Lundi 20 février 2012 à 22:35

A COUNTRY FOR ROCKERS


Ah que wock'n'woll baby tonight





Le Blackroom. C'est ma première fois ici et je peux m'empêcher de penser à l'Amadeus en moins sophistiqué, mais avec une ambiance toute aussi classe. Après une longue journée entre pluie sur la gueule pendant la descente du cours de la Marne pour aller en répète et traversée de Boredom City dans la sueur de ladite répète, j'ai plus de jambes, plus de répondant, et 4 jours après j'ai plus de santé, d'où la tardivité de cette chro. Vous pouvez me jeter des CD de Bieber à la gueule, ça m'apprendra.


Arrive à temps pour les 4-5 derniers morceaux de Rave, qui finiront leur set sur une reprise d'Electic Six, Gay Bar, dédiée par Clément aux Riveredge.

Pour replacer le contexte, Clément était leur bassiste jusqu'à peu près l'année dernière. Depuis il a monté un nouveau projet, où il tend ses cordes vocales en groovant sur une guitare.


Rave est une groupe de fusion assez original, puisqu'à un rock/metal très lourd se mêlent des passages funky. Et ça envoie du steak, madame, malgré un bassiste débutant et un Clément qui n'aime pas les solos même s'il en met partout. Et heureusement, puisqu'ils viennent donner de la couleur à un ensemble qui serait terne sans eux. Gros manque de mélodie dans les riffs, mais c'est le style qui veut ça. Rave balance du gras et de la bonne humeur, et ça plaît. Clément fait deux-trois vannes, bouge le public, et tout le monde se marre. Pour un deuxième concert, c'est très bien. D'ici deux ans, ce seront de redoutables tueurs.

Mention spéciale pour Clément, après avoir été un bassiste basique mais efficace, il nous fait une reconversion réussie à la guitare et démontre déjà un potentiel pour affrimer un style spécial. Et ça, c'est rock'n'roll ma couille.

Après le délirastronomique Gay Bar, ils laissent la scène à Riveredge.

Ah, Riveredge. Mais Riveredge putain !

Aucun groupe ne respire la bière-pizza comme eux. Propres, apétissants, et pourtant délicieusement crades. 

Sweet Goodbye éclate au bout de quelques morceaux. Finis les échauffements, “shit just got real, here's the one deal”, dirait Alex, le chanteur-guitariste-Anglais-drôle-talentueux-sympa-beau gosse-humble-et-chiant de cumuler toutes ces qualités, t'es d'accord avec moi. Naturel en chant clair comme gueulé, il se permet même de grunter , sans s'arracher la gorge ni vomir dans le micro pour autant. Et puis il est grand, ce con. Et à l'aise avec son public. Un véritable enfoiré, donc.

Quand j'ai connu le groupe, c'est lui qui le portait tout seul. Là, tout a changé. C'est la frappe de Boris qui dirige tout le monde, Chris se tape pas mal de solos avec talent, du coup même s'il parle très fort on l'aime bien, et à la basse... Scotty putain.

C'est sa première fois ce soir, et pourtant j'ai rarement vu un bassiste aussi bon que lui. Dire qu'il n'a que 19 ans...


Globalement, il ne fait que des variations sur des pentas, mais hésite pas à se lâcher sur des descendes harmoniques absolument bandantes qui foutent la misère sociale à 80% des bassistes présents ce soir. Sans la pression de la première scène, il aurait été trop parfait, ce qui est un autre problème. Il est à lui tout seul une raison de les voir en live, même si sa présence scénique flirte avec mon niveau d'empathie.

0 absolu, ouais.

 

 

De leur côté, Chris et Alex se baladent pendant que leurs grattes se répondent, se complètent, et ça c'est beau putain.

Par contre ce dernier se ramasse comme une merde sur leur plus belle compo – et c'est pas peu dire, niveau ballades, ils valent amplement Scorpions -, qu'ils avaient pourtant annoncée de la meilleure façon possible. “Desfois on meurt le soir”, quand ton morceau s'appelle “I Died Tonight”, cest parfait !

 

 

Mais, au détour d'une descente de manche, c'est le drame. “On n'insiste jamais assez là-dessus, mais les pains, c'est quand même vraiment super dangeureux”, me dira-t-il plus tard, la tête dans une poubelle où il a atterri suite au vol plané conséquent à la perte de contrôle du manche de son instrument. C'est en héros fatigué, le dos courbé, avec des peaux de bananes et de yaourt dans les cheveux, mais la tête haute et l'oeil déterminé, qu'Alex remonte sur scène. / Après avoir bu pour oublier, Alex revient, héros fatigué au dos courbé, avec des peaux de bananes et de yaourt dans les cheveux, mais la tête haute et l'oeil déterminé.

