurs après, le magasin est plein de surprises.

 

Il y a autre chose, un truc plus profond. Je ne sais pas pour les autres, mais en ce qui me concerne, j'ai toujours eu du mal à aller au bout des choses. A me dépasser. A faire le pas décisif. La coup d'éclat. Le truc qui change les choses. Transformer l'inconnu en réel.

 

J'ai peur.

 

Peur de gagner.

 

C'est absurde, hein ? Pourtant c'est comme ça. Ce n'est qu'une peur de l'échec déguisée.

 

J'ai pris mon temps, ma respiration, et mon courage à deux mains.

 

J'ai posé le pendentif sur le trou au milieu de la boîte.

 

Clic, déclic, reclic.

 

Yoooouuuhooooouuuu ! Hallelujah j'ai réussi !

 

La boîte s'est ouverte et le pendentif s'est retrouvé pile en face de moi. Je l'ai pris, posé mes lèvres dessus comme une enfant et j'ai vu de la lumière.

 

Une belle petite boule de lumière.

 

Ma victoire a été saluée par l'arrivée d'une jolie petite mélodie motivante et bien rythmée comme il faut. Yeah !

 

Au passage, d'où elle sort, en fait ?

 

Pffffuuuit, un autre petit mot me tombe dessus.

 

«Parfois l'évidence se cache, d'autres fois nous la cachons nous-mêmes.»

 

Merci de me rappeler que j'ai menti à l'homme de ma vie, ça fait chaud au coeur. Franchement j'suis super jouasse, là, merci, merci beaucoup.  Enfin. C'est vrai que j'ai merdé et que je sais pas s'il va me pardonner, en attendant une chose est sûre...

 

- Si je trouve le crétin qui se cache dans l'envers du décor pour m'envoyer ses messages pseudo-philosophiques à deux balles, je lui fais un troisième oeil avec une seule main !

- Un troisième oeil, excellente idée !!

- AAAAAHHHH !!!!

 

Un type était apparu en face de moi. Ne me demande pas d'où il est sorti, mais il était là, et bordel, c'était flippant sa race.

Même en étant prévenue de beaucoup de choses, cette situation a le don de me mettre dans tous mes états. 

 

Il était beau, stylé, avec un visage fin, un chapeau noir et un regard amusé. Il portait un long manteau noir, ce qui n'était pas pour contredire tous les tropes auxquels j'étais tentée de l'associer.

 

- Maist'esquitoi ? 

- Pas réel. Enfin pas complètement. Pas encore. C'est pas important. Ce qui compte, c'est ce que j'ai à dire.

Super. La situation pourrait pas être plus invraisemblable. Même avec une rangée de kangourous-garous au garde-à-vous en train de chanter Happy Together avec une main sur le coeur. Tout à fait.

- Tu sais ce qui s'est produit. Je pourrais te dire tout ce que je sais quitte à y passer trois heures, je ne t'apprendrais rien de ce que tu ne connais déjà. 

- Tu te rends compte d'à quel point t'enfonces des portes ouvertes tout en te rendant parfaitement ridicule, là ?

- Okay, je m'incline, moi c'est Siko, depuis environ quatorze minutes, si j'ai bien compté. Ou alors seize.

- Tu te fous de ma gueule ?

- Non, du tout. C'est très récent, tu sais.

- NON MAIS T'ES SERIEUX LÀ ?? 

- Malgré ça j'ai un truc à te dire.

- Qu'est-ce qui se passe, bordel ?

- Ce dont tu as été informée depuis des années.

- Je sais pour la fin du monde, j'ai compris, merci. Mais toi, d'où tu sors ? Et pourquoi tu me parles comme ça ?

- Je viens d'un monde affranchi du temps. Et je te parle parce que tu es Solenne Carpentras et que je dois te parler.   D'ailleurs au passage j'suis enchanté de faire ta connaissance.

Il a calé sa révérence au moment-même où je crevais d'envie de lui foutre mon poing dans la poire.   Ca m'a désarçonnée, du coup même s'il se répétait tout en me tapant sur les nerfs, je l'ai écouté.

- Je viens d'un monde encore au-delà de celui-ci, un monde que tu connais, au moins en partie. Je n'ai pas beaucoup de temps mais il faut que j'en passe avec toi, parce que tu dois savoir.

Dans un sursaut de joie de vivre, j'ai pensé à une vanne que Danou aurait forcément sortie s'il avait été à ma place. Un truc du genre «Ouais, t'es dans l'humanitaire, en fait. Je suis sûr que t'es tellement cool que t'as sauvegardé tous les épisodes de Buffy et d'Angel sur un DDE que tu voudras à tout prix me prêter pour une semaine si je te payais un café.»

 

Méfiance. Réflexe. Un pas en arrière, une question.

 


-Qu'est-ce que tu sais sur les gardiens ?

 

  Il a changé d'expression.

 

- T'es sûre que tu veux pas savoir autre chose ?

 

- Non, ça va merci. Ce qui m'intéresse c'est les gardiens. Et au passage, ca fait bizarre de parler à quelqu'un qu'existe pas, ou en tous cas à peine plus qu'un fantôme.

- Ton ami Sébastien s'y est habitué assez vite, pourtant.

- Sébastien ? Tu le connais ?

-  Oui. C'est grâce à lui que je suis ici. Je connais aussi un peu Dannie.

 

J'avais l'impression de me retrouver face à un grand frère. Je n'en ai jamais eu, à part Sébastien, peut-être, mais c'était différent. Une puissance violente dans mes tripes, dans mon coeur.

 

Là-dessus, il eut un regard grave.

 

- Tu savais que ça allait se produire depuis longtemps, pas vrai ? 

- Oui.

- Tu lui as menti ?

- Oui.

- Ou plutôt t'as eu peur de lui dire. C'était prudent, au final, mais ça complique quelque peu les choses. Tu connais l'histoire du 8 ?

- Ouais.

- C'est difficile, je sais... Mais tout se rejoint, tôt ou tard. L'épreuve du feu fait la différence entre ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. Elle consume le cuivre mais conserve l'or. C'est là tout le sens du 8.

 

Il parlait un peu comme l'Alchimiste. J'ai piqué le bouquin à Danou au début de notre relation, et j'ai toujours pas fini d'en tirer des enseignements. Je te conseille de le lire, c'est édifiant.

- Il faut qu'on parle. C'est important.

- Parle vite et bien, avant que je te casse la gueule.

- Ce que tu sais est autant en partie vrai qu'en partie faux. La fin du monde n'a pas été déclenchée pour les raisons que tu crois, et ses implications ne sont pas celles que tu penses.

- Continue.

