Je ne comprends rien. Ni comment je suis arrivée là , ni de quelle façon je suis toujours vivante, par contre j'ai une théorie sacrément probable concernant les lignes brillantes en face de moi : Des barreaux.Â
Merci pour la métaphore de mise en scène incroyable, celle-là ça fait environ deux siècles qu'on la fait plus.Â
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Il fait totalement noir mais il doit forcément y avoir une source de lumière pour que ces foutus barreaux brillent.Â
Pour l'heure, je me repère au toucher. Le sol est pavé, exactement comme la rue de Prima Cordes. Ce pavage à l'arrache qui donne tout son charme surranné aux rues de la vieille ville de Boredom City. Mais dès que je fais courir mes mains sur les murs autour de moi, je ne peux nier l'impression de me trouver dans un ascenseur immobile.Â
Pour ce qui est des trois murs, en tous cas. En face, c'est toujours ces foutus barreaux qui m'empêchent de sortir. Trop serrés même pour ma taille de guêpe.Â
Bon, ok, je suis peut-être un peu trop pulpeuse pour ces barreaux, mais ça indique peut-être un truc intéressant : Ils ont été faits pour moi, sur mesure. Non, vraiment, il aurait suffit que j'aie juste un peu moins de fesses et de seins et je passais facile. Et là j'vous la coupe, normalement, surtout si vous vous étiez fait une vision distordue de moi. J'ai beau être encore sous le choc, je connais les règles.
Donc. Une cage d'ascenseur -Oh putain le sens littéral, sérieusement ? - avec des barreaux, donc, et aucun foutu bouton nulle part (J'ai dégainé mon téléphone-lampe-de-poche pour vérifier et c'était pas nécéssaire.). Barreaux qui brillent, mais aucune foutue source de lumière. La cage semble être au beau millieu de la rue (ce qui n'a aucun sens, on est bien d'accord), et ladite rue n'émet absolument pas le moindre foutu photon.
Oh merde.
Oh bordel.
Je crois que j'ai compris.
Je regarde de haut en bas les barreaux luisant d'un éclat jaune et la lumière vacille. Quand je compris, l'éclat se fit bleu.
J'ai frissonné et sorti mon portable. Retourné, car sa coque supermate fait un excellent miroir. Â
"Mais Solenne, ma chérie, comment peux-tu te mirer alors qu'il n'y a que si peu de lumière ici et que nous, pauvres lecteurs, n'en connaissons toujours pas la source ?"
Alors déjà tu ne m'appelles pas ma chérie, on a pas fait pousser des rhododendrons ni misé au marché noir ensemble, en plus ça me fait penser à Dan et il est la dernière personne, je dis bien la DERNIERE PERSONNE à laquelle j'ai envie de penser maintenant, parce que je suis déjà assez en colère contre moi-même comme ça et j'ai pas besoin qu'on me renvoit mes mensonges à la figure. D'autant que lesdits mensonges, aussi éthiquement questionnables soient-ils, étaient totalement légitimes. Je n'ai pas menti sur le principal.
BREF. Au lieu de m'énerver, cher lecteur, laisse-moi t'expliquer pourquoi la coque de mon téléphone fait un excellent miroir et pourquoi la réfraction lumineuse des barreaux a changé de couleur à l'instant où j'ai compris d'où venait la source de la lumière : Moi. Mes yeux, plus particulièrement.Â
Un coup de vent me caresse le visage et passe entre mes cheveux. Éclair et coup de tonnerre derrière les barreaux. J'ai timidement tendu la main en m'approchant des barreaux. Ils ont ployé.Â
J'ai froncé les sourcils et ils se sont pliés en deux. Levé ma main gauche pour la mettre au niveau de la droite, serré les poings en faisant un arc de cercle et j'ai à moitié éventré l'ascenseur de la métaphore lourdingue, dont je suis sortie avec grâce et légèreté, comme portée par un souffle de vent.
Je suis une délicate et féminine petite fleur badass. Une fleur dont le corps parcouru d'électricité lui donne un côté lumineux, radieux, telle un soleil.
Un éclair déchire le ciel et la pluie tombe, douce et fine. Frâche, douce. Agréable. Je lève la tête et ferme les yeux pour la ressentir pleinement.Â
Ca a si bien marché que la pluie fine s'est transformée en déluge et que le tonnerre s'est abattu partout autour de moi. J'ouvre les yeux, dressée face à ma propre tempête, cette partie de moi qui vient seulement de se libérer et ne demande qu'à être canalisée. Mais je n'y arrive pas, et puis de toute façon c'est beaucoup trop jouissif. Je fracasse les fenêtres des immeubles alentour d'un éclair de jubilation formant un arc tout autour de moi. Maintenant je suis à la hauteur. Maintenant je peux le faire. NOUS pouvons le faire.
Un autre éclair s'abat au loin devant moi et je le rejoins aussitôt. J'étais devenue plus que le vent, la foudre, la tempête. La pluie a cessé.
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