"De toute façon c'est nul la guitare”, lâche-t-il avant d'écraser une casquette sur l'ecosystème qui se développe dans ses cheveux.

C'est l'heure de “She loves me not” de Papa Roach, que le groupe s'approprie tout en restant très proche du morceau original, sans oublier la partie rappée au flow de taré qui finit invariablement en bleubleubleuh avec un chanteur normal. Mais Alex n'est pas normal, il a des plantes mutantes sur la tête, alors tu respectes.

Malgré 2-3 morceaux chiants,Riveredge livre un set très équilibré et asserte un style mûr, inspiré par la scène post-grunge, de Staind à Alterbridge en passant par Three Days Grace, dont ils reprennent d'ailleurs un morceau, et évidemment les indétrônables Metallica, dont ils coverceptionnent leur reprise des Misfits, “Die, die, my darling”.

Plus que leur modernité et leurs influences néo, ils démontrent une tendance à l'expérimentation. Bien qu'encore faible, elle est présente, et rendue efficace par tout le travail de mise en place que démontrent leurs morceaux. Croyez que j'encule les mouches sans honte si vous voulez, mais un jour, le post-grunge sortira de sa sclérose, et ce sera grâce à Riveredge. Peut-être qu'ils vont se mettre aux accords de cinquième enrichis à la con, peut-être qu'ils vont agrémenter leur son de relents de screamo, peut-être qu'ils vont utiliser des nappes de son, peut-être même qu'ils vont jouer avec des ambiances et inventer le post-grunge progressif, j'en sais rien, mais en tout cas une chose est sûre, gardez ce nom en tête, un jour ils feront quelque chose de grand, même si c'est dans l'ignorance totale du public extérieur.

 

 

Orjan



RAVE + RIVEREDGE @ Blackroom, y'a pas longtemps.

Lundi 27 février 2012 à 21:31

On est tout aussi loin du club des 5 que de la Bibilothèque rose. Neto et Sonia (se) font la gueule, Solenne reste désespérément muette, lèvres serrées, regard fixe et tranchant. Et Seb... ben, Seb quoi.

On entend que le bruit des pavés sous nos pieds. Même Soda la fermait. Au bout d'un moment, alors que mon estomac menaçait de se retourner sous la pression, on a atteint le bar. J'avais envie de fumer pour espérer moins penser.

 

 

Deux gros battants de porte. Imposants, dominateurs. Neto les a ouverts d'un coup de pied retourné. Si j'avais su où ça nous mènerait...

 

- Ah, enfin ! Exulta-t-il.

 

J'ai pas eu la foi de sortir le moindre «hm» pour lui répondre. Les autres non plus. Il s'en foutait de toute façon.

 

Impossible de faire le tri. Trop de pensées. Faut que ça sorte, vite.

 

 

Solenne m'a devancé.

- Tu sens la clope et la sueur, chéri. Viens, on doit parler.

 

 

«Chéri». Ça sent bon. Ou pas. On va bien voir.

- Je sais, le cancer c'est pas la classe. D'autant qu'avec la fin du monde ça va être galère de trouver un doc-

 

 

Elle m'a attiré à elle et attrapé dans ses bras.
Ça sent super bon, ça, et je parle pas de son parfum. D'ailleurs comment elle s'arrange pour que ça tienne autant ?

 

- -teur...

 

- Shhhht... Tout va bien.

 

 

Elle délire ou quoi ? C'est la fin du monde, baby. On a des superpouvoirs mais on est coincés dans une ville fantôme où on met des heures à progresserr et c'est la PUTAIN DE FIN DU MONDE ! Serait quand même temps que quelqu'un le gueule bien fort, desfois que les autres aient pas remarqué. Ça fait quand même 33 chapitres que ça dure.

 


- Tout va bien, répéta-t-elle.

 

 

Tout va bien ? Sans déconner... Okay, je te crois. Les doutes, foutez le camp.

 

- J'ai beaucoup de choses à te dire, reprit-elle avant de m'embrasser.

 

 


Là, j'étais pas mal niveau doutes. Mais vraiment pas mal. La contradiction dans son plus bel appareil. J'avais pas touché le Paradis du bout des lèvres depuis un moment. Allais pas me plaindre non plus.

 

 

Elle a plongé ses yeux dans les miens.