- Je peux pas. J'ai pas le temps. Mais en un mot, le réel est un mensonge.

- Ca en fait cinq.

Siko m'a regardé avec un sourire gentil et bienveillant. 

-  T'as de l'espoir ?

-  Toujours sur moi.

- Tu as fait une erreur. Le pire serait qu'elle ne te serve pas. Parce que là on est partis pour faire des miracles.

 

Je m'appelle Solenne Carpentras et je vis la fin du monde. Je suis même pas sûre d'être bien consciente de ce qui se passe autour de moi. Je sais même pas comment je suis censée réagir.

 

Je suis complètement perdue. Au propre comme au figuré.




Dimanche 16 avril 2017 à 2:03

 Siko m'a conduite vers le fond du magasin, face à la porte du débarras. Il l'a ouverte et m'a laissée passer devant.  

 

La pièce était étrangement vide, mais l'un de ses murs était translucide. Je l'ai pointé d'un sourcil interrogateur, il acquiesça en silence. Le portail.

Mon coeur s'est mis à battre à tout rompre dans un rythme terrifiant. J'aurais juré entendre une musique calée dessus, prenant de l'importance à mesure que je m'approchais de la surface.

Quand j'ai fait le premier pas de l'autre côté, elle s'est mise à péter dans une dégaine de mélodies et d'émotions incroyables. 

C'était vraiment magnifique, j'en avais des frissons et les larmes aux yeux.

On était maintenant au beau millieu du hall d'un gigantesque manoir poussiérieux éclairé à la lueur des chandeliers, face à un escalier qui menait dans trois directions différentes, une supérieure et deux latérales. Je distinguai une porte tout en haut, et en imaginai deux autres, chacune au bout d'un des deux corridors qui partaient sur les côtés. J'ai monté les marches, Siko sur mes talons. Quand ma main se posa sur la poignée de la porte supérieure, il brisa le silence.

- Tu es sûre ? Après, il ne sera peut-être plus possible de faire demi-tour.

J'aurais dû logiquement avoir peur, pourtant j'en étais incapable. 
Après tout, ce n'est qu'un manoir vide et il en faut plus pour me faire flipper. Néanmoins je n'arrivais pas à abaisser la poignée. Ce n'était pas la peur qui me paralysait, mais ma mauvaise foi en moi. 

Ceci dit, je vous rappelle que c'est la fin du monde, qu'on a bien vu qu'il y avait des monstres, et contrairement à Dan, j'ai pas de pouvoirs. J'ai une classe de dingue, j'incarne peut-être même le glamour à la perfection, mais j'ai zéro budget effets spéciaux sur moi, pour le moment.

Après a-t-on vraiment besoin de superpouvoirs pour être badass ? 

C'est dans une tentative de réponse à cette question que j'ai finalement poussé la poignée pour ouvrir la porte dans un grincement lugubre.

Tout disparut. Nous nous trouvions maintenant dans une énorme salle faite du même bois noir que les salles de concert et d'enregistrement, ce bois mat et abîmé qui a vécu et donne envie de faire du wack'n'woll. Quand mes yeux eurent fini de s'habituer à l'obscurité, je me rendis compte que cet endroit sans plafond visible était en fait un entrepôt. [ Peut-être placer la scène de découverte/exploration de l'endroit ici et la discussion conflictuelle après, qui serait du coup coupée par le combat.]

J'ai (encore) pensé à Dan. J'avais du mal à me le sortir de la tête. Quelque chose s'y est produit et a fait sens.

-  TOI !! T'as dit tout à l'heure que tu connaissais Dan. C'est toi qui lui as parlé de la fin du monde. C'est toi le petit Noir, et c'est aussi toi la paralysie du sommeil. Putain de manipulateur de merde, pourquoi t'as fait ça ?

- Parce qu'il le fallait. Parce qu'il est des choses - et aussi des plans- sur lesquels tu n'as aucun impact, et que si je n'avais rien fait, il ne t'aurait jamais crue. 

- Mais tu le prends vraiment pour un con !! Dan est pas comme ça, il est noble, juste, patient. Dan m'aime, bordel de merde !

- Dan ? Aimer quelqu'un ? Je sais bien que t'es exceptionnelle et tout ça, mais on parle bien de la même personne, là ?

- Justement. Je suis son exception, me renfrognai-je.

- Ah. Alors dans ce cas je dis pas. Je ne le connais pas tant que ça, tu sais.

- Tu l'as envoyé dans une réalité alternative rien que pour lui dire un truc, essaie pas de me faire croire que tu le connais pas !

- Seulement deux fois.

- DEUX FOIS ??!!

- C'est pas suffisant pour connaître quelqu'un. D'ailleurs techniquement, notre deuxième rencontre n'a pas encore eu lieu dans ta timeline; donc je pourrais tout aussi bien dire "juste une".

- Espèce d'enfoiré... 

  - J'ai fait ce qui est juste, me clama-t-il à la gueule. Pense ce que tu veux de moi, juge-moi autant que ça te fera du bien, mais je suis de ton côté. Sans mon intervention, il n'aurait jamais pu comprendre que tu étais une gardienne, ni que tu savais que la fin du monde aurait lieu depuis des années. 

- Ta gueule. Arrête de l'insulter. Dan est un putain de génie, et je sais pas combien il faut être con pour pas s'en rendre compte après avoir passé ne serait-ce que 5 minutes avec lui. Alors si toi, Möössieur le fantôme du futur d'au-delà-du-temps-de-mes-boobs-sur-ton-front-ça-fait-des-Ray-Ban, tu t'es arrangé au point de lui provoquer une paralysie du sommeil pour pouvoir lui parler DEUX FOIS et que t'as toujours pas capté qu'il te mettait la misère sur le plan intellectuel, c'est que t'es vraiment la dernière des sous-âmes consanguines de merde !! 

- S'il était si malin que ça, il aurait cramé ta couverture depuis longtemps.

- Et si c'était le cas ? Et s'il n'avait rien dit parce qu'il m'aime et qu'il me respecte ?

- Il ne savait rien de la fin du monde, en tous cas avant que je ne lui apparaisse pour lui en parler. L'intelligence n'a rien à voir là-dedans. Il avait besoin de voir que le réel ne se limite pas à ce qu'il expérimentait jusque-là au quotidien pour pouvoir y croire. A partir de là, ta nature de gardienne lui devenait compréhensible. Pas avant. Vous aviez besoin de moi. 

J'ai soupigrunté. Cet enfoiré avait raison, et il était bel et bien de notre côté, mais plutôt mourir que de m'excuser. 

- J'attends pas tes excuses, plaqua-t-il comme en réponse à mes pensées. A ton avis, où est-ce qu'on est ?

