Où on se tape une scène romantique niaiseuse à souhait. Où c'est quand même un peu "bataille" aussi.
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Le concert avait dégénéré. C'était peut-être prévisible, je sais pas. En tous cas, pour l'heure, je mettais mon manche à l'épreuve sur les Pink Babies.
Il allait peut-être se briser au prochain coup, je savais pas, et je m'en fichais.
Il avait quand même résisté au coup de l'escalier, alors bon...
Pour l'heure, je cassais du fils à papa aux côtés de Pierrot, Aurélien et Solenne, que j'essayais de protéger du mieux que je pouvais.
J'ai vaguement cru entendre un cri venant de la fosse. Je me suis retourné à temps pour éviter le poing d'un mec qui venait de monter sur scène. Je l'ai renvoyé d'où il était venu et j'ai tourné ma basse vers un autre type.
Je me suis arrêté, le temps de reprendre mon souffle, et j'ai croisé son regard.
Le temps s'est arrêté pendant que je me perdais dans ses yeux.
Putain, qu'est-ce que cette fille est magnifique...
J'ai détaché mes yeux des siens, mais le temps n'a pas repris son vol pour autant.
Tout autour de moi, le gens étaient tous figés.
Même ma Solenne.
Tous bloqués dans des postures plus ou moins ridicules, tous fixant droit devant eux d'un regard vide.
Seuls les yeux de ma belle brillaient encore, d'un éclat qui me semblait irréel, à côté de tous ces corps vides suspendus autour de nous.
J'ai cherché Aurélien et Pierrot.
Ils avaient disparu.
Et Sébastien ? Je l'avais perdu de vue au début de la baston.
Où était-il ?
Résumé de la situation : Le temps s'est arrêté et je suis le seul à pouvoir bouger. Sébastien, Pierrot et Aurélien ont disparu et les yeux de Solenne brillent encore plus que d'habitude. Et j'ai ma basse dans les mains.
Une chaleur agréable m'envahit. Je suis descendu de la scène et j'ai commencé à me promener un peu partout dans la salle.
Tout était calme, silencieux.
J'avais encore en tête la dernière chanson qu'on venait de jouer, Lenne & Paine. C'était un moment plutôt agréable, en fait. Si l'on exceptait que le temps s'était visiblement arrêté et que j'étais le seul à y échapper.
Bizarrement, je ne flippais pas.
Je ne réalisais pas encore ce qu'il se passait, qu'un truc de dingue était en train de se passer, qu'il fallait se bouger le cul.
Non, j'en avais rien à foutre. J'arrivais même pas à comprendre que ma Solenne serait peut-être toujours bloquée dans cette position.
Putain, mais que je suis con.
Je me suis mis à courir dans tous les sens, parmi les gens figés, dans la fosse, avant de remarquer quelques trucs.
Déjà , il y a des portes ouvertes et d'autres fermées. Si je ne peux pas ouvrir celles qui sont fermées, au moins je ne suis pas totalement prisonnier.
Ensuite, j'ai une basse dans les mains. Et j'avais complètement oublié ma discussion avec ma douce avant de monter sur scène.
C'était pas elle qui avait écrit dessus.
J'ai retourné mon instrument. De nouvelles lettres étaient apparues.
 LENNE
          Â
Ok, ma basse s'est trouvé un prénom, visiblement. J'suis plus à ça près.
Enchanté, mademoiselle.
Les battants de l'entrée sont fermés à clé. Bizarre, j'étais pourtant sûr qu'ils étaient tout le temps libres, pour permettre aux spectateurs de rentrer n'importe quand pendant le concert...
Bon, je suis parti dans la direction opposée, vers la porte de l'arrière-scène. Elle était fermée, mais la porte d'à côté était ouverte.
C'était la porte des chiottes.
Et merde.
Voilà pour le contenu des toilettes. Il y a une autre porte ouverte de l'autre côté de la scène, mais tant qu'à faire, j'essaie d'ouvrir celle-là .
Bloquée. Rah.
Un bon coup de basse dedans et le trou est suffisament large pour qu'on y passe tous les deux.
