Vendredi 12 novembre 2010 à 22:31

Yo, les kangourous.


C'est avec la honte du retard que j'honore ma promesse. En effet, le 21 octobre dernier (ouais, ça va, je sais que je suis vraiment à la bourre) se tenait la messe du renouveau du Rock en France. Rien que ça, et j'exagère à peine. Dans un monde où le moindre combo qui n'est ni un énième clone de Noir Désir, ni hype avec la pauvreté musicale corollaire, ni un râmassis de fils à papa jouissant uniquement de la fortune/notoriété/des relations (rayez mention inutile, s'il y a) du patriarche papounet (Oui, j'ai une dent contre l'iniquité. Et vous ?) se fait rare comme un cheval bon marché dans un sophisme résolu, un concert qui vous fait frissonner de plaisir prend vite des allures de révolution musicale.


Et aussi vrai que le terme Post-Rock n'induit en rien le glas de la musique divine, le Rock'n'Roll n'est pas mort. Et il en est très loin.


On va commencer par parler des Starsheep Groovers, qui, bien que nés sous le signe du Funk, montrent des tendances résolument rock, voire même metal par moments.


Faut dire qu'ils partaient pas haut dans mon estime, avec un myspace - à l'époque- rempli en tout et pour tout d'une seule chanson, longue, sans feeling, digne d'un groupe de potes qui découvrent que le funk, ça groove. Bref, j'étais un peu remonté de les voir en premier alors que je venais pour Rendez-Vous.


J'avais tort, comme dirait John Locke. Mais cent fois tort.


Des morceaux bien structurés, un groupe qui se prend pas tant au sérieux que ça, un bassiste qui fait le canard en te combottant la face de lignes slappy bien senties et qui ne connaît pas la notion de "pain" (à mon grand dam), un chanteur /danseur /mangeur de bananes, un guitariste aussi discret que doué (c'est pas peu dire, croyez-moi), un batteur qui tient plus que la route, et un claviériste très complice avec le quatrocordiste font des Starsheep un groupe attachant et sacrément intéressant. Beaucoup de potentiel, l'influence évidente d'Infectious Groove, le côté "venez avec nous dans une autre galaxie, vous verrez, on est sympas, on vous ramène sur Terre après"; tout ça m'a beaucoup plu, puis conquis. Et je suis loin d'être le seul, à en juger par le cri du public.


Ils ont beaucoup tourné sur Bordeaux, récemment, et ça se sent. Haut niveau technique, peut-être récemment atteint, mais on s'en fout. Ca groove, ça founke, ça défoule, ça déboîte, bref, c'est très bon. Seuls deux morceaux m'ont soûlé, la faute à des lignes de basse trop similaires, et à moins de feeling que dans les autres morceaux, lesquels ne se gênent pas pour bourriner comme on aime, taper là où ça fait du bien, au fond des tripes, nous embarquer dans une danse de couleurs chaleureuses et joyeusement dingues, où les maîtres mots sont le fun et le style. D'ailleurs ils tentent même le saut périlleux des morceaux en français. Pas évident de garder la percussion des mots anglais, ni la classe de cette langue si musicale, pourtant, même s'ils reprennent la langue de Macbeth pour le refrain, le défi est relevé. Chapeau bas les gars.

PS : Je suspecte Lyv de faire la voix sur l'intro de Space Monkeys. Affaire à suivre.

La salle est bien vite chauffée, et c'est aux Rendez-Vous qu'incombent la lourde tâche de garder le niveau et de prendre le soin de la flamme.



Et là, c'est le drame. Pour ceux qui espéraient une nouvelle ère où la suprématie musciale seraient détenue par Fun Radio. Pour ceux qui voudraient avoir raison en disant "Ouais, t'façon l'rock est mort" ou une autre connerie aussi  vide de sens. Pour ceux qui voudraient voir la musique rentrer dans des étiquettes absurdes.


De nouveaux morceaux, je crois. Un nouveau niveau, aussi, depuis l'Amadeus.

Kriss est définitivement un de mes guitaristes préférés, un type humble et hyper sympa dont le niveau musical ne cesse d'augmenter. Encore plus de feeling que la dernière fois, des solos très nombreux mais pas envahissants, chacun joué comme s'il était unique, chaque note résonnant comme si la suivante n'était qu'anecdotique, bref, une plongée dans l'instant présent comme peu de groupes savent le faire.


Le jeu du batteur est toujours aussi clean, aussi sobre, aussi propre. J'ai trouvé son son sec, contrairement à celui de l'album, mais ça passe très bien dans les deux cas. Ca colle bien avec le jeu précis et sans fioritures du bassiste, qui place de très bonnes mélodies, réhausse le rythme quand il faut, mais pourrait bien prendre plus de place. En tous cas c'est pas moi qui m'en plaindrai, au contraire.


Le chanteur-guitariste a calmé son jeu de scène (je dis ça de mémoire), mais sa prestation n'en perd rien en intensité, les garçons voudraient toujours bien lui ressembler et les filles continuent de rêvasser sur les mots qui sortent de la gorge grave du jeune briscard, qui, les yeux à moitié fermés, me donne bien l'impression de vivre son texte plutôt que de vouloir faire mouiller ma copine. Bon, il y arrive quand même, mais dans l'ensemble, on s'en fout. Faudrait que j'aie l'occasion de lui parler pour savoir quel degré il accorde à ses mots.
En tous cas, ce type qui me semblait, suite au concert de l'Amadeus, prétentieux, m'apparaît maintenant plus dévoué à la musique qu'à son ego ou l'opinion des gens sur lui. J'espère ne pas me tromper la-dessus.