- A toi de me le dire. C'est toi l'entité omnisciente, ici.

- Je serais vraiment un très mauvais guide si je le faisais.

- Tu connais le sens du mot "guide" ?

- On est dans ta strate altérée, ma chère. Tant que tu ne me donnes pas de quoi m'accorder avec toi, je ne vois pas ce que tu vois. Pour moi, l'endroit où nous sommes n'est même pas tangible.

Ca m'a fait un choc au fond du coeur. Il disait la vérité depuis le début, j'en étais intimement persuadée.  Si ça continue comme ça, je vais finir blasée dans moins de deux épisodes/chapitres/heures (Rayez la mention inutile ou faites-le taire, moi j'en ai pas la force.) Je me sentais affreusement seule. 

- Où est-ce qu'on est ? / Dis-moi où est-ce qu'on est.

Sa voix me sortit brièvement de mes émotions.

- Un entrepôt.

Rempli d'étagères, maintenant que j'y regarde de plus près.

- Quel genre ? Tout est en bois noir et il y a plein d'étagères partout ?

- ...Oui.

- Arf. Tu es dans la Puppenhaus. Laisse-moi un instant, que je m'accorde.

Je me suis forcée à avancer. Les étagères étaient remplies de poupées en bois ou en chiffon. La nostalgie a frappé à la porte de mon coeur et il s'est serré dans ma poitrine. Je me sentais encore plus seule que jamais.

- Tu devrais pas être là. Tu es trop près d-....

J'ai cru entendre une respiration, longue et rauque. Vu qu'il s'est tu, je pense que Siko l'a entendu lui aussi. Elle semblait venir de derrière une étagère. Mon coeur serré s'est mis à battre de plus en plus fort, à m'en faire mal.

Ces poupées avaient toutes des formes étrangement familières. En m'en rapprochant, je me rendis compte que les socles sur lesquels elles étaient posées portaient des noms. 

Seb. Kepa. Pierrot. Dan. Toutes les personnes que j'avais connues de près où de loin dans ma vie étaient rangées sur des dizaines de kilomètres et de niveaux.

Pas besoin de plus pour que je me sente mal à en mourir. Leur nombre impliquait quelque chose de pire. Toute l'humanité était ainsi répertoriée, en avatars sous la forme de jouets.

La respiration se faisait entendre davantage. Plus forte, plus oppressante. Mon coeur me donnait l'impression d'exploser à chaque battement. Je me suis retournée vers Siko. Il suivait le son du regard. Je me suis rendue compte que je transpirais quand j'eus soudain l'impression que les poupées me suivaient des yeux. Une énorme boule s'est formée dans mon ventre. 

Des bruits de pas ont résonné derrière nous. Siko a ouvert sa main et un long bâton blindé est apparu entre ses doigts. J'étais trop flippée pour être étonnée. Il marchait face au problème et je n'arrivais pas bien à voir où il voulait en venir, la pièce était trop sombre.
               
J'ai entendu des coups et une masse chiffonneuse est tombée à deux pas de mes pieds. J'ai crié. Une autre m'a sauté à la gorge et m'a propulsée par terre avec la puissance d'une moissonneuse-batteuse.


- Du calme, ça mord pas.


Parce qu'il est drôle en plus. Les poupées sur les étagères me font flipper de plus en plus et j'ai l'impression d'être d'une inutilité navrante. Peut-être parce qu'un certain nombre de leurs collègues situées à quelques mètres d'ici avait pris vie puis sauté au sol pour nous attaquer et que ce drôle de type les a toutes rétamées. 
         
Il m'a tendu la main pour m'aider à me relever. Le bruit derrière se faisait persistant. Le sol tremblait. D'un seul coup, un mur du hall a volé en éclats et une créature gargantuesque a fait son apparition. Un corps tout noir, parcouru de lignes blanches luminescentes, une tête ovoïde et un cou de la même couleur, des yeux noirs, pas de bouche, et des stries rouges pour la parcourir de la tête aux pieds.


- Par contre, ça... 

Le tout mesurait une bonne dizaine de mètres de hauteur sur bien quatre ou cinq de large à hauteur des épaules.

- Qu'est-ce que c'est ?


Ma voix tremblait tellement que je croyais que j'allais pleurer. Siko ne m'a pas répondu et s'est jeté sur le monstre, qui faisait bien 3 fois sa taille.

Armé d'un bâton. 

On va mourir.


On va mourir, mais pas n'importe comment. On va mourir très, très fort. Siko a lutté une minute ou deux, ce qui déjà était en soi sacrément respectable, voire même carrément épique, mais l'équarisseur a fini par l'envoyer par le trou qu'il avait fait dans le mur en arrivant. Le monstre insensément grand s'est approché de moi. J'étais à moitié morte de trouille et il allait me finir en deux secondes.


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Oh putain. Plus jamais ça. QUATRE  heures d'attente dans un aéroport BONDÉ comme dans un film avec Roger Moore. Bordel de cul (copyright A) j'en ai plein le derche mes amis. C'est la dernière fois que je pars en vacances. LA DERNIERE, BORDEL DE MERDE ! En plus j'ai raté combien de chapitres ? Qu'est-ce qui s'est passé depuis ? Rien ? Pas la moindre scène de cul ? RAAAH mais quel puceau cet auteur ! Et vas-y que j'te balance des filles sexy, et vas-y que j'te mette du sous entendu un peu partout ! Même dès le premier chapitre ! Alors ouais, mon perso il baise toute la nuit et en plus, il te produit de la punchline entre deux sessions vaginales. Mais quelle classe ! Ah ouais ! Alors après je vois d'ici les gens qui vont lire ça et qui vont se dire : "Ouais, en fait c'est totalement autobiographique..." 


MAIS N'IMPORTE QUOI !!! Notre auteur de merde au prénom suédois n'est qu'un petit sexe éjaculateur précoce qui projette ses fantasmes sur des personnages virtuels. Voilà c'est dit.


Comment ça, d'où je le tiens ? Non j'ai pas les numéros de ses ex. MAIS ON M'L'A FAIT PAS, A MOI !! 

Ce connard de puceau de merde m'a dit que je pouvais prendre quelques mois de vacances à moindre frais, mais il m'a jamais dit à quel point c'est CHIANT A MOURIR de prendre l'avion, PUTAIN !!
               
Et va culbuter de l'hôtesse de l'air à 10 000 mètres chais pas combien d'altitude sans perdre pied à cause des turbulences. Va !


Bon, bref, j'vais pas vous raconter mes vacances, vous en avez rien à carrer. Rooh et en plus je suis grossier.


Quelle honte.