 

- Dan, avant toute chose, je veux que tu saches que je t'aime, vraiment, et que rien de ce que je pourrai te dire ou de ce qui pourrait se passer n'y changera quoi que ce soit. A jamais et pour toujours.

 

 

Ouaaaais ! Allez, narrateur, fais péter les violons !

 

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Wah non, t'abuses là.
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Ah mais t'es encore là, toi ?


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Ben ouais.
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Ah. Et tu kiffes ?

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Ben ouais.
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Cool.

Ses mots traversaient ma conscience, balayent mes a priori, fauchent mes peurs et viennent habiter mon coeur.

 


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Ah ouais tu t'es vraiment pas foulé pour celle-là.
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Je peux pas prouver qu'elle a raison mais je le sais. Je le sens. Les doutes s'envolent mais la méfiance reste. Un peu.Je l'ai embrassée. Elle a prolongé le baiser. Longtemps. Un vrai délice.

 


 

 

On s'est dévorés des yeux avec un bruit de pression en fond. Neto était derrière le comptoir à remplir des pintes. Sans un mot, il en a donné une à chacun, puis a rejoint Sonia en passant derrière Seb qui discutait avec Soda.

 

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Allitération de badass, yeah !
_______________________________________________________________________________________________________Je

Je me suis retourné vers Solenne.

 

- Tu savais que tout ça allait arriver.
- Oui.

 


Bouche légèrement crispée. Elle prend ma tête dans ses mains, me donne un court baiser puis reprend la parole.

 

- Ma mère était... spirituellement très évoluée. Humainement, aussi. Elle savait qu'elle allait mourir, et a écrit tout ce qu'elle connaissait dans un livre que mon père m'a remis à mes 18 ans. Tu es dedans, si tu te poses la question.

 

- Moi ?

 

- Oui. Enfin, si on veut. Je savais pas comment on se rencontrerait, mais quand on a joué ensemble pour la première fois, j'ai su que c'était toi. T'as pas trouvé ça bizarre que je t'invite à la maison à peine une demie heure après t'avoir rencontré ?

 

- Non... Je pensais que t'étais juste un peu dingue, et ça me plaisait.

 

 

Elle a éclaté d'un sourire. L'impression d'avoir été pris pour un con et manipulé depuis le début commençait à me narguer sérieusement. Jme suis détaché d'elle pour une longue gorgée de bière et une clope. Elle a continué sans y prêter attention.

 


- Je savais que tu étais... différent.

- Alors pourquoi tu m'as rien dit sur la fin du monde ? Ai-je demandé doucement. D'un coup, je me trouve étrangement calme.

 

- Parce que je savais pas à quel point. Je voulais pas prendre le risque de te perdre. Pas toi. J'avais enfin trouvé au moins quelqu'un qui me correspondait. Peut-être beaucoup plus que ça, même.

 

 


Frisson. Elle en fait pas dix fois trop, là ?

 

 

We've got absolutely no relationship problem.

 

- Je t'ai aimé directement, reprit-elle.

 

 

C'est beau, ce qu'elle dit, n'empêche.

 


- Et puis, ma mère aurait pu se tromper... Tant que le réel était tel qu'on le connaissait, j'avais pas de raison de le croire ou de t'en parler.

 

 

Ouais, le coup du quotidien rassurant qu'on veut pas tester à grands coups de révélations. Ça aurait fait avancer le scénar, pourtant...

 

Je me suis étendu sur le banc, la tête sur ses genoux.

 


- T'as voulu me protéger. C'est pour ça que tu t'es voilé la face. Tu voulais pouvoir douter.

 

- Oui. Exactement.

 

- C'est bien.

 

- Je suis contente que tu comprennes.

 

 

J'ai fermé les yeux pour les rouvir tout de suite. Neto et Sonia se sont mis à crier. Dommage, pendant une fraction de seconde, je me sentais (parfaitement) bien.

 

 

Ils étaient déjà repartis à s'engueuler. J'ai soupiré et Solenne a remis ma tête sur ses genoux.

 


- Laisse-leur régler leurs histoires et surtout, n'interviens pas.

 

 

J'ai lâché un sarcasme à base de «Voui ma chérie...», mais j'avais aussi envie d'en sortir un à base de «Mais j'ai des pouvoirs maintenant !»

 


- Je me demande ce que sont devenus Auré et Pierrot. Et ce que Kepa est en train de faire. Il a sûrement cru voir Lola.

 

- Possible, a répondu Solenne. C'est marrant, je les ai jamais connus très proches.