Des cuivres, dont un très jeune saxophoniste montent sur scène le temps de quelques morceaux, et le Blues du groupe se retrouve mâtinée de sonorités Gospel, Rythm & Blues, soulignés par une deuxième basse, en slap, jouée par le claviériste.


Orgasmique. Même moi qui suis pas fan de ces deux derniers genres, j'ai sacrément pris mon pied.


Mais le meilleur est à venir, les amis.


Un morceau. Le morceau. Un final sans précédent ni jeu de mots. Le groupe se met à nu, plus de retenue dans le partage en live musical. Virage sans cordes vocales, les deux guitares s'envolent, à peine retenues par une basse ailée venant de décoller de la batterie, qui tarde pas à rattraper le reste du groupe. Je suis en transe, je vole avec eux, je suis propulsé à une vitesse inconnue par la vibration divine, j'attrape au passage quelques arguments suffisants pour étayer les conceptions religieuses de Kriss, et je passe à la strate suivante. A ceux qui croient que la drogue, c'est bon, j'assure que le rock, c'est mieux.


Les bluesmen ont tout donné, avec le sourire et la concentration d'une bande de pros. Rendez-Vous en live, ça ne se manque pas, mes lapins. Humilité et simplicité semblent être les maîtres mots de l'esprit du groupe, là où leur musique s'avère riche et complexe. D'ailleurs, l'album Stolen Memories, comme un bon Bordeaux, met du temps à révéler sa saveur.


Sorti de ma transe, je vais prendre Kriss dans mes bras, comme un gamin, en le remerciant pour ce moment intense de rock, vrai, honnête, franc, sans compromis ni faux-semblants. Seul défaut : une grosse rupture de feeling à un moment, en plein milieu d'un morceau, que le groupe répare unanimement en l'espace de quelques secondes -et un break de batterie, si je me rappelle bien.


En un mot, Enorme. Le must aurait été une occasion de m'en griller une avec l'homme au visage caché par ses cheveux, mais bon. Rien à jeter dans leur set, rien de rien, même pas le gros pain.


Les Sweat Baby Sweat investissent le playground à leur tour. Ca me fait bizarre, à moi qui ai connu le batteur dans le bus à l'époque des ET Comes From My Ass et de la grande heure de l'Estran, de les voir comme ça. Je les connaissais sur CD, les ET comme les Sweat. Et en live, c'est une autre histoire. J'aurais sans doute plus kiffé si j'avais écouté leur dernier disque. J'en veux pour preuve l'effet procuré par "Where is the blues ?" Ca envoie sec, les kids !


Malgré un show inégal, le mix Rock/Punk façon "Come here and jump" où les mélodies ricaines se voient remplacées par une urgence garage fait son effet. Claqué par la baffe atomisante de Rendez-vous, j'ai encore la tête qui tourne, picorée par des embruns cosmiques, et je suis là sans l'être. D'où peut-être mon impression d'inégal. En tous cas, les Transpirants me ramènent sur la terre ferme par moments, grâce à leur sens aigu de la rythmique, qui prouve qu'on peut rester simple pour envoyer du bois. Et faire "Whoo-hoo" sans s'appeller Blur ou avoir l'air ridicule. Le feu est maintenu. Ca passe bien, voire même très bien. Sur Speach on the pitch, Bud se la joue Jack Black, la verve incisive, façon bons gros morceau de heavy. Le titre part sur des teintes garage punk, réhaussées parfois d'un arpège bien senti. Les années lycée + un peu de maturité, ça donne toujours pas de musique sérieuse. Et c'est ça qui est bon.


Pas sérieux ne veut pas dire pas carré, ni faux. Les choeurs sont très bien gérés (ça se voit bien sur leur myspace, d'ailleurs.) et la structure musicale, si elle est simple, n'en est pas pour autant bâclée. Le final un poil expérimental de Speach prêche en ma faveur. Des punk-rockers basiques mais ô combien efficaces d'ET, ils sont devenus les Sweat, intégrant plein de nouvelles influences (allez, pêle-mèle, et au hasard, citons Danko Jones, QOTSA, les Unco et Georges Moustaki.) et ayant atteint le niveau nécéssaire pour donner à un film comme Kaboom la musique qu'il mérite sur certaines scènes. Cool, puissant, simple mais pas si basique, fun et festif sans être stupide ni taillé pour passer sur NRJ, voilà comment je vois l'entrée du protégé de Spielberg dans l'âge adulte. Quand je pense qu'il vient de mon cul, j'en suis tout ému.


Un concert de qualité mitigée (même si Black Jesus et Sweat baby roxxent du poney façon pâté en croûte) mais un groupe que j'aurais plaisir à revoir en live et qui pourraient bien me surprendre. Je l'espère, et j'avoue que je me sentais bizarre, un peu comme si c'était ma faute de pas avoir pu profiter à fond de leur prestation, d'autant qu'a entendre leurs morceaux en ligne, tous les éléments semblaient réunis pour me permettre de leur faire une chronique parfaite. Un peu déçu, donc, mais à revoir prochainement.