Ohh, c'est quoi ça ? Rien à faire, je m'habituerai jamais au réel, moi. C'est allongé, noir et plat, avec plein de boutons dessus...


*zap*


Tiens mais c'est drôle cette merde !


*zap* *zap* *zap*


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Des courbatures. Des rires de fille. Deux voix différentes. Ca annonce un réveil difficile.
J'essayais de repenser à la soirée de la veille qui s'était étirée jusqu'aux 14h du matin qu'il était actuellement pour me détacher autant que possible de ce rêve qui me colle au coeur jusqu'à le faire battre à cent à l'heure.


Fait chier. Je te sors des rimes pourries dans une prose d'une lourdeur assourdissante. Quand même, je te mets au défi de faire mieux avec environ une heure de sommeil ou deux et après une soirée pareille.


Et merde, encore une rime. "I'm fucked up", chantonnai-je dans ma tête. Tiens, d'ailleurs, ce soir c'est concert. Ca motive. J'en lève mon corps saturé de douleurs du lit.

Lifting my body endolori du lit
Motivated au point d'ouvrir les yeux
Au-delà des couvertures
(Grows the distance as far as I can see)
En pensant très fort à un bon gros shoot à base de café.
(Too tired so I can even start to say)
Yeah.

Le regard d'ange d'Anna me disait bonjour pendant qu'elle embrassait sa moitié -à savoir une cigarette- et que Sofy me pinçait le téton -droit- bien fort pour me faire bien mal comme il faut, dans l'espoir de bien me réveiller. Aïïïeeeeeuh.


[Au point d'ouvrir les yeux et de lever au-delà des couvertures en pensant très fort à un gros shoot à base de café. Le regard d'ange d'Anna me disait bonjour pendant qu'elle embrassait sa moitié -à savoir une cigarette- et que Sofy me pinçait le téton -droit- bien fort pour me faire bien mal comme il faut, dans l'espoir de bien me réveiller. Aïïïeeeeeuh.]


A tatouer sur ma main : Ne plus dormir sans T shirt, en pantalon. En Énochien pour que ça ait la classe. Comprenne qui voudra. Argh, putain ça fait mal.


Sofy m'a souhaité un bon réveil de la plus douce des manières et je suis allé dans la cuisine un goût sucré sur les lèvres et le téton droit endolori as fuck.


"Pour bien commencer ma petite journée, et me réveiller, moi j'ai pris un café..."


Lalalalala, lalalalala, lalalalala, lalalalalala.


Les filles m'appelaient depuis la chambre. "Netooooo ! Dépêêêêche !!!" J'essayais de ne plus penser à mon rêve. Ou alors c'était l'inverse, mon rêve essayait de ne plus penser à moi. Peu importe. Je me suis dirigé vers les demoiselles en baillant, un plat rempli par trois tasses de café et un paquet de Luckies dans la main.

A peine le plat était posé sur le bureau que je me suis retrouvé entre deux bras réconfortants qui voulaient absolument me prouver que la vie vaut le coup d'être vécue et que 14h du matin c'est le bon moment pour battre des records.


- J'arrête pas de te le dire, mais RASE-TOI, merde ! Tu piques ! 
- Commence par te raser toi même ! T'es vachement plus sexy comme ça.
- Sympa. Mais ça me rend tout de suite beaucoup moins viril quand j'me rase.
- Rien à foutre, je déteste la cire.
- Ouais ben alors trouve toi un mec !

Sofy m'a sauté dessus, et je saurais pas dire si c'était plus par habitude que par envie. Anna nous regardait faire, descendant lentement mais sûrement mon paquet de clopes. Elle souriait d'un air complice et bienveillant. Quand Sofy s'est retrouvée au-dessus de moi et que la moitié de l'immeuble eut la certitude qu'elle était en train de prendre un voyage monumental, Anna s'est décidée à nous rejoindre, toute en caresses et en douceurs, subtilité et sensualité.


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ENFIIIIN  DUU  CUUUUUULL  !!!
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Hé non, je te vois venir, libidineux narrateur. Non, je ne relaterai pas ici en détail les 4 heures qui suivirent.
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Baaah ?
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Non.
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Ben alors fais le pour les lecteurs, ils attendent que ça ! Tiens, regarde : "Courrier du jour" :  "salu c pa mal tn blOg mé je trOuv ke sa mank un peux de q lol"; "Salut Orjan, j'aime beaucoup ce que tu fais, mais ça manque d'alchimie physique" ; "Salut Orjan, ton histoire c'est de la merde et on y comprend rien, faudrait que t'arrêtes d'écrire défoncé, ça te réussit pas. Parle plutôt de cul, ça fera plaisir aux gosses et aux puceaux. Et aux mal baisées aussi. Merci-bisous.

PS  : Tu m'as toujours pas rendu la saison 1 de Twin Peaks. Sors-toi les doigts du rectum, vieux viking !"; "kikoo ! lol c pa mal 7 istoir mèm si ji conpren ri1 lol, kontinu é mé du q lol"


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Mais depuis quand t'es au courrier toi ?
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Depuis que l'autre enfoiré a brûlé au 6eme degré une bande d'illettrés. Il a fini les réclacitrants à coups de dictionnaire. On en a retrouvé un avec un Bescherelle dans le cul et des commotions cérébrales.
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Ah ouais d'accord.  Y'a quand même des aigris dans la vie. Bon bref.

Il est 17h. Sofy est rentrée chez elle et je me suis retrouvé seul avec Anna. Mon Dieu que cette fille est intriguante. Quand je l'ai rencontrée, elle était taciturne, solitaire, frigide, blasée, et promenait son regard sage, intelligent et clairvoyant sur tout ce qui bougeait. Ca fait quelques années que je la vois grandir, comme une merveille construite plus par la nature que par les efforts des hommes autour. Une monstre sacrée, largement au-dessus de nous tous. Une fille qui monte toute seule au niveau des dieux. Je sais à peine si c'est volontaire de sa part.

Et là, ça faisait un joli quart d'heure qu'elle me dévisageait avec un léger sourire tendre. Cette fille a une capacité dingue à transcender le désir.

- Tu vas partir.

- Ben, le concert est à 21h-21h30 , j'ai encore le temps.

- Neto, me dit-elle souriante, mettant son doigt sur mes lèvres. C'était pas une question. Tu vas partir.

On dirait une gamine omnisciente dans le corps d'une fille de 26 ans. J'ai doucement embrassé son doigt.

- Je vais juste à un concert. Tu veux m'attendre ici ? Le groupe que je veux voir joue pas trop tard, j'ai qu'à partir à la fin.