 

- C'est parce qu'ils sont ensemble depuis longtemps.

 

- Plus que nous ?
- Bien plus, ouais.

 

- T'as pas peur qu'il finisse par nous arriver un truc similaire ?
- L'ennui, la routine ? Sol, même si un jour j'arrivais à me persuader que je te mérite, j'en serais pas malheureux pour autant. Ce serait plutôt l'inverse.

- T'es mignon... s'est-elle attendrie en me caressant les cheveux. De toute façon on verra bien.

Ouais, on verra bien... J'ai gardé le silence. Puis un truc m'a traversé l'esprit.

- Hey. On est faits l'un pour l'autre ?

- Quoi ?

 

- Je sais pas. Ta mère a peut-être écrit là-dessus.

 

- C'est le cas. C'est vrai. Mais je préférais te le cacher et voir ce qui se passait. Vérifier.

 

- Ca c'est de la confiance.
- Oh ça va, tu vas pas commencer !

 

Elle éclate de rire. Je suis heureux. Je retrouve enfin la fille que j'aime, débarrassé de tout doute et de toute pensée sournoise et parasite.

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L'esprit peut être autant un guide qu'un traître.
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Neto et Sonia se sont encore remis à se gueuler dessus. Seb et Soda supportent et observent. Putain, l'amour vache, ça doit coûter super cher en neurones.

 

J'ai levé ma tête des genoux de Solenne, croisé son regard ahuri et sa bouche ouverte. Me suis retourné vers Neto et Sonia en train de voler au ralenti, soufflés par l'explosion soudaine de la double porte du bar à laquelle étaient invraisemblablement adossés une fille aux cheveux blonds foncé et un mec avec une énorme épée dans la main, qui ressemblait sacrément à Kepa.

 

Le tout soufflé par l'explosion, dans les copeaux de bois en suspension dans l'air. Avec la dynamique que ça implique.

 

 

Projection de deux femmes et deux hommes à travers porte de bar en slow motion. Démonstration empirique de la relativité intrinsèque de l'espace-temps.

 



Yeah baby.


Jeudi 1er mars 2012 à 1:13


Bon alors, comment on arrête ce machin ? Tentons le gros coup de sourd de haut en bas sur la tête.

- Accroche-toi, j'te promets rien.

Là, un peu de doute et d'appréhension saupoudrent les yeux de Lola.

Le canidé dragonoïde sans ailes mais aux dents longues réagit mieux que prévu. Il s'affaisse de tout son poids et s'effondre dans la rue avec tout le fracas que ça suppose. Des morceaux de pavés volent un peu partout autour de nous, autour de moi pendant mon vol plané, aussi. J'ai été éjecté deux mètres plus loin, ma lame s'est plantée en premier -avec moi toujours au bout- et j'ai eu l'air super fin l'espace d'une seconde ou trois.

Lola, elle, est descendue tranquillement.

Hé ben pour la scène classe, on repassera. Mon quart d'heure de gloire est pas pour maintenant.

- Bon ben voilà, c'est là, bredouillai-je, un peu gêné, voire humilié.

Elle s'est approchée de moi, m'a caressé le visage en murmurant "T'es adorable". Elle m'a embrassé et on a rapidement été interrompus par un râle.

Et merde. Volte-face, vite. Non, pas comme le film. Récupérer l'épée lourde et se mettre en garde en le moins de temps possible.

Lola m'avait couvert avec ses gros sorts de bourrine. Eclats noirs et violacés en HD 16/9. Les projectiles de tout à l'heure étaient des croquettes pour chat à côté. Ca lui a collé une branlée qui l'a envoyé sur le Krakatoa à plat dos. Des morceaux de béton de tailles variées s'écrasent un peu partout. La parodie de King Kong aurait pu être plus subtile.

Amas de rage et de frustration, le béhémoth a chargé. J'ai à peine eu le temps d'enserrer Lola dans mes bras pour la protéger que mon corps fit l'expérience de la rotation à 360° à grande vitesse. L'entropie n'est plus très loin, ça devrait faire marrer Dan, tiens.

Pas le temps de réfléchir davantage, deux secondes plus tard, mon dos prend de quoi te sortir une thèse empirique sur la dangerosité des portes de bar.

Lundi 12 mars 2012 à 0:33



Soda a levé un sourcil et j'ai mis deux cigarettes dans ma bouche. Le bruit de flamme a été assourdi par le fracas des portes du bar. Un gigantesque monstre ruminant de colère coupait toute retraite. Epique. Kepa et une fille que j'ai cru reconnaître comme Lola - pas évident dans la poussière et les copeaux de bois encore en lente lévitation - étaient étalés dans un coin.