LIENS :





RENDEZ-VOUS :

http://sphotos.ak.fbcdn.net/hphotos-ak-snc1/hs118.snc1/5188_1165606893794_1036554818_30573815_794186_n.jpg















































http://www.myspace.com/rendezvous33






SWEAT BABY SWEAT :


http://sphotos.ak.fbcdn.net/hphotos-ak-ash1/hs484.ash1/26508_396287048352_105267978352_3885861_8158668_n.jpg

http://www.myspace.com/sweatbabysweatmusic



Mentions légales : Ici, seul m'appartient le texte. Les propos tenus n'engagent que moi et les photos sont les propriétés de leurs auteurs respectifs.
Ce sont les groupes qui m'ont laissé taper à loisir dans leurs photos Facebook. Si j'ai violé une règle ou enfreint une loi, merci de me signaler l'abus, que le puisse le corriger au plus vite.

Pub subliminale : Ces groupes défoncent, courez les voir, et après, venez me dire que j'ai été un peu dur avec les Sweat, qu'en fait ils cassent tout en live. Ca me rassurera, et j'y tiens. Un excellent concert, en tous cas.



Jeudi 21 octobre 2010, Boredom city, Bègles-Terres Neuves, BT 59, STARSHEEP GROOVERS/ RENDEZ-VOUS/ SWEAT BABY SWEAT.




Orjan.









Mardi 21 décembre 2010 à 20:59

Oui, je sais oui. Le dernier chapitre date de Août dernier et ma dernière contribution de Novembre. Mais j'ai pas chômé entre temps. A vue de nez, une dizaine, voire quinzaine de chapitres attendent patiemment d'être retapés et mis en ligne, et l'histoire avance de plus en plus dans mon gentil petit esprit torturé des doigts de pieds en éventail.

Voici donc la suite de Freaks are back in town.

Dans laquelle on se bat et où Neto essaie d'être drôle.


Bonne lecture

Orjan

____________________________________________________________________________________________________________________



J'ai tapé tant que j'ai pu. Sa glace est une véritable armure et je brûle pas, moi. Je suis assez rapide pour pas craindre de mourir, mais en même temps, je contrôle absolument pas la débauche de lumières noires et blanches qui se manifestent quand je frappe.

Je jette un coup d'oeil à Dan. Le pic de glace ne dégèle pas. Merde.

Je me prends une baffe qui me fait voler. Chute douloureuse. 1-0. J'me relève. Remise en jeu.

Trouver une astuce. Vite. Une pluie de grêlons gros comme mon poing s'abattent sur ma gueule. Ca fait mal. Elle sourit.

Que ferait Humphrey Bogart face à une telle femme fatale ?

Il se comporterait comme un mufle, sauf si c'est Lauren Bacall. Encore que...

La fille ne parle toujours pas. Sa bouche a l'air gelée dans une attitude sardonic. J'aime pas ça.


Bon, je fais quoi alors ?

Quand on sait pas, on improvise. Je saute sur le côté pour éviter une boule de glace particulièrement énorme. M'explose par terre sur le côté et me relève en me massant le flanc. Elle rit, et pour la première fois depuis un moment qui me paraît comme une éternité, je ressens la peur me vriller les tripes au coeur de ces rues que je connaissais pourtant si bien. Je regarde le ciel noir qui semble avaler littéralement le peu d'espoir qui restait en moi.

Ma main en sueur s'aggripe avec véhémence à la poignée de mon sabre. Je me redresse complètement.

Même pas la force de lui sortir une connerie pour garder la face.

Une énorme boule de feu sortie de nulle part a percuté la fille de plein fouet, qui s'est écrasée au sol, inerte. La masse incandescente s'est développée et a révlé mon nouveau pote, accompagné de sa copine à 4 cordes.

Il lui manquait plus que le sourire Aquafresh pour que sa pose face "superhéris ténébreux et sarcastique torturé mais stylé de films pour adolescentes de 15 ans."


Pour l'impro, on repassera, mais pour le cliché, on est carrément bons, là.

- Mec, t'en fais limite trop, là. C'est pas comme ça que tu vas allonger de la minette.

Il a souri.

- Au moins, celle-là elle dort.

- T'as fait comment ?

- J'en sais rien. Je peux faire ça aussi.

Il a disparu dans une colonne de feu pour réapparaître derrière moi.

- Mais ça sert à rien, reprit-il. Je suis à la rue, vu comme tu m'as avoiné tout à l'heure. Deux fois de suite, en plus.

Ouais, n'empêche que sans lui, je serais peut-être pas en si bon état à l'heure qu'il est. Tiens, d'ailleurs...

- T'as vérifié son pouls ?

- Merde, non...


On s'est approchés doucement de son corps, desfois que...

Sa peau est glacée, mais son pouls régulier. Elle dormait.


Sonia.


- Au fait, qu'est-ce qui s'est passé avec Sonia ?

- Rien... Elle a craqué, c'est tout.

- Ouais... Normal en même temps. Tout est tellement bizarre depuis qu'on est là. Désolé pour tout à l'heure.

- Y'a pas de soucis, je comprends. J'aurais sans doute fait la même chose, t'as pas à t'excuser. Je dirais que t'es venu ici pour elle. Par contre je sais pas d'où. T'es un pote de l'espèce de clown ?

- J'sais pas de qui tu parles, répondis-je. Et puis j'ai pas de pote travelo.


Je lui ai raconté ce qui s'était passé pour moi après le concert. La fille, l'armurerie, le monde figé. Lui aussi m'a raconté. Sa copine bizarre, les monstres, la cafet, Sonia, le singe Free Hugs, le tram fantôme, et pour finir, Sonia qui se met à pleurer ici et s'endort.