- Quand je t'ai rencontré, j'étais coincée dans une morale qui n'était pas la mienne. J'avais enchainé les relations douloureuses avec les mecs, et à cause de mon handicap, j'étais persuadée de ne jamais pouvoir être heureuse.

Alors là, prends ta caméra et filme bien, parce que c'est la première fois que je l'entends parler autant.

- Je me disais que j'étais condamnée à voir sans ressentir. A comprendre les choses sans pouvoir les vivre. J'étais bloquée en moi-même. 

- Hey, du calme, dis-je doucement. Ne me dis pas que je suis ton sauveur ou quoi. 

- T'es con !

Elle riait. Ca aussi c'est très rare.

- Bien sûr que t'es mon sauveur ! Je pourrais jamais te remercier pour ça mais c'est pas grave, tu me connais.

- Pardon ?

- (Je sais pas pourquoi, mais j'avais besoin de te le dire maintenant.] Tu viens, on va au lit ?

- Ouais... si tu veux.

J'étais perplexe. Anna ne dit jamais rien d'anodin, pourtant j'ai l'impression qu'elle se fout de moi(,) alors qu'elle me parle comme si c'était la fin. La tête posée sur mon torse, elle me regardait mater le plafond. 

- C'est la dernière fois qu'on se voit, pas vrai ?

- Quoi ? Mais pourquoi tu dis ça ? Tu sonnes bizarre depuis un moment... / Ca fait un moment que tu sonnes bizarre.... 

- Parce que je sais pourquoi ce concert est si important pour toi.

- T'en parles comme de la fin du monde. / Qu'est-ce que t'essaies de me dire ? T'en parles comme de la fin du monde.

- Peut-être.

- Hey, j'y vais juste dans l'espoir de capter un mec qui connaissait une amie que je voudrais revoir. Si ça se trouve il a perdu contact avec elle et mon délire est voué à l'échec alors je comprends pas du tout pourquoi tu-

- Parce que tu vas la trouver.

- Bien sûr. A tous les coups, il a perdu contact avec elle lui aussi. 

- Non. Et parce que c'est pas qu'une amie.

- Anna, t'es flippante, là...

- Pardon. C'était pas mon intention. Je voulais juste m'assurer que cette fois, tu iras jusqu'au bout.

Le désintéressement de cette femme est proprement hallucinant. Quant à sa sagesse, j'en parle même pas. (On dirait qu'elle lit dans mon esprit jusqu'au fond et au-delà.)

- Tu crois que je vais être aspiré par un trou de ver pour plus jamais revenir ?

Elle se mit à rire.

- Non, quand même pas !

- Il me reste deux bonnes heures, si tu veux explorer la couette.

- Ca fait peu...

Elle souriait de toutes ses dents, et pourtant, quelque chose dans sa voix et ses yeux avait quelque chose de serein, calme, presque transcendant. C'était étrange, j'avais l'impression de faire rire une sainte. 


On a refait l'amour, rien que tous les deux, cette fois. (Puis j'ai )pris une douche avec elle, (je) me suis préparé et j'ai ouvert la porte.


- Neto ?

- Ouais ?

Elle m'a embrassé et elle s'est pelotonnée contre moi, chose inhabituelle. Mais bon, avec Anna, l'habitude est toute relative.

- Rappelle-toi que la vie vaut le coup, d'accord ? Moi j'oublierai pas.

- Merci.

Je suis parti, ses mots encore dans ma tête.


La vie vaut le coup, ouais. Mais pas pour ce que j'ai vécu ce jour-là ni les autres. Pour ce que j'allais vivre après avoir payé mon entrée. Et à ce moment-là, je l'ignorais.



Dimanche 16 avril 2017 à 2:16




- Le monde que tu as connu a cessé d'exister. Peut-être même qu'il s'est effacé de l'existence. J'en sais pas encore assez pour être plus précis là-dessus, mais tu dois le savoir.

Un éclair a traversé le ciel et l'air est devenu plus lourd que jamais. Les effets de la bière de Soda se sont dissipés pour laisse l'impression d'avoir été amené ici comme un pantin dans une scierie. Mû par l'énergie du désespoir, j'ai réagi, et cette réaction s'est limitée à attraper Soda par les épaules et à le plaquer contre le mur le plus proche.

- Tu vas me dire tout de suite ce que je fais ici. Et si le réel existe plus, où sont les autres ? Ils ont été effacés, eux aussi ? Et c'était quoi, les monstres ? Qu'est-ce qui s'est passé, bordel ? REPONDS  !!

- Ecoute, soit tu me lâches, soit je m'arrange pour que tu me lâches.

Je l'ai secoué comme un distributeur bloqué.

- Ok.

Il m'a balancé son pied dans le ventre puis dans le tibia, avant d'enchaîner avec une droite dans le plexus et un autre coup de pied dans le ventre. Je sais pas comment j'ai fait pour pas me retrouver par terre avant la fin de son enchaînement.
J'ai complètement perdu de vue le concept de respiration pendant 30 secondes déguisées en 5 minutes. Saloperie de putain de démon de merde.

Il s'est agenouillé devant moi et m'a expliqué le plus posément du monde :

- Tu es ici parce que ce que tu appelles "monde réel" a cessé d'exister. Les autres sont quelque part, dans des strates. Peut-être celle-là, peut-être une autre, j'en sais rien. Les monstres que tu as vu, ben c'étaient des monstres, comme tu l'as si pertinemment observé. Et il s'est passé que t'as pas voulu me lâcher, alors ça m'a énervé.

J'ai la sale impression qu'il se fout de ma gueule et commence sincèrement à haïr ce démon au caractère changeant et au calme impertubable.

Cet enfoiré a sorti une flasque dans sa poche. Encore de la böeze ? 

- T'inquiète pas, c'est pas de l'alcool. Et y'a rien de louche là-dedans. Je te conseille de boire.

J'ai shooté dans la bouteille sans pour autant réussir à la briser et me suis levé. 

- Hé ben, heureusement que je l'avais pas ouverte. Allez, arrête tes conneries maintenant, dit-il en la ramassant. Viens avec moi.

- Pourquoi je te suivrais ? Tu m'as fait boire je sais pas quoi pour me droguer et m'amener ici. Qu'est-ce que tu veux faire de moi, qu'est-ce que t'attends de moi ?

- Hé, du calme. Je ne t'ai pas drogué. Je suis là pour t'aider. Je sais que les humains ont beaucoup de mal à faire confiance; d'ailleurs c'est entre autres pour ça qu'on en est là, vous êtes pour la plupart incapables d'être heureux.

Je savais pas quoi répondre à ça. Il avait raison, mais c'était un sacré bordel... Et puis...