Me suis approché de mon meilleur ami et lui ai posé la clope dans ses lèvres entrouvertes. La rage montait.

- On est pas dans un film de gangsters, grognai-je, alors tu vas pas mourir.


Il a souri, le visage en sang. Nos bras se sont agrippés et je l'ai levé. Vive le nouveau monde, avant j'en étais difficilement capable. On a tiré sur notre clope en silence et en même temps, comme des frères face à l'adversité. 

Personne ne parlait. Personne n'avait l'air très étonné non plus. Lenne a brûlé quand la rage a déferlé en moi, vannes grandes ouvertes par sais pas trop quoi, probablement cumul d'incompréhensions et douleurs, surtout au moment où Solenne allait enfin tout m'expliquer. 
Putain d'injustice. Pensées tournent, reviennent, tournoient, virevoltent, moquent, frappent, lacèrent, rient, retournent, transpercent, jouissent. Les effacer. Les cramer. Brûler l'illusion de la pensée. Plus de contrôle.

Kepa et moi nous sommes jetés sur la créature comme un seul homme. 

Les comptes ont été réglés rapidement. C'était quand même quelque chose de le voir dans une situation pareille. Rien à voir avec le Kepa que j'ai toujours connu. Fort, stoïque, sans peur. Impressionnant. 

On a frappé, on a tranché, on a fauché. 
Le monstre torché s'est effondré sur le côté sans presqu'avoir pu nous toucher. Tout ça me paraît foutrement arrangé. Yeah.

Et Kepa bien trop fort. J'ai eu l'impression de savoir rien faire, et d'avoir servi à rien ce coup-ci. J'ai donc fait une roue de feu, pour la peine, la forme et le style. C'est qu'après que je me suis rendu compte que c'était ridicule. Les regards blasés des autres ont aidé.

En silence, Neto est allé remplir d'autres bières, et on s'est tous assis à la même table.

Plus de tensions, pour le moment en tous cas. Juste l'harmonie et la paix.

Solenne a fini par briser le silence.

- Il faut qu'on parle. Il faut que je vous parle à tous.


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Les vagues de l'univers bercent ma conscience à mesure que je voyage. Je pense à eux, je sais qu'ils pensent aussi à moi, la seule chose qui me manque vraiment c'est ma guitare. Je sais pas où je l'ai laissée.

A tous les coups elle est encore sur scène, mais quelle scène ? J'ai déjà vu plusieurs réalités, contenant chacune leur propre version du Krakatoa, parfois vide, parfois plus ou moins remplie par des groupes de gens, dont certains qui me rappelaient vaguement quelque chose. Je voyais de la peur, de la perte, de l'errance, mais aussi de la joie, de l'espoir, de la foi.

Je voyage à travers des strates superposées, toutes aussi réelles les unes que les autres. Je m'infiltre, j'observe sans un mot. 
Rien à dire de plus beau que le silence, je me contente de suivre le flux de mes pensées, et c'est ce que vous êtes en train de lire.

"La fin du monde était la bénédiction que tout le monde attendait."

Cette phrase s'imprime dans ma tête sans que je puisse savoir d'où elle vient.

Je suis invisible, plus léger que l'air, en suspension dans le vide, en ascension ou en apensanteur ou en n'importe quel autre terme qui résume au moins à peu près ça. En tous cas j'en ai toujours rêvé. J'observe tout en me demandant si je peux agir, et comment, et cette idée me fait sourire.

Puissant.

Jouissif.

J'entends des voix dans les vagues, les voiles, les couches d'énergie qui ondulent un peu partout au-dessus et autour de moi. Pas l'ombre d'une peur. 

Le mot "artefact" est dans ma tête depuis le début et n'en ressort pas. Je sais pas pourquoi je fais ça, mais je veux le faire, et j'irai jusqu'au bout. Je veux retrouver la guitare que j'avais ce soir-là.

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La copine du bassiste chaud des burnes a pris la parole. Elle s'est mise à développer des concepts tordus qui pourraient bien sortir des bouquins des Témoins de Jéhovah.

La tête dans les mains, je me force à la fermer. C'est pas le moment de foutre (encore) la merde. 
Remarque mon pote, avec tout ce qui s'est passé depuis que je te raconte mon histoire, elle aurait raison que ça me paraîtrait presque logique.

Bordel.

Gorgée de bière salvatrice. Dan, passe-moi ton doigt, je veux fumer.