Je trouve tout ça ironique et lui paye une clope. Il nous les allume en soufflant dessus.


- T'as l'air d'avoir été proche de Sonia pendant un moment.


Je sais pas quoi lui répondre. Un "Tais-toi et fume" serait malvenu. Et puis il m'a l'air sympa.


- Je suis un mec à but. Tu peux pas test.

- Oh si, a-t-il éclaté de rire.


Une belle brune est arrivée. Son regard a croisé celui de Dan, mais avant qu'ils aient pu faire le moindre pas l'un vers l'autre, un type au physique irréel s'est pointé avec un autre mec à ses côtés.


- Salut tout le monde ! Ca roule, vous vous en sortez ?


Le mec à côté de lui avait l'air blasé. L'espèce de démon en pantalon a rangé les trompettes.


- Mademoiselle-Messieurs, l'heure est grave.


Un autre mec nous a rejoints. Des cheveux noirs jusqu'au menton, un bouc, et un drôle de regard. Un T-Shirt Kill'Em All, aussi. Le bassiste et sa copine ont eu l'air super contents de le voir.







Mercredi 22 décembre 2010 à 0:19

Dans lequel il n'y a pas de paratexte.

Bonne lecture.
Orjan


__________________________________________________________________________________________________________________


On a fait les présentations. Le type châtain à la coupe de beau gosse tombeur avec qui je me suis battu avant de discuter avec s'appelle Neto. Il a refusé de dire son vrai prénom. Il y a aussi Kepa et Soda, une espèce de démon qu'il a trouvé dans un bar, au corps strié de rouge et noir; Sonia qui dort toujours, Seb qui ne dit pas grand-chose, Solenne et moi.

On a des trucs à se dire, tous les deux. Mais c'est visiblement pas le moment.

Soda nous a parlé du clown de tout à l'heure. C'est un démon, lui aussi, qui s'appelle Sorel et avec qui tout le monde n'est pas d'accord.

- Tout le monde ?

- Oui, tout le monde à Shell Haven. C'est une institution qui a sa propre strate et qui s'occupe de tout régler dans le réel, ainsi que dans les autres strates.

- Vous gérez nos vies ?

- En quelque sorte.

- Ca veut dire que tout est écrit alors ?

- J'ai pas dit ça. Mais c'est compliqué, on verra ça plus tard. Garde en tête qu'on a toujours le choix, et que c'est pour ça qu'on en est là.

Il nous a expliqué le système de strates. Des réalités parallèles que la fin du monde permet à tous d'atteindre, et qui, de toute façon, font intrusion d'elles-mêmes dans ce nouveau monde réel. D'où les monstres.
Pour équilibrer ça, Karma, le boss de Shell Haven, a décidé de débrider les humains pour qu'ils évoluent plus vite. D'où les pouvoirs.

Les humains ont été rassemblés par groupes dans différentes strates, qui ont toutes pour point commun et plaque tournante le Snowbar, là où Kepa a rencontré Soda.

Ca faisait sens, mais des questions restaient en suspens. Où est Pierrot ? Où est Aurélien ? Liés comme on était, tous, ça serait plus que logique qu'on se soit retrouvés plus ou moins vite dans cette nouvelle réalité. Mais, au moins pour le moment, c'était pas le cas.

Le vent a commencé à secouer doucement les feuilles des arbres. Si la ville n'avait pas été si vide, on aurait pu douter que quoi que ce soit s'était passé.

- Je sais pas pour vous, ai-je lancé, mais perso j'ai quelques questions à poser à ce Karma.

Avant que les autres aient pu répondre, Soda a pris la parole.

- C'est pas le moment. Vous avez tous des choses à régler d'abord.

__________________________________________________________________________________________________________________

Et toi aussi.

Ah ouais, c'est moi, le Narrateur. J'suis revenu. Coucou.

__________________________________________________________________________________________________________________


Grand moment de solitude. Merci Dr Pepper.


Solenne disait rien depuis qu'elle était revenue. Affluence de questions sur la voie principales. Très fortes perturbations sur les canaux mentaux et émotionnels. Que sait-elle ? Pourquoi a-t-elle l'air cent fois moins étonnée que nous tous ici réunis ? Peut-être que ses pouvoirs lui font le même effet secondaire que les miens au niveau du blasage compulsif de fond. D'ailleurs c'est quoi ses pouvoirs ? Et puis surtout, qui est-elle vraiment ?

- J'propose d'aller au bar, a dit Neto.


Une musique calme, mélodieuse, post, ambiante, s'est levée doucement, à ma grande surprise comme à celle des autres. Surprise qui s'est encore accrue quand Solenne a levé un courant d'air chaud du bout de ses mains, qui est venu soulever Sonia. Elle ressemblait plus que jamais à une ange endormie.

Neto a ramassé ses dagues, les a foutues à sa ceinture, et on est partis tous ensemble, en suivant Kepa.

C'est là que j'ai calé un truc. Ce bar, je le connaissais aussi. C'est là que j'avais vu celui qui a choisi de s'appeller Siko.

La musique montait en puissance depuis un moment. La magie du progressif emplissait nos oreilles et nos coeurs à mesure qu'on marchait. Et collait parfaitement avec mes réflexions, qui pour une fois me satisfaisaient.

Sans pouvoir l'expliquer, je sentais que Siko avait un rôle prépondérant et très particulier dans tout ça. Peut-être le grain de sable dans la machine. Peut-être le vrai héros de l'histoire. Il m'avait donné de petites fioles que je dois encore avoir dans ma poche.

