Jeudi 26 mars 2009 à 0:57


- Tu es sûre ?


- Oui. T'aurais dû le faire depuis longtemps, d'ailleurs.


- Je sais. Repartir pour me retrouver, tout ça...


- Ca serait jamais arrivé si tu t'étais pas foutu en tête d'aider une sombre conne comme moi. Mais t'es comme ça, quand t'as une idée en tête tu vas toujours jusqu'au bout de ton obsession.


- Commence pas. Tu sais bien que si j'avais pas été aussi obstiné je serais resté coincé là bas, la dernière fois.


- Ouais... t'es qu'une foutue tête de mule en fait !



Elle s'est mise à rire. J'ai eu un sourire de travers et je lui ai soufflé un "merci pour tout". Et un sarcasme à deux balles :


- Tu pourras pas m'entendre jouer pendant un moment. Ca va pas te manquer ?


- Tu seras encore meilleur à ton retour.



Quelle blague. Mais elle a raison.

Ouais... c'est la puissance du voyage initiatique, ça. Et je dois d'abord m'occuper de moi, évidemment.



- Au fait...


- Tu veux vraiment qu'on se prenne la tête avant que tu partes ?


- Tout a déjà été dit, je sais.


- Alors sois gentil et ne me prends pas pour plus autiste que je ne le suis. On doit d'abord se retrouver soi-même avant de retrouver quelqu'un d'autre. La seule chose qu'on peut faire pour le moment, c'est un concours de celui qui est le plus fragile et le plus paumé.


- C'est pas la classe. Mais on est obligés de passer par là.


- Voilà, tu le sais, je le sais, les lecteurs le savent, tout le monde le sait depuis le temps que tu le répètes ! Alors arrête de penser toujours aux autres. C'est touchant mais ça les empêche d'évoluer par eux-mêmes. Et toi aussi par la même occasion.


- J'avais raison. Tout ça vient de moi, pas de toi. Je suis mon propre vampire.


Elle s'est radoucie subitement. Cette particularité de passer de la tempête de feu à la douceur la plus pure m'étonnera toujours.


- Oui... Et c'est de même pour moi.



J'ai la preuve irréfutable que le scénariste est un fainéant doublé d'un génie.



- Je peux me sentir égoïste de partir ?


- Interdit. Ca voudrait dire que t'as rien compris.




Quand on pense trop on ne comprend plus rien. Et on oublie ce qu'on savait déjà.



- T'es fort. Tu vas y arriver.


- Tu diras ça quand je serai revenu.


Peut-être que là-bas j'aurai mes réponses. Celles que j'y avais cachées il y a plus ou moins un an. Ces mots qui étaient trop beaux pour êtres vrais, ces vérités trop pures pour être dissoutes par l'amer du mensonge, ces beautés qui s'imposent au coeur au tout début, avant même que les doutes ne rentrent en scène.


Peut-être que tout ça sera encore là.

Ou pas.


Quoiqu'il en soit plus rien ne me fait peur. Si la vie n'avait pas de sens, il n'y aurait pas de chemins. Et s'il n'y avait pas de chemins, il n'y aurait pas d'obstacles. Pas de perspective de renoncer. Pas de perspective de tout laisser tomber pour se remettre en cause.


A nu plutot qu'à vif.



Quand on se sépare du reste du monde, on se rend compte que ce qui est important est toujours là au retour. Que les trucs qu'on a perdus à jamais n'avaient plus de raison d'être. Que le temps perdu ne compte pas, car il nous rattrape quand on est prêt.


Elle m'a serré dans ses bras.


Il y a eu du silence. Le genre de silence qui hurle plus fort que les mots.
Il y a eu des larmes. Le genre qui se marie bien avec les sourires et qui délaissent la tristesse.


Plus de raison de regarder en arrière. L'épreuve du feu est une femme capricieuse qui n'aime que la vérité. Elle brûle le faux et sublime le vrai, l'inscrivant ainsi dans l'éternité.


Si à mon retour je retrouve rien, j'aurai quand même vu une explosion de lumière. Rien que ça vaut la peine d'être vécu.
Si au contraire, ce que j'ai trouvé est d'or, ça ne périra jamais. Et je retrouverai ce que j'ai laissé.


Je paraphrase honteusement mon livre de chevet, je prends ma Lenne avec moi et je monte dans le train.