Il me faudra deux minutes pour transformer la pensée en paroles. Une peur me vrille le ventre et ma main au cul d'Allumette-Man qu'elle est pas irrationnelle.

Solenne -car apparemment c'est son nom- venait de sortir que la fin du monde avait été prévue depuis ce qu'on considère comme des années.
Des dizaines d'années, peut-être. Que si on était là, que si on EN était là, c'était le destin.

J'ai fini par réussir à desserrer les dents.

- Dan, passe-moi ton doigt, j'ai envie de fumer.

- Je réagis assez mal aux ordres, Brad Pitt. Apprends le respect, ça peut servir, grogna-t-il.

- Woh, du calme, mon grand. J'ai pas insulté ta mère.

Un poing a tapé sur la table et on a tous les deux eu droit à une décharge électrique right to the bide.

Dan m'a tendu son majeur-briquet en tirant la tronche. One again, dude !

- Merci, mon pote.

Il s'est un peu détendu. D'habitude les gens réagissent rarement comme ça. 

- Alors, miss, c'est quoi notre destin ?

- De le trouver. J'en sais pas plus.

- RAAAAH ! Génial ! 

La plupart des autres a râlé avec moi, Dan y compris.

Le démon rayé, Soda de son prénom, si j'ai bien suivi, ne disait rien. Sonia non plus, et le beau gosse ténébreux aux ailes d'ange optionnelles et intermittentes, pas mieux.

- T'as pas plus sybillin ? a-t-il fini par dire.

- Parce que bon, t'encules un peu les mouches en plein vol, là, lâchai-je en écho.

- Je fais que résumer un bouquin que j'ai pas écrit, a-t-elle répondu d'une voix douce mais tranchante. (Je te laisse imaginer le rendu.) Si tu crois que j'en sais plus que toi, tu te fous le coude dans l'oeil jusqu'au doigt.

- Non, c'est l'inverse en fait.

Dan, c'est pas le moment de la ramener...

- JE DIS COMME JE VEUX ET TU COMMENCES PAS !

Qu'est-ce que je disais ?

- Et voilà, manquait plus que ça. L'engueulade d'amoureux sur fond de fin du monde. Et les autres, là, mais dites quelque chose, bordel ! 

- On te laisse parler, t'as l'air inspiré.

Sonia. Sale pute, tu viens de me perforer l'estomac.

J'ai descendu le reste de ma bière

- Vous connaissez pas votre chance, les gars, ai-je dit en les regardant droit dans les yeux et en bloquant de la main gauche la baffe prévisible de Sonia. 
Faut arrêter de croire que tout ce que je dis est méchant et vicieux, ajoutai-je à son encontre. Comme l'a dit la brune électrique tout à l'heure, c'est pas en se foutant sur la gueule qu'on arrivera à quelque chose. Si on veut avancer, on doit d'abord grandir. Ca marchait déjà comme ça dans le réel, mais on a tous fait de la merde, et le destin a décidé de ça, lâchai-je avec un grand geste embrassant la pièce, et par extension, notre nouvelle réalité. Parce qu'il y a un destin, et jveux bien le croire si ça sort de la bouche d'une fille qui a dans les tripes assez d'énergie pour t'alimenter une ville jour et nuit. Et puis bon, c'est pas comme si y'avait qu'elle, hein. (En continuant à parler, je suis allé me resservir une bière.) Ca veut dire que chaque chose qu'on a vécue, chaque choix qu'on a fait, chaque décision prise, subie ou respectée, a contribué à nous amener ici. 

-J'crois que la façon dont elle l'a dit était mieux, a dit Mickey l'Ange. 

On l'a tous regardé sans rien dire.

- Croyez-moi et croyez-la, on est pas là pour rien, reprit-il. Sinon je serais mort.

Nouveau silence.

Soda a fini par prendre la parole. 

- Y'a du mieux les dromadaires, mais c'est pas encore totalement ça.

- Allez, maître Yoda, raconte-nous tout, lâchai-je.

- J'en ai déjà dit beaucoup à notre ami, dit-il en désignant le défonceur de portes du menton.

Il n'a rien dit. Il était crispé.

C'est Solenne qui a suivi.

- D'abord se trouver soi-même, pour pouvoir retrouver le monde ensuite. Pour ça va falloir se battre, se dépasser, et se donner sans compter. Comme dans la vie.  Mais je peux pas vous dire qu'on y arrivera à tous les coups.