C'est la cuisine. Peut-être qu'il y a quelque chose de plus intéressant derrière l'autre porte ouverte, mais bon. Chaque chose en son temps...
Hé mais ! Y'a quelqu'un dans la cuisine !
C'est le petit Noir qui fait la bouffe.
- HEY !!!!
- AAH ! Tu m'as fait peur !
- Qu'est-ce que c'est que ce délire ??!!!
- Mais calme-toi ! Et ne la pointe pas sur moi.
- De quoi tu parles ?
- De ta guitare.
C'est pas une guitare, c'est une basse. Et j'avais même pas remarqué que j'étais prêt à lui en mettre un coup entre les dents.
- Qu'est-ce qui se passe ici ?
- Je croyais t'avoir prévenu : c'est la fin du monde.
- Non, c'est pas vrai...
- Si. N'aie pas peur.
- Hé, attends une minute... le mec dans l'appart, c'était toi ?
- Oups.
- C'était toi ? Mais t'es qui, à la fin ?
- Je te l'ai déjà dit. Je suis tout le monde et personne à la fois.
- Espèce de malade... Et t'existe pas, c'est ça ?!
- Mais si. Enfin, à ma façon...
- Haaaaaaaaaa... ma tête putain...
- Hé, ça va ?
- Ca irait mieux si tu m'expliquais ce qui se passe !
Il m'a tourné le dos, retournant à ses fourneaux.
Je suis resté planté là , ma basse dans la main, comme un con. Avec ma tête qui bourdonnait.
Après un moment de solitude, le môme se retourna vers moi avec un grand sourire et me tendit un kebab.
- Mange ! Tu as besoin de reprendre des forces.
J'ai posé ma basse sur une table (basse, elle aussi) et jai dévoré le kebab en trois secondes et demi. Délicieux.
- Merci. C'est vachement bon, tu mets quoi dedans ?
- Salade tomate mayo ! Rien de plus !
Il m'a fait un clin d'oeil.
- Bon, tu peux m'expliquer ce qui se passe maintenant ?
- J'ai essayé de te prévenir que le monde "réel" allait disparaître. Ce monde que tu connaissais n'était qu'une strate parmi tant d'autres. Et là , ce monde a disparu. Il n'existe plus. Les gens qui y vivaient sont maintenant dans d'autres strates. C'est la fin de rien, seulement de ton monde.
- Donc, je suis où, ici ?
- Dans l'entremonde. C'est un monde qui existe le temps que l'autre monde se vide des gens qui y vivaient.
- Ca veut dire quoi, ça ? Pourquoi ça s'est passé pendant le concert ? Qu'est-ce qui a fait que la fin du monde, c'était maintenant ? Où on est là ? Putain...
J'étais perdu. Les larmes commençaient à couler malgré moi. Je savais même pas pourquoi je pleurais.
- Tu sais, des mondes meurent tous les jours. Cependant, il y a des choses qu'on ne peut pas expliquer comme ça. Des choses qui ne devraient pas se produire, ou qui ne devraient pas pouvoir se produire. Mais elles se produisent quand même.
- Je comprends rien...
- Pour faire simple, c'est normal que ce monde-là ait disparu. Ce qui n'est pas normal, c'est...
- Ta gueule ! hurlai-je en me jetant sur le gamin pour le frapper.
C'était à peu près aussi puéril que stupide.
La gamin changea d'apparence. C'était maintenant le grand type en noir que j'avais vu chez moi deux jours auparavant. Il baissa légèrement son visage vers moi et me lâcha d'un ton sarcastique :
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Retrouver Solenne et les autres. C'est tout.
- Tu veux savoir ce qui est arrivé à ton monde ?
- Non, je m'en tape du moment que les autres vont bien.
- D'accord. Alors, j'te préviens, ça va pas être facile.
Il disparut.
D'un coup, sans effets spéciaux ni rien.
Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
Qu'est-ce que je suis censé faire ?
Trouver des réponses. Et les trouver là où elles sont.
Je me suis posé sur un fauteuil-canapé aux allures de pouf, juste à côté de la table basse. Elle brillait légèrement, et je doute que ça soit lié aux lumières de la salle.