- L'épée qui tombe du ciel, elle venait d'où ?

- De toi. C'est un phénomène que je ne peux pas complètement expliquer, mais je sais que cette arme vient de toi.

- Ah ouais ? Même si elle a disparu ?

- Justement. D'ailleurs ce serait pas mal qu'elle se ramène, on a de la visite.


Une musique acoustique a commencé à emplir l'atmosphère. D'abord 4 longs accords, qui se sont répétés, puis transformés en une rythmique lancinante et imparable, pourtant pas dénuée d'optimisme.

Comme pour répondre à Soda, des monstres se sont montrés progressivement autour de nous. Le son s'est fait électrique, et comme pour lui donner encore plus raison, l'énorme sabre est retombé du ciel pile devant moi.

Soda a enlevé sa chemise déchirée et m'a tendu une nouvelle flasque. 

- Bois ça, tu vas en avoir besoin.

- Hors de question.

- Ok. Bonne chance alors.

Sa peau commençait à briller et son aura l'irradiait de plus en plus. Il a plongé sur les monstres et les a traversé d'un seul coup. Toute une partie du groupe est tombée à l'impact. Il a tourné sur lui-même et ça a suffi pour effondrer le reste.

- A ton tour ! me lança-t-il avec défi, comme si j'avais intérêt à me démerder mieux que lui. 

Rapports de force à la con.

Bordel j'en suis.

J'ai fait goûter ma lame aux cinq bestioles qui sont venues me demander l'heure et j'ai rétamé celle qui venait par-derrière me taxer des clopes alors que je ne fume même pas vraiment.

Je me suis frayé un chemin jusqu'à Soda, qui se battait comme un beau diable, si j'ose dire, parce que depuis son récent coup d'éclat, il avait fait de lui la cible prioritaire des monstres qui ne cessaient de venir, toujours plus forts, toujours plus nombreux.

Paradoxalement, ça me semblait trop facile, j'en cassais 5 d'un seul coup, sans même me fatiguer, même s'ils étaient légion.

- A partir de maintenant, c'est moi qui décide d'où on va ! T'as compris ? lançai-je entre deux groupes que je rétamais sans effort.

- Concentre-toi, on discutera plus tard.

J'ai pris quelques coups, pas trop douloureux mais suffisants pour m'énerver. A un moment ma lame s'est illuminée et j'ai perdu le contrôle, courant de monstre en monstre, trop rapide pour qu'ils puissent me toucher, tapant trop fort pour qu'ils puissent se relever. 

Quand mon calme est revenu, il n'y avait que des cadavres brisés par terre. Mon sabre n'avait pas disparu.

J'ai regardé Soda avec défi.


- Alors, c'est qui le plus fort ?

- T'as une idée de l'absurdité de ta question ? Déjà, c'est moi, ensuite, pour me prouver le contraire, faudrait que tu m'affrontes.

- Plus tard. 

- D'accord. 


L'ambiance avait changé du tout au tout. Il n'était plus dans la déconne et la vanne, ou encore dans le retournement de situation, au contraire, il dégageait quelque chose de carrément dangereux.


On a continué à avancer dans l'air lourd du soir qui tombait doucement sur la ville.




Dimanche 16 avril 2017 à 2:47




- Clope ?

- Merci.

On marchait dans la brume, seuls. Le campus me rappellait une multitude de souvenirs qui devenaient de plus en plus amers à mesure qu'on avançait.

- Regarde, y'a un tram.

J'ai suivi son doigt du regard. Il semblait nous attendre. C'était étrange, et donc probablement par là qu'il fallait aller.

- On y va, tu crois ?


Sûr.

- Ce sera toujours plus rapide que nos pieds, c'est certain.

La porte ouverte s'est fermée derrière nous. Le tram a démarré.

Sonia tremblait. Elle est allée s'asseoir et je l'ai suivie.

- C'est vide. ... Pas vrai ?

- Je crois bien, ouais. Pourquoi ?

- J'ai cru voir un groupe de gens, par là.

- C'est la fatigue.

- Ouais, sans doute.

- Il va où, celui-là ?

- Au centre-ville. C'est pas plus mal, on trouvera peut-être quelqu'un là-bas.

- Hé ! Regarde bien, là. Tu vois rien ?

J'ai regardé attentivement et effectivement, il y avait un groupe de gens qui semblait apparaître par intermittences. J'ai senti le feu faire un tour au fond de moi. Sonia tremblait de plus en plus.

Elle a posé son paquet de clopes sur le siège et m'a fait signe de la suivre. On s'est approchés du groupe. Leurs voix semblaient éthérées, lointaines.

Flippées, aussi. Ils parlaient doucement, avec des trémolos dans la voix, comme s'ils avaient été choqués par quelque chose qu'ils avaient vu. Inutile de se demander quoi. 

Une forme a émergé derrière ces gens qui ressemblaient à des fantômes dans une boule floue.

Sonia a étouffé un cri et je me suis retourné sur un paquet de cigarettes.

- Fais gaffe ! Y'a quelque chose là !

- De quoi tu parles ?

J'ai ramassé le paquet de cigarettes et je me suis pris une droite qui m'a fait voler sur la moitié du tram. Sonia a crié mon nom très fort, et je l'ai à peine entendue. 

Il est où ? C'est quoi ce truc d'ailleurs ?

Je commençais à brûler. 

J'ai brassé l'air devant moi et entendu un grognement. Je l'avais trouvé. J'ai enchaîné quelques coups dans cette direction, puis des mains m'ont attrapé, soulevé, et lancé vers Sonia.

- Cours ! Barre-toi pendant que je l'occupe !! ai-je balancé entre deux souffles. Et toi, montre-toi, saloperie !

- Je ne suis pas là pour toi, jeune homme.

C'était pas la voix du singe de la dernière fois. C'était autre chose.

- Jeune ?! Tu m'flattes, là, saloperie d'merde !!

Ignorant totalement mes délicieuses punchlines, il m'a propulsé contre un pan du tram comme un fétu de paille et s'est dirigé vers Sonia.

Wah, ça fait mal, bordel...

Là-dessus il s'est rendu visible et c'était assez étrange. Il avait toujours été là mais on ne le voyait que maintenant. Il mesurait deux mètres et demi et semblait taillé dans un roc noir. Il portait un pantalon qui avait l'air d'être pile à sa taille et ses bras étaient gros comme ma

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STOOOOOOOOP  !!! Tout ce que tu veux mais pas ça ! Par pitié !
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Comme ma jambe, j'allais dire comme ma jambe. Calme-toi un peu...

Quoiqu'il en soit, le géant de pierre s'est adressé à Sonia, ce qui m'a directement ramené à la réalité.