Le contrôleur est étonnament grand. Il dit que j'ai bien fait de partir maintenant. Que la plupart du temps on ne choisit que le moment, jamais les étapes, mais toujours le cheminement.


Le destin et le libre-arbitre se complètent toujours. Jamais de domination, toujours un interdépendance, comme le yin et le yang. Ils se contiennent l'un l'autre. Comme les âmes soeurs, en amour, sans lesquelles la vie n'aurait pas de sens.


Je me demande qui est ce contrôleur. Je me demande surtout s'il dit vrai. Je doute. Mais j'arrive pas à avoir peur.


Je doute que ça puisse être trop beau pour être vrai. On vit dans un monde tellement matérialiste que c'est super dur de reconnaître toutes nos croyances limitantes pour les casser en deux. On nous apprend à ne pas croire aux rêves, aux trésors, au bonheur.


On nous apprend à pas écouter notre coeur, à fuir notre destinée pour se construire une existence sociale feinte.


Le contrôleur dit que nos croyances n'emmerdent que nous. Notre point de vue ne change pas la nature des choses. Seulement leur effet.

"Bon, d'accord, c'est déjà quelque chose", a-t-il reconnu.


Ouais. Le pire c'est quand tes croyances vivent avec des doutes et des certitudes. Là c'est grave le bordel. Angie appelle ça "le pauvre bordel de sentiments". Plus tu cherches à comprendre, moins tu y arrives.


"C'est sans chercher qu'on trouve", me rappela le contrôleur. "Lâcher prise n'a rien de lâche, justement. Au contraire, il faut beaucoup de courage pour accepter qu'on ne contrôle pas tout, et que chaque chose a sa propre liberté. Lâcher prise permet de restaurer l'ordre des choses plus rapidement. Lâcher prise permet au destin de mieux jouer son rôle."


Face à mon silence, il reprit : "Tu peux douter de tout, croire qu'il y a pas de destin, que ce monde n'est composé que d'aléatoire, de causes et de conséquences dont on ne peut pas connaître la source. Tu peux croire ce que tu veux, du moment que ça te rend heureux. Mais tôt ou tard, certaines croyances s'effondrent et d'autres se vérifient."


- Vous parlez beaucoup, pour un contrôleur. Normalement ils font la gueule ou alors ils nous forcent des sourires. Vous non. Vous êtes pas un contrôleur ordinaire.


- Je ne fais que contrôler les voyageurs, jeune homme.


Il m'a adressé un clin d'oeil. Bien sûr que j'ai vu le double sens, tu me prends pour qui ?


- Un peu d'humilité, jeune homme. Vous partez pour quoi ?


- Vous le savez déjà. Pourquoi demander ?


- Parce que votre réponse m'intéresse.


- Je pars me retrouver. Je pars réapprendre ce que j'ai oublié.


Il a souri. Un grand sourire franc et chaleureux.


- Un voyage linguistique, n'est-ce pas ?


- Exactement. Je pars réapprendre le langage du monde.


Il a souri à nouveau.


- Prenez place Mr Orjan.


Le train a démarré quand je me suis assis. Le contrôleur est parti.


"Veuillez rester calme". C'était écrit sur la fenêtre.


J'ai beau connaître le processus, ça fait toujours son effet de revoir des passages de sa vie par la fenêtre.



Mais cette fois-çi c'est différent. C'est la même situation, mais pas au même point. On ne s'en rend pas forcément compte, parce qu'on manque toujours un peu de recul.


Certaines choses sont tellement énormes qu'on s'en apercoit assez difficilement. C'est comme confondre un 8 avec un 0 parce qu'on a pas encore parcouru tout le chemin.



Quelqu'un a dit que "construire le futur et garder le passé vivant sont une seule et même chose".


Le passé contient le germe du présent, qui contient celui du futur. Le présent tire ses racines dans le passé et s'étend vers le futur. Le futur est l'accomplissement du présent.

Souvent j'ai envie de connaître ce qui va venir. Ce que je pourrai pas choisir. Les étapes et les buts du chemin que j'ai choisi.


On dit souvent que le monde est petit. C'est peut-être pour ça que tout est lié. Les coïncidences se cachent parfois dans l'envers du décor en attendant l'heure de leur entrée en scène.

Elles prennent leur temps pour s'accorder.


Fait chier, je vais devoir être patient...