J'ai pris ma basse (car c'est d'elle que je parlais plus haut) et je me suis mis à  jouer un truc, machinalement. Une arpège complètement improvisée.
J'étais dans un monde où chaque détail me dépassait. J'étais dans un monde où le temps semblait s'être arrêté. J'étais dans un monde où la masse ne grouillait plus. J'étais dans un monde où chacun avait succombé à son vide. J'étais dans un monde où je n'avais plus ma place. J'étais dans un monde où la seule personne qui ait jamais vraiment compté pour moi était aussi immobile qu'une statue de sel.
J'étais dans un monde où les apparences ne comptaient plus. J'étais dans un monde où je n'avais pas encore de place.
J'ai pris ma basse par le manche, en sentant un flux de chaleur me passer dans le bras. C'était plutôt agréable.
Je suis sorti de la cuisine plus calmement que je n'y étais entré. La masse des gens, du public, de la sécurité et des Pink Babies étaient toujours là .
Je me suis précipité au milieu de la scène.
Elle était toujours là . J'ai plongé mes yeux dans les siens, peut-être pour la dernière fois. Le feu de mon bras gagnait mon corps tout entier. Je me sentais bien. J'ai passé ma main libre sur sa nuque et je l'ai embrassée. Peut-être pour la dernière fois.
Ou pas. Ses lèvres me répondaient.
MaSolenneestpasmortec'estl'plusbeaujourdemavie.
On s'est échangé quelques phrases silencieuses comme ça, avant qu'une larme ne tombe et finisse sa course dans nos lèvres.
Elle s'est lovée contre moi et s'est mise à pleurer doucement. Sa peau, d'ordinaire si chaude, était froide comme une inspectrice d'auto-école.
Pendant que je la réconfortais, je sentais la chaleur se déplacer vers elle, et mon feu intérieur redoubler d'intensité.
- Je t'aime....
- ... Moi aussi, je t'aime.
Après cette discussion digne des plus grands films d'auteur (même si elle est toujours plaisante à avoir...), l'idée me frappa qu'il fallait sortir d'ici.
- Bon, il faut sortir d'ici.
C'était elle qui avait dit ça. Une sensation bizarre m'envahit. Plus qu'une sensation de déjà -vu. Un truc encore plus intime.
- Hé, regarde ta basse !
Elle brûle. Mais je ne ressens pas la chaleur.
Enfin, si, mais pas comme une chaleur agressive.
- C'est quoi, ça ?
- J'en sais rien, c'est la première fois qu'elle me fait ça.
- Il faut toujours une première fois...
- Ben voyons, j'men doutais ! C'était inévitable que tu me la sortes.
- De quoi tu parles, p'tit coquin ?
- De cette vanne !
Je vous fais la scène. Deux amoureux stupides en train de se taquiner, avec une basse qui brûle dans la main d'un des deux, le tout sur une scène remplie par des gens figés comme des statues de cire.
Un bruit tonitruant nous a ramenés à la réalité. La porte du Krakatoa était ouverte.
Sa main trouva la mienne et on est descendus de la scène. En traversant la salle pour atteindre la porte, j'ai été pris d'un sentiment étrange. Comme si on traversait un labyrinthe d'illusions.
Et quand les illusions seraient dissipées, il ne resterait plus que la vérité.
- Hé...
- Quoi ?
- Regarde !
Dehors, il neigeait. Et il y avait aussi d'énormes monstres qui sautaient partout. Une posture simiesque, un visage allongé, des yeux perçants et de gros bras musclés terminés par des griffes.
- Ils sont bizarres, les singes, ici...
- Ouais... tu l'as dit.
J'ai lâché la main de Solenne, pris ma basse enflammée à deux mains et senti le feu gagner tout mon corps.
- Wah. C'est chaud.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Ben parce qu'ils sont trop nombreux.
- Ils nous ont vus, là ?
- Je sais pas... On dirait qu'si...
- Ca craint le feu, tu crois ?
- Chais pas, c'est l'occasion d'essayer, non ?