- C'est toi que je veux. Toi qui crois qu'un arbre peut cacher la forêt, alors qu'il en fait seulement partie. Toi qui crois que les mensonges ont valeur de vérité et que les illusions sont la matière de la réalité. 

Il parlait avec une voix flippante. Classe mais flippante.

- Toi qui l'a fui pour te fuir, toi qui as si peur de ton reflet dans le miroir, toi qui vois l'enfer dans le regard des autres. TOI  dont les mots te trahissent, même si tu refuses de te l'avouer. Toi qui vis cachée par peur de ton propre regard. Toi qui ne peut admettre les vérités que tu sais. Je suis là pour toi.


Pendant qu'il faisait son speech, je suis passé derrière lui tout doucement et je lui ai balancé mon bras après l'avoir enflammé.


Je sais pas pourquoi, mais je suis sûr qu'il savait que j'étais derrière lui. Il a encaissé le coup sans broncher et à continué à parler. Face à lui, Sonia était morte de trouille, mais n'en laissait rien paraître, ou alors le minimum.


J'ai essayé de le frapper de différentes façons, certaines d'entre elles assez spectaculaires, mais il ne bougeait toujours pas, et je commençais à sérieusement me faire mal aux mains et aux pieds.


- Du calme, toi.


Il m'a repoussé d'un revers de la main qui m'a déménagé les entrailles et je me suis effondré comme un cake aux cerises sur la banquette du tram.


J'ai entendu des voix floues au loin, puis un " DÉGAGE !!!" tonitruant de Sonia.



Le tram a tremblé. J'ai entendu un cri d'homme, et un rire de femme sangloté. J'ai senti qu'on prenait deux virages, entendu une voix de femme, vu le visage de Sonia pendant une demie-seconde qui s'est imprimée sur mes yeux, pensé à Solenne, et je me suis éteint dans le néant.









Dimanche 16 avril 2017 à 4:37

 

 



J'ai repris conscience allongé sur un banc d'arrêt de tram avec un mal de dos terrible et des souvenirs flous.

- Contente de te retrouver parmi nous, m'accueilla Sonia.

- Combien de temps je-

- Pas beaucoup. Dix à vingt minutes, je dirais. Pas plus.

- Comment tu -

- J'en sais rien. Moi aussi j'ai fait un blackout. Tu payes ta clope ?

- Attends, laisse-moi le temps de-

Sa main glissa dans la poche intérieure de ma veste et en dégaina mon paquet pour se servir. Elle eut la décence de m'en caler une entre les lèvres avant de me tendre la main pour m'aider à me lever.

- Avec un peu de mauvaise foi, on pourrait croire qu'on est juste deux paumés à la fin d'une soirée trop arrosée qui a débouché sur un after de la lose, lâchai-je.

- D'imagination, tu veux dire.

 

La nuit semblait éternelle. Depuis le concert où le temps s'était vraisemblablement arrêté, elle ne sous avait pas lâchés. Parfois brumeuse dans les nuages, parfois presque douce, d'autres fois encore noire comme les cendres qui tombaient de nos cigarettes, mais toujours omniprésente. Une de ces nuits séduisantes de début de soirée d'hiver avec pourtant la chaleur de l'été, une nuit versatile et têtue.

Ma tête tournait encore un peu et ça me faisait mal, mais je reconnaissais où on était. J'ai fini par me lever.

- Tu m'en repayes une, bro ?


Un silence. J'ai été gentil. De la fumée hors de nos bouches.

- T'as peur.

- J'en sais rien. 

- Essaie pas de me mentir, monsieur le bassiste flamboyant qui fume cigarette sur cigarette tant son niveau de stress crève le plafond, sourit-elle violemment.

- Je suis sincère. Je crois que ce feu, c'est ce que sont devenues mes émotions. C'est la seule chose que je ressens.

- Et quand il est pas là, tu ressens quoi ? Rien ?

- C'est ça, rien. Je crois. Presque. Mais ça date pas d'aujourd'hui. 

Je me suis confié à une poubelle. Et à un mégot en l'air qui tombait dedans.

- Tu sais, ça va pas te tuer de faire trois pas pour jeter ta clope, lui ai-je lâché. Y'a des moyens plus normaux de le faire.

Elle a éclaté de rire.

- Normaux ? Normaux ?? Tu te fous de moi ? J'ai pas de leçons à recevoir d'un mec qui s'allume des clopes avec le doigt.

Je l'ai fermée. Elle avait pas tort. Le changement post-fin du monde avait mis à mal les lois de la physique. Et d'autres, aussi. C'est presque comme si j'étais vide. Comme si ce feu censurait mes sentiments en les exprimant paradoxalement, à leur inverse, en quelque sorte. Le mal de tête se relogea tranquillement.

- On fait quoi, maintenant ? On va s'promener ? ai-je lancé d'un ton sarcastique. 

Peut-être est-ce comme ça que se manifeste ma peur. Le monde semble menaçant. Les gens qui ont écrit des bouquins sur la confiance en la vie ne sont jamais venus ici. Si c'était le cas ils auraient prié Dieu et Satan en même temps, histoire de maximiser leurs chances que quelqu'un les sorte de là.

- Bonne idée, ça fait un moment que j'ai pas mis les pieds ici. 

Sur cette réponse surprenante de normalité, on a commencé à marcher. 

- Tu sais quoi ? On est dans la merde. 

J'ai serré les dents et gardé le silence.

- Non, mais vraiment, regarde-nous.. J'ai un pouvoir à la con et tu peux rien faire aux bestioles qui viennent pour moi.

On avait compris la même chose. Les joies du langage sans paroles.

- Qui a décrété ça ? C'est pas parce que je me suis fait étaler tout à l'heure que ce sera pareil la prochaine fois.

- T'es mince. Moins qu'avant mais t'es mince. T'as peut-être été salement badass tout à l'heure mais t'as encore du boulot avant de pouvoir te la jouer superhéros à plein temps.

Je me suis tu un certain de temps avant de lâcher la phrase qui s'était imposée à mon esprit :

- C'est en train de me bouffer.

- Ca va aller, frangin. Tu t'es débrouillé comme un chef à la cafet. Sans mauvais jeu de mots, j'ai même envie de te dire que pour le coup t'as fait le café. Badass, je te dis.

- Justement. C'est trop pour moi. Je pense pas pouvoir le supporter. Je sens que ça prend de l'ampleur et à un moment ça deviendra plus fort que moi. Il faut pas que je m'en serve. 

- Je suis pas d'accord. Ca te va bien, de jouer au héros.