En même temps ça me permet de partir m'affronter là-bas. Je vais peut-être me rendre compte que je m'étais planté. Ou au contraire que j'avais raison. Ou alors les réponses viendront plus tard. Sûrement même. Bien après mon retour.



- Vous êtes bruyant, jeune homme. Vous pourriez pas vous taire ?


J'ai sursauté et je me suis mangé la vitre du passé. C'était la voix d'une dame d'une cinquantaine d'années.


- Mais j'avais rien dit !


- Si les mots ne sortaient que par la bouche, ça se saurait ! Je croyais que vous étiez déjà venu ?


- Ben c'est le cas, oui.


- Vous avez bien fait de revenir. Ca prouve que vous avez un minimum de sagesse.


Je le prends comment ? Cette femme a l'air étrange, encore plus que le contrôleur, qui m'avait paru plutôt sympathique.
J'ai ravalé quelques sarcasmes et j'ai reporté mon regard sur le paysage.

Hier soir j'ai révé d'un cours de basse.



- Vous savez, jeune homme, que tout est lié.

- Heu, il paraît, oui.

- C'est pas "il paraît", c'est sûr. C'est pour ça qu'il n'y a pas de raison de s'inquiéter.


Plus ça va, plus j'en doute. Et c'est peut-être normal. Par contre cette dame... Ces yeux rieurs, ces cheveux fatigués, cette prestance...


- Janis Joplin ? Vous êtes Janis Joplin ?

- Tout juste mon petit.


Dans le train avec Janis Joplin. Mon rêve numéro 3 vient de se réaliser.


- Vous êtes pas censée être morte ??

- Bien sûr que si sweetheart. Autrement je ne serais pas là.

- Janis Joplin...

- Hé, c'est pas le moment de baver ! C'est 20 ans trop tard pour ce genre de choses !

- En même temps, vu l'état de ma libido, vous risquez pas grand-chose...

- C'est pour ça que tu pars, hein ?


Sa voix était devenue douce et chaleureuse.


- Ouais.

- Montre moi ton coeur, baby.


J'ai sorti Lenne de son étui.


- Vous allez rien entendre, j'ai pas d'ampli.


- Pas de "vous" avec moi. Don't make me feel so old !


Elle venait de mettre en exergue un joli paradoxe : Elle m'avait parlé jusque là en français sans le moindre accent.


- D'accord, mais tu vas rien entendre.

- Joue. On verra après.


Bon. J'ai plaqué un accord au hasard. Le son a empli le wagon à en faire trembler les murs. J'ai tiré une tête d'incrédule hémiplégique et Janis a éclaté de rire.


- You rock, baby !


- Arrête, je mérite pas...


- Tatatata... dis pas n'importe quoi, p'tit gars. Un "merci" suffit.


Je lui ai sorti l'intro de Summertime et elle a déchaîné sa voix d'or dessus.



- Tout est dans la confiance, sweetheart. Fais confiance à ton destin.


Je suis resté muet. Parler avec une superstar morte et omnisciente, ça fait toujours son effet.


- C'est pour ça que je pars.


- Tu me l'as déjà dit.


- Ouais, c'est moi le vieux, ici !


Elle a éclaté de rire. J'ai beau connaître le parcours, ça m'étonnera toujours.


- Et toi, pourquoi tu pars ?

- Je ne pars pas.

- Alors pourquoi tu es dans le train ?

- Parce que tu y es aussi.


J'ai dû tirer la tronche la plus invraisemblable de l'histoire des voyages initiatiques.


- Il fallait bien une vieille peau comme moi pour te rappeller que tu as la vie devant toi. Sois patient et aie confiance.

- Voui m'dame.

- Fear and pain are illusions and bullshit. Just keep that in mind.

- Yes m'am. I will.


Le train s'est arrêté. J'ai commencé à ressentir l'étrangeté de plus en plus. J'ai remis Lenne dans sa housse et je l'ai prise avec moi.


Je ne doutais plus, bizarrement. Je l'ai serrée dans mes bras et l'ai remerciée pour tout.


- Janis... Ce fut un plaisir.

- My pleasure ! Go now. You have a way to find back.

- I know. Anyway it'll be fine.

- Good.




Je suis descendu du train. J'étais dans le désert.

J'ai éclaté de rire. Ca faisait un bail...