Le nom de ma basse brûlait dans son dos. Je me suis mis en garde comme j'ai pu et j'ai balancé de grands taquets dans les bestioles qui s'approchaient. Suivant comment je tapais, les flammes faisaient de grands cercles autour de moi, ou sillonnaient le sol recouvert par la neige.
- Hé, mais c'est mortel, ça !
J'en avais déjà tué deux, et j'étais en train d'en calmer un troisième. Quand je sentais que d'autres s'approchaient, je faisais tournoyer ma basse autour de moi, et le feu qui s'en dégageait repoussaient les singes qui reculaient en hurlant d'un air menaçant. Je n'avais pas peur. Le fait que j'étais capable de faire du feu tout seul y était sans doute pour beaucoup.
J'ai balancé deux coups de toutes mes forces dans la tronche d'un des babouins maousse costauds pour le finir. Il avait sûrement fait de la pub pour Omo quand il était plus jeune.
Je me suis retrourné vers Solenne.
Elle avait disparu.
Merde.
Et il y avait un énorme miasme noir à la place.
Re-merde.
Les monstres se sont calmés. Une étrange musique emplit la rue. J'aurais pas été plus étonné si Solenne était revenue en tenant un canard en laisse.
Le feu se calma, puis s'éteint, et les monstres se retirèrent, plus ou moins doucement, comme s'ils étaient dirigés par la musique. J'ai mis ma basse sur mon dos, bien serré la sangle pour pouvoir me déplacer facilement, et je me suis approché du miasme.
Et j'ai atterri dans un magasin de musique.
          Â
Â
Ok, ma basse s'est trouvé un prénom, visiblement. J'suis plus à ça près.
Enchanté, mademoiselle.
Les battants de l'entrée sont fermés à clé. Bizarre, j'étais pourtant sûr qu'ils étaient tout le temps libres, pour permettre aux spectateurs de rentrer n'importe quand pendant le concert...
Bon, je suis parti dans la direction opposée, vers la porte de l'arrière-scène. Elle était fermée, mais la porte d'à côté était ouverte.
C'était la porte des chiottes.
Et merde.
Voilà pour le contenu des toilettes. Il y a une autre porte ouverte de l'autre côté de la scène, mais tant qu'à faire, j'essaie d'ouvrir celle-là .
Bloquée. Rah.
Un bon coup de basse dedans et le trou est suffisament large pour qu'on y passe tous les deux.
C'est la cuisine. Peut-être qu'il y a quelque chose de plus intéressant derrière l'autre porte ouverte, mais bon. Chaque chose en son temps...
Hé mais ! Y'a quelqu'un dans la cuisine !
C'est le petit Noir qui fait la bouffe.
- HEY !!!!
- AAH ! Tu m'as fait peur !
- Qu'est-ce que c'est que ce délire ??!!!
- Mais calme-toi ! Et ne la pointe pas sur moi.
- De quoi tu parles ?
- De ta guitare.
C'est pas une guitare, c'est une basse. Et j'avais même pas remarqué que j'étais prêt à lui en mettre un coup entre les dents.
- Qu'est-ce qui se passe ici ?
- Je croyais t'avoir prévenu : c'est la fin du monde.
- Non, c'est pas vrai...
- Si. N'aie pas peur.
- Hé, attends une minute... le mec dans l'appart, c'était toi ?
- Oups.
- C'était toi ? Mais t'es qui, à la fin ?
- Je te l'ai déjà dit. Je suis tout le monde et personne à la fois.
- Espèce de malade... Et t'existe pas, c'est ça ?!
- Mais si. Enfin, à ma façon...
- Haaaaaaaaaa... ma tête putain...
- Hé, ça va ?
- Ca irait mieux si tu m'expliquais ce qui se passe !
Il m'a tourné le dos, retournant à ses fourneaux.
Je suis resté planté là , ma basse dans la main, comme un con. Avec ma tête qui bourdonnait.
Après un moment de solitude, le môme se retourna vers moi avec un grand sourire et me tendit un kebab.
- Mange ! Tu as besoin de reprendre des forces.