Yeah dude.

- Sol, descends la demoiselle, s'il te plait. J'ai peut-être de quoi la réveiller.

Elle l'a posée dans les bras de Neto, qui s'est avancé sans surprises.

A peine le temps de faire tomber quelques gouttes sur ses lèvres que Sonia se réveille, hurle, et fout un énorme coup de pied dans la gueule de Neto.

La suite appartient à l'Histoire.




Mercredi 22 décembre 2010 à 0:49

Un chapitre écrit cet été, comme beaucoup de ceux que je poste en ce moment. Celui-là a la particularité d'avoir été écrit avec une envie de clope croissante et seulement 3 morceaux, dont un (le deuxième) écouté en boucle pendant sans doute plus d'une heure.

Maybeshewill / To the skies form a hillside. Puis Not for want of trying. Et ensuite He films the clouds - Part 2.


Il peut être intéressant de le lire en écoutant ces morceaux dans l'ordre, avec un peu de chance ce sera raccord.

36ème chapitre...

Dans lequel on parle émotionnel et sentimental, sous plusieurs perspectives. Où on reste cool malgré tout. Enfin, on essaie. Seul Neto semble taper haut dans le coolitudomètre. Les experts pensent que l'auteur s'arrangera pour que les autres persos le rattrappent via des remontées dans le classomètre.

Dans lequel un lecteur attentif retrouvera un retour aux fondamentaux : Du clin d'oeil comme à la vieille (qui a dit belle ?) époque.

Dans lequel je me suis fait chier pour vous livrer un chapitre intéressant, drôle et touchant. Un bon chapitre, tout simplement. A vous de me dire si c'est le cas où si j'ferais mieux de retourner sur mon ouvrage remettre mon métier une fois de plus.

C'est la fête, bonne lecture.

Orjan


__________________________________________________________________________________________________________________



- TOI ! Mais c'est pas vrai, qu'est-ce que tu fous là ! J'en reviens pas... Je t'avais dit que j'voulais plus jamais te revoir ! C'était pas clair ?!

- Hé, du calme. Y'a prescription depuis le temps.

- Ca veut pas dire que je t'ai pardonné.


Neto a commencé à argumenter, et je suis allé vers Solenne. Elle peut dire des milliers de choses, qui m'apaiseraient ou me tortureraient l'esprit de fond en comble dans les deux cas.


- On parlera au bar. Je préfère qu'on soit au calme.


Mauvaise pioche. Welcome to the jungle of the prises de tête. "Je préfère qu'on soit au calme"... Pfff, n'importe quoi... Comme si ce qu'elle a à me dire me fera péter les plombs.


Bon, tant qu'à faire, je vais te résumer ce qui s'est passé depuis que Sonia s'est réveillée et a donné sa chaussure à manger à Neto en gage de tendresse. Ca me calmera peut-être.


Déjà, elle a toussé, le liquide dans les fioles doit être bien hard. Ensuite elle a commencé à s'énerver et a répéter en boucle les mêmes phrases. D'après ce que j'ai compris, Neto est un psychopathe qui a tout fait pour la retrouver.


Je comprends ce qu'il ressent.


Les filles veulent un mec romantique, et quand elles l'ont, elles en veulent plus ou se sentent plus à la hauteur. L'attention les étouffe. Quelle que soit la quantité que tu leur donnes, c'est toujours trop ou pas assez. Et ce, même quand ça marche avec la personne en question. Je sais de quoi je parle.



Kepa m'a sorti de mes pensées.


- Mec, j'ai un truc à faire, je reviens.


- Ca marche, mais t'éloigne pas trop. On se remettra en route dès qu'ils auront fini de s'engueuler, dis-je en montrant du menton notre couple improbable en puissance.


- T'en fais pas pour moi. Je sais où est le bar, et je peux me défendre, dit-il.


Il leva le bras en l'air et un gigantesque sabre tomba du ciel pour se planter devant ses pieds. Il le sortit d'une seule main. Impressionnant.


- J'te fais confiance.


On s'est checkés.


- Fais gaffe à toi.


- Toi aussi.


J'ai défait la sangle de ma basse et me suis accroupi en la prenant dans mes bras. J'ai respiré un grand coup. La musique devenait pensante. Tension.


__________________________________________________________________________________________________________________


Je suis sûr que c'est elle. Je reconnaîtrais cette silhouette entre mille. Je m'éloigne de plus en plus du groupe et me dirige vers la ruelle où j'ai cru la voir.


La ville semble menaçante à mes yeux emplis de doutes. J'en étais à craindre que ces ruelles sinueuses puissent nous avaler, elle ou moi.


Mon coeur bat à tout rompre pendant 5 interminables minutes. Je suis plus en état de réfléchir correctement. Depuis le début, j'étais sûr qu'elle allait bien. J'avais surtout tout fait pour ne pas y penser. Peut-être que finalement je ne l'aimais plus, aussi. Je sais pas. Plus je m'approche, plus je suis désarmé, impuissant, faible. Gêné, comme si au fond de moi il m'était presqu'égal de ne plus la revoir, considérée au fond comme une amie de longue date perdue de vue, quoique colocataire de mon appart.


Le paradoxe temporel du sentiment. Pour moi en tous cas.


- Hey ! Je te cherchais. J'suis contente, je t'ai trouvé assez vite.