J'ai ignoré le "merci" que je lui devais pour ça. Le sourire n'est pas sorti non plus. Tout ce que j'ai réussi à lui produire c'était un :

- Il venait pour moi. 

- Ca lui a pas empêché de me péter une colonne sur la gueule.

Ils avaient vraiment besoin de nous faire l'intérieur de la cafet façon temple grec ?

- Le tien a pas été cool avec moi non plus.

- Chacun son tour de se faire casser la gueule.

- Ouais. J'imagine que t'as dû bien gérer avec le géant de pierre, quoi que t'en dises.


- Tu te fous de moi ?

- Même pas.

- Ouais, c'est ça. Et là tu vas me sortir un truc du genre "on se sépare, on marche chacun de notre côté, et on verra bien la suite". Je pourrais l'accepter, ça t'apprendrait. Mais je suis sûre qu'on finirait par se retomber dessus.

- So, t'es lourde...

- Quoi, j'suis lourde ??!! a-t-elle explosé. Ose me dire que j'ai tort !

Au même moment, une masse dans un manteau s'est jetée sur elle, que j'ai eu le réflexe de pousser pour me retrouver par terre à sa place, bloqué par un type avec un masque et une capuche par-dessus. Son manteau était blanc d'un côté et noir de l'autre. Son masque immaculé rappellait les fêtes de Venise. Le plus étonnant était que ce dernier n'avait rien de ridicule, même avec ses rayures asymétriques, le tout surplombant un manteau à capuche bichromatique. Difficile de savoir si ce n'était pas son vrai visage.

- C'est vrai, t'es qui pour me dire ce que j'pense et ce que j'vais dire ? lançai-je à Sonia

- Une voyante ?? criai-je en repoussant le clown de toutes mes forces, les flammes roulant le long de mes bras.

- Je te connais, c'est tout ! répliqua Sonia, posée tranquillement dans le coin, alors que je commençais à tatanner le mec en face.

- La seule personne qui me connaît est pas ici ! criai-je en frappant le clown d'un grand coup de basse brûlante. Et je sais même pas si elle est toujours vivante ! hurlai-je, la rage montant avec les larmes.


Emotions de retour. Feu plus puissant. Perds le contrôle. 


- Regarde ton téléphone, elle a peut-être essayé de t'appeller ! 


Calme revient l'espace d'un instant.


- Ah ouais, pas con. 


Me prends un coup dans le ventre, souffle coupé. Relève la tête, mes cervicales craquent bien fort quand la droite me claque contre la joue.

Les os brûlent. Ce ne sont plus que du feu. L'impression que ma tête va se décrocher. Rush de sang dans coeur affollé. Pression artérielle façon Mont Everest. Ma première rencontre avec Solenne. L'odeur des chichis sur la plage. Le goût de ses lèvres. Le bonheur à l'épreuve du temps pète la gueule au quotidien. Vie qui valait le coup. 

CRAC. La chaleur dans mon cou n'est plus qu'un vague impression. Le feu n'est plus que sur mes bras et mes jambes. Les cervicales se sont replacées toutes seules. Impression d'être passé à deux doigts de mourir. Calme revient en même temps que coeur explosif baisse son rythme. 

Je me sens invincible. Je suis le feu. Je peux tout raser sur mon passage ou juste m'allumer une clope. Intérêt à bien me maîtriser.

Je pars dans des figures acrobatiques, dans le genre "je saute dans tous les sens la tête en bas et prends ça dans la face", le feu venant rajouter de l'effet. 

Comme le feu, je brûle partout où il y a de l'oxygène. Disparais d'un endroit pour réapparaître à un autre. Plus limité à la terre ferme. J'ai eu une sacrée peur, j'ai même cru y passer, mais là, maintenant, je suis plus fort que jamais. J'ai de quoi péter la gueule de tous les sales mômes qui rackettent les plus petits à la sortie des écoles. Et je crois être assez lucide pour savoir à quel point il m'est important de me maîtriser. 

Je disparais et rapparais au-dessus du clown. Enorme coup de basse enflammée qu'il évite au dernier moment. Je commence à fatiguer.

- DAN, ARRETE DE FAIRE LE CON BORDEL !!!

- T'es marrante, toi... soufflai-je. J'aimerais bien t'y voir.

- Tu sais que c'est pas sympa d'ignorer son adversaire ? 

C'est le masque qui avait dit ça. J'ai pas vu si ses lèvres avaient bougé, j'avais l'oeil sur Sonia. Je me suis retourné vers lui.

-Tu sais que c'est pas sympa de sauter à la tronche des gens ?

- Rah, c'est pas faux, dit-il en secouant la tête de dépit. J'ai toujours pas pu voir ses lèvres. " 'Chier, je vais devoir trouver un autre argument..."


Spatch. Spatch. Splatch. Plaf. Tête. Ventre. Epaule. Tombe en arrière. Replace mes os façon feu de cheminée en hiver. D'ailleurs je tremble. Pas de froid.

Il frappe là où le feu ne brûle pas, ou en tous cas pas encore. Douleur paradoxale. Supportable mais pas similaire à celle de l'ancien réel. Rage toujours présente, devient plus forte. Des coups de basse brûlants, plus de fatigue. Je ne suis plus qu'une bête de feu alimentée à l'adrénaline et qui frappe sans relâche un adversaire qui me tient tête sans problème. 

Il lève la main au ciel et une espèce d'épée très large, noire & blanche elle aussi, lui tombe entre les doigts. Mouvement agile du poignet, redresse, me contre. S'il me pête une corde, je lui arrache la face. Intérêt à pas me faire toucher. S'il me pourrit mon sweat, ça fera désordre. Censurer les pensées Soleniennes. Rester concentré. Je suis humain après tout. 

J'entends plus Sonia. Après vérification, toujours posée là, se contente de regarder d'un air un peu détaché. Me reprends un coup à l'épaule. Très fort. A mon grand étonnement, pas de sang. Le calme revient encore. Il lâche son arme, le métal conduit la chaleur, il s'est brûlé, malgré les gants qu'il porte et que je n'avais pas encore remarqués. Je vous dis pas la couleur, vous devinerez tout seuls.

Je doute que son drôle de costume le protège de grand-chose. Je charge les yeux grands ouverts, le feu concentré sur ma basse et mes bras. Il est de nouveau en garde. Respiration lente. Au dernier moment, il lâche son arme et m'attrape le visage en encaissant le coup enflammé que je lui mets. On a roulé. Cette fois c'est moi qui le maintenais plaqué au sol.

- Même pas mal.


C'était pas un masque, c'était son vrai visage. Sauf si un masque peut sourire, ce qui me surprendrait pas tant que ça.




 


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