J'ai posé ma basse sur une table (basse, elle aussi) et jai dévoré le kebab en trois secondes et demi. Délicieux.
- Merci. C'est vachement bon, tu mets quoi dedans ?
- Salade tomate mayo ! Rien de plus !
Il m'a fait un clin d'oeil.
- Bon, tu peux m'expliquer ce qui se passe maintenant ?
- J'ai essayé de te prévenir que le monde "réel" allait disparaître. Ce monde que tu connaissais n'était qu'une strate parmi tant d'autres. Et là , ce monde a disparu. Il n'existe plus. Les gens qui y vivaient sont maintenant dans d'autres strates. C'est la fin de rien, seulement de ton monde.
- Donc, je suis où, ici ?
- Dans l'entremonde. C'est un monde qui existe le temps que l'autre monde se vide des gens qui y vivaient.
- Ca veut dire quoi, ça ? Pourquoi ça s'est passé pendant le concert ? Qu'est-ce qui a fait que la fin du monde, c'était maintenant ? Où on est là ? Putain...
J'étais perdu. Les larmes commençaient à couler malgré moi. Je savais même pas pourquoi je pleurais.
- Tu sais, des mondes meurent tous les jours. Cependant, il y a des choses qu'on ne peut pas expliquer comme ça. Des choses qui ne devraient pas se produire, ou qui ne devraient pas pouvoir se produire. Mais elles se produisent quand même.
- Je comprends rien...
- Pour faire simple, c'est normal que ce monde-là ait disparu. Ce qui n'est pas normal, c'est...
- Ta gueule ! hurlai-je en me jetant sur le gamin pour le frapper.
C'était à peu près aussi puéril que stupide.
La gamin changea d'apparence. C'était maintenant le grand type en noir que j'avais vu chez moi deux jours auparavant. Il baissa légèrement son visage vers moi et me lâcha d'un ton sarcastique :
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Retrouver Solenne et les autres. C'est tout.
- Tu veux savoir ce qui est arrivé à ton monde ?
- Non, je m'en tape du moment que les autres vont bien.
- D'accord. Alors, j'te préviens, ça va pas être facile.
Il disparut.
D'un coup, sans effets spéciaux ni rien.
Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
Qu'est-ce que je suis censé faire ?
Trouver des réponses. Et les trouver là où elles sont.
Je me suis posé sur un fauteuil-canapé aux allures de pouf, juste à côté de la table basse. Elle brillait légèrement, et je doute que ça soit lié aux lumières de la salle.
J'ai pris ma basse (car c'est d'elle que je parlais plus haut) et je me suis mis à  jouer un truc, machinalement. Une arpège complètement improvisée.
J'étais dans un monde où chaque détail me dépassait. J'étais dans un monde où le temps semblait s'être arrêté. J'étais dans un monde où la masse ne grouillait plus. J'étais dans un monde où chacun avait succombé à son vide. J'étais dans un monde où je n'avais plus ma place. J'étais dans un monde où la seule personne qui ait jamais vraiment compté pour moi était aussi immobile qu'une statue de sel.
J'étais dans un monde où les apparences ne comptaient plus. J'étais dans un monde où je n'avais pas encore de place.
J'ai pris ma basse par le manche, en sentant un flux de chaleur me passer dans le bras. C'était plutôt agréable.
Je suis sorti de la cuisine plus calmement que je n'y étais entré. La masse des gens, du public, de la sécurité et des Pink Babies étaient toujours là .
Je me suis précipité au milieu de la scène.
Elle était toujours là . J'ai plongé mes yeux dans les siens, peut-être pour la dernière fois. Le feu de mon bras gagnait mon corps tout entier. Je me sentais bien. J'ai passé ma main libre sur sa nuque et je l'ai embrassée. Peut-être pour la dernière fois.
Ou pas. Ses lèvres me répondaient.
MaSolenneestpasmortec'estl'plusbeaujourdemavie.
On s'est échangé quelques phrases silencieuses comme ça, avant qu'une larme ne tombe et finisse sa course dans nos lèvres.