Lola. Je l'ai prise dans mes bras et on s'est serrés de toutes nos forces. J'arrivais pas à parler tellement j'étais heureux. Soulagé. Je sentais au fond de moi que je l'aimais au moins à nouveau. Chaque atome d'elle me percutait, véhiculant l'idée que mes sentiments avaient vraiment agi comme de pathétiques imbéciles, que passer ces années à ses côtés étaient la plus belle chose qui m'était arrivée en toute une vie.


Pourtant, le sourire que j'affiche me paraît un peu mince, bien frêle, en parfaite inadéquation avec le bonheur qui m'emplissait l'âme à ce moment là.


Je suis un Freak de l'émotion et du sentiment. Je vois pas d'autre explication.


Je me force à la serrer davantage contre moi, à respirer fort pour lui donner une chance de croire que je pleure au moins à moitié.


__________________________________________________________________________________________________________________



- La dernière fois qu'on s'est parlés, je voulais plus te voir. CA N'A PAS CHANGE DEPUIS !  Martela Sonia comme elle sait faire, avec cette voix sèche et déchirante qui donne envie au pire badass de se cacher six pieds sous terre pour appeller sa maman sans que ses potes le voient.


- Laisse-moi une chance..


Neto était ferme, mais pas impératif.


- NON !


- De m'expliquer. C'est pas vrai, tu laisses jamais les gens finir leurs phrases.


Joli salto arrière, mec. Mais il lui en faudra plus.


- Hey, les amoureux ! a coupé Solenne d'une voix inhabituellement tranchante.


Ca, par exemple, c'est pas mal du tout.


- RAAAAAAAAH !!!


Et ça, c'était Sonia. Nul besoin de le préciser. Neto se marrait. Rien d'étonnant non plus. Profiter de chaque petite victoire, même si c'est au fond qu'une bribe de victoire, est important. Peut-être même plus que ça, d'ailleurs.


- Vous règlerez ça au bar. Même si on trouve rien à boire, je veux pas le savoir. Mais le premier qui lève le ton, c'est moi qui le calme, assenna-t-elle, le corps parcouru d'électricité.


Les deux se sont à peu près calmés.


Sébastien, qui avait pas ouvert la bouche depuis son arrivée -à part peut-être quand on l'a pris dans nos bras, mais on s'en fout de toute façon- m'a tapé sur le bras.



- Je sais que je paye mon cliché en disant ça, a-t-il dit de sa voix grave et profonde, mais on a de la visite.


Des ailes transparentes sont apparues dans son dos, et nos regards ont tous convergé vers lui, même si on commence tous à être vaccinés niveau bizarreries ici.


Comme celle devant nous, tiens.


Un machin massif à la tête fine et allongée, sans yeux mais à la bouche imposante -beau contraste avec la tête- et des bras plus épais que nos corps, a rugi un bon coup.


- J'vous regarde faire, a déclaré Soda.


Il se fout de nos gueules ou quoi ?
Je sais qu'on est quasi-insensibles à la peur, mais merde, on est pas à la hauteur d'un monstre pareil !


Neto jouait nonchalament avec sa lame.


- Question, a-t-il fait. Il a pas d'yeux mais est-ce que ça nous permet de dire qu'il est aveugle ?


Il s'est pris un coup de coude de Sonia. Ca doit être sa manière de dire "C'est pas le moment de faire de la philo, et encore moins de l'épistémo".


- Hey, mais c'était pas bête, pourtant... Bourrine, va.


- Du calme, a soufflé Solenne, concentrée, les yeux fixés sur le monstre, les lèvres raides, légèrement écartées.


Sonia a avancé vers le monstre d'un pas plus qu'assuré et lui a hurlé un "DEGAGE !!" retentissant.


Puis elle a échangé sa place avec celle de Neto qui s'est pris un revers à assommer un lion.



- Génial, maintenant j'suis énervé, a-t-il râlé en se relevant, après être resté quelques secondes au sol. On règlera ça tout à l'heure, miss, a-t-il ajouté en se retournant vers Sonia, le sabre sur l'épaule, tout en désinvolture en contraste à la rage vengeresse qui habitait la demoiselle.


Mon coeur battait à tout rompre, d'excitation. Pulsion de violence. Désir de justice. Je sens que ce monstre est plus que ce comme quoi il apparaît. Je ne suis que sensations et ressentis. Mais l'adrénaline ne monte pas.


- Ecoutez quand je vous parle, a dit calmement Solenne. Vous l'avez provoqué inutilement. Maintenant c'est nous tous qui allons en payer les conséquences. Mettez vos egos de côté dans ce genre de situations.



Faut dire que la résistance de Neto est étonnante. A bien y réfléchir, ça doit faire partie des règles physiques de ce monde. Ou être un corollaire de nos pouvoirs.


Sébastien a déployé ses ailes et d'étranges ondes lumineuses allongées, en forme de plumes, sont parties à une vitesse incroyable sur l'étrange appartion.


Neto était déjà au corps-à-corps, esquivant la plupart des coups et parant ou déviant les autres avec son sabre. Il passait la plus grande partie du temps la tête en bas.


Solenne se chargeait en électricité et je pouvais pas m'empêcher de trouver ça sacrément sexy.


- Et toi, tu fais quoi à part téléporter les gens ? lança-t-elle à Sonia avec véhémence.


Elle répondit rien. Sol secoua la tête en juronnant. Elle la tourna vers moi et me regarda droit dans les yeux.


- Qu'est-ce que t'attends ?