Mardi 13 mars 2012 à 1:01

On était en train de débattre pour savoir ce qu'on allait faire quand un détail a attiré mon attention. Ma veste, en fait. A côté du bar.
Ce qu'elle fait là, aucune idée. Ni depuis quand elle y est. Mais c'est pas comme si l'étonnement faisait encore partie de mes capacités. Je me suis levé et m'en suis approché, un peu perplexe malgré tout. Tous les détails ont du sens, mais pour celui-ci, mystère. Mon coeur a loupé un battement et doublé le suivant. Il y avait marqué
FAITH sur le dos. Pas d'odeur de marqueur, évidemment, ça aurait été trop simple. En passant le doigt dessus, pas la moindre aspérité, comme si cette inscription avait toujours été là. Juste à côté de la veste, une boîte ambrée, en fer, marquée Australia. Mon coeur fait rondade-flip-salto arrière. Je la reconnais, elle appartient à Pierrot. Je l'ai souvent vu y ranger ses médiators ou des trucs moins légaux dont la morale judéo-chrétienne réprouve l'achat et la consommation. Bien envie de l'ouvrir, mais pour la première fois, je sens monter en moi la honte de n'avoir que finalement assez peu pensé à mon guitariste sans m'être réellement demandé s'il était pas là, quelque part dans cette strate. Tout se mélange et s'embrouille dans ma tête. Je frappe de toutes mes forces sur le bar, nique le comptoir et ma main avec. Le feu tourne un coup et me la remet en état en deux secondes. Nuque baissée. Fixe les débris qui traînent encore par terre. Je suis pathétique. En fait de superhéros, je suis qu'un loser égoïste avec des superpouvoirs qui me paraissent bien anecdotiques comparés au vide qui m'enserre de l'intérieur.

Je m'allume une clope et retourne ma tête vers les autres. Ils me regardent comme un monstre de foire. Suis presque en train de chialer, la boîte en fer tombée à mes pieds et ma veste dans la main.

Genoux à terre, tremblant que trop peu.
Prostré au sol, face à ma propre faiblesse, cendre de ma force aussi vite gagnée que perdue. Volutes de fumée dans l'air, parfum de tabac, de cèdre. Je relève les yeux pour croiser ceux de Solenne. Je voudrais y lire de la compréhension, mais j'y arrive pas. Je suis un enfant, comme l'amour. Juste au-dessus d'elle, un porte-manteau soutient un casque audio dont le propriétaire fait aucun doute. 

Je me suis levé pour aller le chercher. Une fois mis autour de mon cou, j'ai pris la parole.

- Je suis stupide, pathétique et ignorant, et je viens probablement de vous apparaître comme fou. Ou complètement con. Je dois me défaire de tout ça pour continuer avec vous, et pour ça, je dois retrouver Pierrot.

Je suis pas sûr que ce soit vraiment moi qui ai dit ça. Je suis pas sûr non plus que ce soit ma voix. Mais ce qui est dit est dit, devant les regards dubitatifs des autres.

- Peut-être qu'après ça, ajoutai-je en regardant Solenne droit dans les yeux, je pourrai m'estimer digne de toi.

Là, j'étais déjà un peu plus sûr que c'était moi qui parlais. 

Je me suis dirigé vers l'escalier, au milieu de la pièce. Mon esprit s'est éclairé, pas mal d'élements se sont mis en place, peut-être grâce à l'ambiance chaleureuse que les murs de bois poli donnaient au bar. Un p'tit effet "Chocolat chaud après le ski". Ou la pluie.

-C'est ici que j'ai revu Siko après la fin du monde. 

Et selon lui, Solenne sait beaucoup de choses. Forcément plus que ce qu'elle a déjà dit. Ca blesse. Mais je peux pas en parler. Pas maintenant. Me demande pas pourquoi mais je le sens.


Et j'ai repéré un changement dans l'expression de Soda.

- C'est aussi là qu'il m'a donné les fioles que Sonia a bues. Il y a des portes en haut. J'en ai utilisé une en arrivant ici. Vu que Soda persiste à rien nous dire, je pense que son rôle était de nous amener ici pour ouvrir ces portes et voir ce qu'il y a de l'autre côté.

- J'ai vu Siko, moi aussi.


La voix de Solenne me transperce le coeur en avant et en arrière. Jaloux ? Invraisemblable, ouais... 

- Où ça ? demandai-je, les jambes quand même un peu tremblantes. 

- Quand je suis entrée dans le miasme. Après que tu m'aies défigée.

Et soudain la sale sensation que j'étais parti pour regretter ça. 