Elle s'est lovée contre moi et s'est mise à pleurer doucement. Sa peau, d'ordinaire si chaude, était froide comme une inspectrice d'auto-école.
Pendant que je la réconfortais, je sentais la chaleur se déplacer vers elle, et mon feu intérieur redoubler d'intensité.
- Je t'aime....
- ... Moi aussi, je t'aime.
Après cette discussion digne des plus grands films d'auteur (même si elle est toujours plaisante à avoir...), l'idée me frappa qu'il fallait sortir d'ici.
- Bon, il faut sortir d'ici.
C'était elle qui avait dit ça. Une sensation bizarre m'envahit. Plus qu'une sensation de déjà -vu. Un truc encore plus intime.
- Hé, regarde ta basse !
Elle brûle. Mais je ne ressens pas la chaleur.
Enfin, si, mais pas comme une chaleur agressive.
- C'est quoi, ça ?
- J'en sais rien, c'est la première fois qu'elle me fait ça.
- Il faut toujours une première fois...
- Ben voyons, j'men doutais ! C'était inévitable que tu me la sortes.
- De quoi tu parles, p'tit coquin ?
- De cette vanne !
Je vous fais la scène. Deux amoureux stupides en train de se taquiner, avec une basse qui brûle dans la main d'un des deux, le tout sur une scène remplie par des gens figés comme des statues de cire.
Un bruit tonitruant nous a ramenés à la réalité. La porte du Krakatoa était ouverte.
Sa main trouva la mienne et on est descendus de la scène. En traversant la salle pour atteindre la porte, j'ai été pris d'un sentiment étrange. Comme si on traversait un labyrinthe d'illusions.
Et quand les illusions seraient dissipées, il ne resterait plus que la vérité.
- Hé...
- Quoi ?
- Regarde !
Dehors, il neigeait. Et il y avait aussi d'énormes monstres qui sautaient partout. Une posture simiesque, un visage allongé, des yeux perçants et de gros bras musclés terminés par des griffes.
- Ils sont bizarres, les singes, ici...
- Ouais... tu l'as dit.
J'ai lâché la main de Solenne, pris ma basse enflammée à deux mains et senti le feu gagner tout mon corps.
- Wah. C'est chaud.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Ben parce qu'ils sont trop nombreux.
- Ils nous ont vus, là ?
- Je sais pas... On dirait qu'si...
- Ca craint le feu, tu crois ?
- Chais pas, c'est l'occasion d'essayer, non ?
Le nom de ma basse brûlait dans son dos. Je me suis mis en garde comme j'ai pu et j'ai balancé de grands taquets dans les bestioles qui s'approchaient. Suivant comment je tapais, les flammes faisaient de grands cercles autour de moi, ou sillonnaient le sol recouvert par la neige.
- Hé, mais c'est mortel, ça !
J'en avais déjà tué deux, et j'étais en train d'en calmer un troisième. Quand je sentais que d'autres s'approchaient, je faisais tournoyer ma basse autour de moi, et le feu qui s'en dégageait repoussaient les singes qui reculaient en hurlant d'un air menaçant. Je n'avais pas peur. Le fait que j'étais capable de faire du feu tout seul y était sans doute pour beaucoup.
J'ai balancé deux coups de toutes mes forces dans la tronche d'un des babouins maousse costauds pour le finir. Il avait sûrement fait de la pub pour Omo quand il était plus jeune.
Je me suis retrourné vers Solenne.
Elle avait disparu.
Merde.
Et il y avait un énorme miasme noir à la place.
Re-merde.
Les monstres se sont calmés. Une étrange musique emplit la rue. J'aurais pas été plus étonné si Solenne était revenue en tenant un canard en laisse.
Le feu se calma, puis s'éteint, et les monstres se retirèrent, plus ou moins doucement, comme s'ils étaient dirigés par la musique. J'ai mis ma basse sur mon dos, bien serré la sangle pour pouvoir me déplacer facilement, et je me suis approché du miasme.
Et j'ai atterri dans un magasin de musique.
Â
J'aime bien comme tu écris, c'est classe, bon, je m'y perds un peu dans les persos, mais ton histoire est pas mal du tout =)