- Deux idées. Dont comment l'attaquer efficacement pour le tomber. Il fait bien 4 fois notre taille, si c'est pas plus. L'autre c'est comment m'énerver suffisamment avant de l'approcher. J'en ai bien une pour ça, mais elle me plait pas, et je pense pas que tu l'approuves non plus.
Chérie, fous-moi une baffe.


- Ca va pas ?


[Non, du tout. Bien vu ma belle.]


- Fais-le, s'il te plaît.


- Non... Je peux pas.


Sébastien est tombé pas loin de nous, sa belle gueule en sang. Perturbant.


- FAIS-LE !! hurlai-je depuis mes tripes.


Dans le même état que moi, elle m'a balancé une baffe d'une violence retentissante qui m'a direct foutu le feu et la rage avec.

Enveloppé, enchanté d'une certaine manière par ce feu purificateur. Libéré. Provisoirement, peut-être, mais efficacement.

Suis devenu la bête de feu. Plus de pensées. Seulement casser. Détruire. Que ce monstre ne soit plus. Calme furieux en moi. Frappe de basse enflammée dans le vent. Boule brûlante projetée sur monstre gigantesque. Côtoie éclairs Solenniens. Disparaîs dans une colonne de feu, réapparais devant lui et donne tout ce que j'ai. Sans compter, sans merci, sans pitié.


Coups violents. Les siens aussi. Je tombe, me relève, repars à l'assaut. Le temps semble figé. Je me bats de toutes mes forces pour garder le contrôle aussi longtemps que possible. J'suis pas aussi doué que Neto pour esquiver ou parer, surtout qu'il s'agit quand même d'un adversaire redoutable, là. Lenne semble trancher aussi efficacement qu'un sabre, ça a de quoi surprendre. Penser. Me forcer à penser à ce que je fais. Garder le contrôle. J'ai que ce mot en tête. Je me le répète encore et encore, à chaque coup donné, à chaque coup pris. Je vole parfois en arrière, mais arrive plus ou moins a me rétablir avant de toucher le sol. Probablement stylé, mais c'est pas ma préoccupation. Je fatigue pas vraiment, mais Lenne se fait moins légère. Je tourne sur moi-même à chaque frappe pour compenser. Ca a l'air efficace.


Le feu protecteur a ses limites, mais quand je suis trop blessé, il prend le contrôle et me remet sur pied. Me sens invincible. Pourrais tuer cet adversaire à moi tout seul. Juste question de temps. Fauche ses jambes et l'embrase. Vois pas ce que font les autres. Espère seulement qu'ils vont bien. Encore quelques coups tournoyants. Colonne de feu, réapparais sur épaule.


Neto y était déjà. Plante sabre dans cou du monstre. Toutes ses forces. Entame à peine chair.


Colosse s'ébroue, tombons par terre dans fracas assourdissant pour déguster sol.


On se regarde. On fonce. Sol est derrière. Je la sens. Ses éclairs nous accompagnent. Surfe sur l'un d'eux et nous rejoint au contact.
Neto et moi des deux côtés. Frappons dans jambes et torse. Me prends des coups, pas lui. 'Chier. Brûle de plus en plus fort. Dois pas ressembler à grand-chose d'humain. Saute et revers dans gueule. Réception peu près normale.

Vois Sol, bras écartés en l'air, masse électrique tout autour. Reprends respiration. Corps tout tendu me fait mal. Fatigue un peu. Courbé mais garde tête droite.


Sensation étrange...


Vague d'énergie.



Une onde de calme m'a envahi. Ses ailes transparentes étendues au-dessus de lui, Sébastien s'est avancé, dans une aura de lumière. On aurait dit un ange. Vierge de toute blessure, cicatrice ou appréhension, il était en transe, le corps légèrement courbé en arrière.



Un magnifique rayon de lumière blanche, démesuré, s'est abattu sur le monstre, toujours entouré par le champ magnétique de Sol.



Show's over. Il est tombé, et le rideau avec lui.
 








Mercredi 29 décembre 2010 à 20:59





On marchait vers le bar.

Ce qui nous arrive est hallucinant, y'a pas d'autre terme. Les limites du possible semblaient ineffablement s'effacer peu à peu, et un sentiment de toute-puissance m'envahissait. Je me sentais presque accompli, à part qu'avec Solenne, je nageais dans l'incertitude. Sébastien était devenu un ange, Sonia, de plus en plus difficile à comprendre, Sol, j'en parle même pas, et Kepa s'est avéré être un sabreur bourrin à la force colossale, bien loin du type placide, puis cool, que j'ai toujours connu. D'ailleurs il n'est pas encore revenu.

Bordel, on fait une belle bande de super-antihéros.
Et là on va chercher un sens à tout ce merdier, en s'enfonçant volontairement un peu plus dans l'inconnu. Dans nous-mêmes, j'ai l'impression. Mais peut-être que je fais seulement mon égoïste en pensant ça.

Solenne... J'ai toujours dit que cette fille était électrique. Et que Seb se la joue angel-style, ça me surprend pas non plus. Evidemment, tout ce qui a trait aux pouvoirs et aux monstres est super étonnant, et y'a des chances qu'on s'y fasse jamais vraiment.
Mais ça fait partie de nous, maintenant. De nos vies. De nos réalités.
C'est peut-être même l'expression la plus pure de ce qu'on est, comme on l'a vu avec ce drôle de clown qui nous a attaqués il y a encore pas si longtemps. Il m'a dit d'appliquer mon raisonnement aux monstres. C'est probablement nos fantômes, nos démons, nos peurs les plus intimes.