Il paraît que les épreuves du feu c'est un peu comme des traversées du désert.






Je suis de retour en 2046.













Mardi 2 juin 2009 à 18:24

Salut vous, ça va ? Ca fait un bail hein ?



      Hé bah ouais. C'est d'ailleurs au milieu d'une période ô combien étrange que je vous écris, à base de doutes et d'indifférence blasée à la fraise et aux pépites de chocolat. J'ai même plus envie de fumer, c'est dire. Je commence à regarder le monde d'un air encore plus désabusé et décalé qu'avant, et ce manque de réaction me choque. J'ai plus vraiment de peurs, et je me demande si je suis pas en train de devenir une coquille vide. Ca m'étonnerait mais bon.




      J'en suis presque à compter mes émotions depuis quelques temps. The Fountain m'a touché et m'a offert quelques larmes et un peu de rire. Lost in
Translation, malgré son côté "film de bobos  rêvant d'évasion fait pour des bobos quincagénaires rêvant d'évasion et de contempler le cul de Scarlett Johansson, le tout à travers une relation limite discutable d'un point de vue moral", m'a bien fait rire, j'y ai retrouvé pas mal de beau monde. Il y a aussi quelques groupes de screamo qui m'ont touché (Sugartown Cabaret et Tang, pour en citer que deux. Allez voir leurs myspaces.) et les vidéos que j'ai postées précédemment (je vous conseille aussi la websérie "La vie à tue-tête", des gars en T-Shirt. C'est pas aussi énorme que "Pas facile d'être Sid Marcus", mais c'est quand même sacrément fort (mention spéciale à la scène d'infiltration en rollers... "Je reviendrai quand j'serai un homme ! Quand je mangerai cinq fruits et légumes par jour !"  Mythique...)


    
     Je crois que j'ai atteint le point où j'en ai marre de penser. Je suis enfin en train d'apprendre à laisser faire les choses...






Samedi 5 décembre 2009 à 19:04




http://mediaportal.ru/uploads/posts/2009-07/1247736314_sugartown-cabaret.jpg
 










Bonsoir jeunes pantoufles. Là où je suis, il fait sombre et j'suis dans un drôle d'état. Toujours vers la lumière.

Et le doc qui me demande de vous faire 7 aveux. 7 trucs inédits.

Moi non plus j'aime pas parler de moi. Attention, je me suis amusé à le faire avec des jolis mots par moments, pour changer. Et puis j'ai caché une blague.




1. J'avais les cheveux raides quand j'suis parti en Italie. Au retour j'avais la coupe de Screech dans Sauvés par le Gong. A l'époque j'écrivais déjà des histoires, dont toutes les bonnes idées se sont retrouvées dans Siko. Le personnage de Solenne, par exemple, à été "créée", en quelque sorte, il y a 5 ans.


2. Ma passion de la musique vient de l'enfance. Quand j'avais 5-6 ans, je demandais, en larmes, à ma mère de couper Bach parce que c'était trop beau et trop triste.


3. Ma passion du cinéma vient aussi de l'enfance. Sauf que là ça a été un bordel horrible. Leçon : même les échecs peuvent être la base de la réussite.


4. Je n'ai absolument aucun problème relationnel.


5. J'ai commencé l'an dernier à apprendre le Suédois. Mais je ne pourrai m'y remettre que l'année prochaine. Bon, ça, tout le monde s'en fout, alors, tant qu'on est du côté des études, beaucoup de gens croient que je suis en fac de philo ou de psycho (voire de socio), et personne me croit quand je dis que je suis en anglais.


6.
J'ai apparemment une tendance à mettre dans le mille qui fait chier beaucoup de monde. Y compris ma prof de phono, qui m'a gentiment engagé à appliquer des visions d'art Nietzschéennes à ma conception de l'emploi du temps. J'ai également une tendance au doute qui contrebalance bien cette autre propension précitée et m'a coûté, il y a quelques temps, une petite chute de cheveux (je rassure mes fans inexistants, je me suis soigné)

7. Il m'est arrivé pas mal de choses que la science peut pas expliquer. Ca m'a appris beaucoup de choses, et a aussi nourri certains doutes précités (je fais partie des personnes capable de douter de vérités avérées et expérimentables).


8. Inches.



http://img207.imageshack.us/img207/7229/rorschachj.jpg





Héhé, à la prochaine pour l'interview !


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