BVI2. Pour rendre la fin du chapitre (encore ?) plus percussive.Voire carrément tout le chapitre, à vous de voir.
Soda énonce de nouveau à Kepa ce qui semble apparaître comme des vérités concernant le fonctionnement de l'autre côté. Un peu de philo / métaphysique /épistémo s'est gentiment caché dans ce chapitre. Rien de très violent pour le moment.
Bonne lecture !
Orjan.
___________________________________________________________________________________________________________________________________- Trop bon, une pizza !! Bien chaude, en plus !
Ce type a rien dans la tête ou quoi ? Il passe du sérieux au désinvolte en deux secondes.
Depuis l'annonce de notre rapport de force, on a marché que 10 minutes en silence. Après il s'est remis à déconner. On est tombés sur une pizzeria, il a poussé la porte tout content, et nous voilà .
Plus improbable, tu meurs en direct sur toutes les chaînes du câble. Un démon rouge sombre avec des stries noires sur tout le corps, torse poil mais imberbe, avec un grand sourire et des oreilles en forme de cornes. On dirait un costume d'Halloween. Et moi en face, partagé entre le blasage et l'énervement, je me sentais paradoxalement bien, en sécurité, apaisé.
Apaisé de la fin du monde, si jamais une telle sensation est possible.
L'éternel retour du même.
Cette phrase s'impose à moi, naturellement et inexplicablement. Comme si une partie de moi disait à une autre partie : "Arrête de faire ton blasé, si tu crèves ici et maintenant, t'auras l'air malin."
Conclusion : J'ai une partie de mon cerveau dédiée uniquement à la philo, et cette partie n'a absolument rien à branler de la fin du monde. Toute sensation de bien-être disparaît d'un coup.
Mes nerfs en bulle vont exploser. L'autre imbécile heureux comme un gamin de 4 ans devant sa première pizza n'arrange rien.
- Bon, c'est quoi ce merdier ?? Tu m'expliques ??
- En faitch'est assez shimpl. Maichaipasl'droitd'endireplusch.
- Finis de bouffer, je comprends rien ! T'es con ou quoi ??
Il m'a regardé strictement. Presqu'avec l'air déçu.
- Voilà , t'as ta réponse. Et je t'en ai déjà parlé. La seule solution pour mettre fin à l'incapacité des humains à communiquer, se comprendre et s'aimer, c'était de les obliger à faire face à leur nature profonde.
- Pas besoin de fin du monde pour ça. L'humain est violent et bestial de nature. Motivé par la peur. La haine.
- C'est plus profond que ça. Si tu creuses davantage, tu verras que l'humain est aussi bon de nature. Le paradoxe est là . D'anciennes bêtes en état et des sages en puissance à la fois. C'est pour ça qu'on vous a donné le pouvoir de choisir. Ca implique des responsabilités. On avait confiance en vous, mais vous nous avez trahis. On vous a pourtant donné plein de choses pour vous en sortir... Certains l'ont compris, la plupart non. D'où la fin du monde.
Maintenant laisse-moi finir de manger, ça va refroidir.
J'ai réfléchi assez longuement en le regardant. Avant le concert, j'étais pas comme ça. Plutôt le contraire, même. J'étais un mec sympa qui allait voir des amis jouer. Mais là , maintenant... je peux pas dire qu'il ait tort.
Il s'est mis à pleuvoir dehors.
- Génial, maintenant on est coincés ici pour un moment...
- Vois ça comme une occasion de discuter avec quelqu'un dont tu ne sais rien, a répondu Soda avec un de ces grands sourires de môme sage qu'il a tendance à afficher un peu trop souvent.
- J'ai pas le temps de t'écouter. Ni l'envie.
Je me suis levé, la pluie pouvait pas être plus chiante que lui. Même s'il a pas tort dans son grand discours. C'est cher à admettre, mais c'est un fait.
- Alors viens pas me demander pourquoi on a fait tout ça.
- T'es très drôle. Tu viens de me l'expliquer. Inhumanité irréprochable et part de pizza sur lit de paroles sybillines. J'ai compris le truc. Mais pourquoi nous détruire de cette façon-là ? A la prépa, t'as dit que j'étais peut-être mort. Pourtant moi je me sens vivant.
- Je croyais que t'avais pas envie de parler ?
Quel enfoiré.
- Réponds bordel ! crai-je en tapant du poing sur la table, me retrouvant d'un coup penché sur lui.
Il y a eu un éclair dehors.
- Premièrement, ton joli cure-dent démesuré apparaît pas encore à la demande, donc j'ai aucune raison de te craindre, jeune homme, a dit calmement Soda. Deuxièmement, on a pas détruit le monde. On a seulement mis fin au type de réalité que vous connaissiez.
Un éclair fait vibrer le ciel comme la terre et éclaire le visage de Soda.
- Les strates ?
- Exactement, c'est ce principe qui a pris le relais. Ca existait déjà avant, de toute façon.
Je commence à avoir mal à la tête.
- Et c'est quoi le but ?
- L'évolution de chacun. Puis la force du nombre.
Encore un éclair. Je me serais presque cru dans un jeu de piste de colo de vacances high-tech.
- Force ? Pourquoi faire ?
- Reconstruire. Repartir à zéro. C'est possible et très important. Mais il faut être fort. Chacun doit l'être.
- Les monstres qu'on a croisés jusque là , ils viennent de moi, c'est ça ? C'était moi, ces bestioles, pas vrai ?
- Pas exactement. Je peux pas en dire plus.
La pluie a cessé. Le tonnerre aussi.
- Alors qui a fait tout ça ?
- Karma. Et tout le monde à Shell Haven. C'était la dernière solution constructive.
- Et avant ça, vous interveniez dans nos vies.
- Oui.
- Pourquoi ?
- Parce que c'est notre raison d'être. Depuis le commencement de l'Univers. Nous faisons partie de l'ordre des choses.
Il s'est levé et à ouvert la porte, me laissant bloqué comme un gland les bras ballants dans la pizzeria. J'étais plus qu'un concentré d'inutilité au cerveau désespérément débranché.
- Allez, viens, il pleut plus maintenant.
Â