- Je me suis retrouvée dans une autre strate et il était là. Un monstre est arrivé et on a pris cher. Je sais pas ce qu'il est devenu.

Okay, donc toi tu me caches encore plus de trucs que prévu.

- Et tes pouvoirs, tu les as eus quand ?

- Dan, on a pas de temps, dit calmement Seb. 

- Je veux savoir ! clamai-je bien fort, sans l'effet "caprice" que je m'imaginais à entendre sortir de ma voix. Des flammes commencent à parcourir mes bras et je sens quelque chose de nouveau monter en moi.
Garder le contrôle... Garder le contrôle, merde... Par dessus tout.

- Je les ai eus juste après, a-t-elle répondu sans s'énerver ni flipper. Le monstre m'a plongé dessus. Je te l'ai raconté, ça, en plus, quand on s'est retrouvés. J'ai cru mourir, j'ai fermé les yeux, et quand je les ai rouverts, j'étais dans une cage. Là, j'ai entendu de la musique, et j'ai fini par me rendre compte que je pouvais me la jouer transformateur EDF.

Une partie de moi la croit sur parole, une autre trouve que ça se tient, une troisième est pas du tout convaincue, et une quatrième pense qu'elle avait déjà ses pouvoirs dans le réel.

Raah, mais tuez-moi les kids.

Solenne s'est approchée et ses yeux ont rencontré les miens de la même manière que nos corps. Elle m'a enlacé doucement et donné un long baiser.

- Super, fin de l'épisode, tout le monde est content, envoyez le générique ! sarcasma Neto.

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Ouais, desfois il invente des verbes. Et si ça vous plaît pas il vous emmerde.

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- J'ai toujours cru que celui que vous appellez Siko existait que pour moi. Que c'était une création de mon esprit.

Tous les regards se sont tournés vers Seb. Il reprit.

- J'avais des visions assez apocalyptiques dans leur genre, depuis plusieurs années. Et ce type, en plus de me guider dans la vie assez régulièrement, me disait des trucs à propos de mes visions qui semblaient assez logiques.

- T'es un prophète, quoi, dit Sonia.

Là pour le coup y'avait de l'étonnement dans l'air. Seb parle rarement autant. 

- Vous voulez pas savoir ce qu'il s'est passé pour moi depuis la fin du monde, lâcha-t-il comme un écho à mes pensées.

Mes pensées qui me disent de plus en plus fort à quel point Solenne me ment.


- Bon, on ouvre la porte où on s'met une mine ? lança Neto d'une voix joyeuse mixée d'amertume.

- J'vais reprendre une bière... lâchai-je en laissant mes yeux traîner dans le vague.

J'ai bien l'impression tenace d'être le seul à pas tenir la route, ici. On est tous marqués par ce qui nous arrive, d'une certaine manière, même sans cette espèce de relativité émotionnelle qui semble régner ici, mais je me sens vraiment comme le faible et le sensible de la bande. J'ai envie de me laisser aller, mais c'est pas le moment. Conviction pour bloquer peur. Bloquer incertitudes, appréhensions aussi.
Un détail m'a traversé l'esprit.

- Personne est encore allé aux toilettes, vous avez remarqué ?

- Pas con, siffla Kepa entre ses lèvres qu'il avait pas desserrées depuis un moment, à part pour vider son verre.

- Vous venez d'arriver ou quoi ? s'est moquée Lola. Toutes les règles physiques sont complètement différentes ici.

C'est marrant, c'est la première fois qu'elle l'ouvre et j'ai déjà envie de la frapper. Rien n'a changé depuis le réel. 

Neto m'a devancé :

- Ca, merci, on sait. Mais si on va plus aux toilettes, comment tu veux qu'on évacue ? Soit on va tous mourir d'ici 3 jours, soit Dieu existe, ou au moins quelque chose qui y ressemble suffisamment pour modifier notre métabolisme.

Dieu existe. Cette inférence commence à se faire une place dans les esprits, on dirait. Personne ne l'a contredit. Et si y'a un endroit qui nous permettrait d'en avoir le coeur net, contre toute attente, c'est bien ici.

- J'ai bien envie de savoir, dis-je après avoir vidé mon verre et claqué son cul contre le bar.

Mon regard a balayé la pièce et les regards serrés de mes compagnons. Je me suis dirigé d'un pas aussi assuré que possible vers ma basse, l'ai sanglée sur mon dos et ai pris l'escalier. En haut m'attendait une porte marquée d'un étrange symbole.

- Et vous ? leur lançai-je depuis la mezzanine. Ca vous intéresse ?








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