Depuis la dernière apparition, qui d'ailleurs a rien dit, on a pas croisé grand-chose. Rien, en fait, à part des ombres qui longent les murs et disparaissent dans les ruelles. Pas si inquiétant quand on est blindés niveau effets spéciaux, même avec des courbatures.
Derrière moi, j'ai entendu la voix de Neto. Un peu sombre, presqu'inquiète.

- Pourquoi tu m'as fait ça, tout à l'heure ?

- Tu l'as bien mérité, a claqué une Sonia glaciale.

- Y'a prescription, merde !

- Les amoureux, qu'est-ce que j'ai dit y'a 20 minutes ? a tranché Solenne.

- 'Tain ça se voit que c'est pas toi qui t'es frottée au corps-à-corps. Il t'aurait tuée directement si tu y étais allée dès le début. Remarque ce serait peut-être pas une grosse perte, après tout.

Décharge de rage primaire dans corps graisseux /substance à penser nommée cerveau. Pouvais pas ne pas intervenir. Le feu a parlé pour moi. Me suis retourné d'un bond et ai attrapé Neto par la gorge en le soulevant. Pensais pas avoir la force de faire ça. Pensées qui se bousculent, mais rien qui se transforme en autre chose qu'un gros râle. Feu qui parcourt mon torse et mes bras. Ne brûle toujours ni moi ni mes vêtements.

Neto ne dit rien non plus. Se contente de me regarder sans se déflier. Calme malgré son coeur qui bat plus vite et dénote une certaine crainte.

J'ai fini par le reposer. Essayer de reprendre le contrôle de mes émotions. Solenne me fixait façon "je t'analyse comme une dingue mais tu peux te gratter si tu veux que je t'en parle tout de suite, donc attends un peu, ce sera cool".

J'ai recommencé à marcher, un peu gêné, les yeux collés à la route.

Personne ne parlait.

Neto m'a rattrapé.

- Ecoute mec, j'suis désolé. Je pensais pas ce que j'ai dit, j'étais juste sur les nerfs avec tout ce qui se passe.

Il avait l'air sincère. Peut-être seulement l'air.

- Moi aussi, ai-je grogné plus ou moins gentiment.

- Faut s'y faire, on s'affranchit des limites de l'humain, là...

- Ca fait une bonne raison de s'imposer des règles, ai-je claqué. Sonia, si tu fais de la merde une fois de plus, on pourrait ne pas si bien s'en sortir. Voire pas du tout.

- Donc le prochain qui merde mettra les deux doigts dans la prise, a assenné Solenne.

Ca peut paraître con mais je l'avais jamais vu si autoritaire, si femme. D'un seul coup, en une phrase, ses deux échecs précédents à se faire respecter avaient complètement disparu.

- Pour vous, la prochaine discute c'est au bar, a-t-elle terminé.

Transposez cette scène dans le réel que vous connaissez et vous la trouverez ridicule. Mais mettez-vous 5 minutes à notre place et vous comprendrez que parfois le moindre détail peut être une question de vie ou de mort.

Neto a eu un sourire amusé. Ma main au feu qu'il se dit un truc du genre "Et là notre couple improbable mais parfait va s'embrasser et restaurer la monarchie. Manque plus qu'un producteur au coin de la prochaine rue et on tombe dans la comédie familiale américaine et prévisible."
Sonia partageait son sourire. Surprenant.

On marchait toujours.


- On est pas trop loin. Essayez de vous maîtriser d'ici-là.

Le ton de Solenne était sans faille. Elle se tourna vers moi.

- Viens par là, faut que je te parle.

[De tes problèmes relationnels avec ton copain ? Quand tu veux.]

On est partis un peu en avant du reste du groupe, en doublant Soda qui restait avare en paroles pour le groupe, à l'exception de Seb avec qui il discutait. Je l'ai rarement vu aussi intéressé, d'ailleurs, sauf peut-être quand on parlait musique.

Solenne est restée deux-trois secondes la bouche ouverte, puis s'est lancée.

- Je sais que t'as plein de questions à me poser, pour comprendre et apaiser tes doutes. On parlera de ça au bar, c'est promis.

J'ai soupiré un "D'accord...", les incertitudes redoublées d'intensité.

- Qu'est-ce qui t'es arrivé depuis la fin du monde ?

Elle avait sorti ça avec la désinvoluture la plus complète. Je rêve.

- Pas mal de choses, au-je souri.

Je lui ai fait un résumé de quoi était fait l'océan d'inconnues dans lequel je nageais depuis des heures, peut-être une journée complète, même. J'avais perdu toute notion du temps. La nuit apparemment éternelle n'aidait pas.

Elle aussi m'a raconté ce qu'elle avait vécu. Pas mal de similitudes. Elle a revu Siko, est passée pas loin de la mort peu après -pour moi, c'était face à Sorel, l'espèce de clown, quand j'ai cru perdre mes cervicales et senti en une fraction de seconde mon corps se disloquer. Elle aussi a cherché à voir les limites de ses pouvoirs, à comprendre ce qui se passait. Elle a aussi mentionné des artéfacts, très importants selon elle, ainsi que Karma et Shell Haven, tout en restant assez floue.

Mr et Mme Voyons ont un fils, Ben.

Je vais quand même pas me mettre à douter de ma copine, quand même ?

Hé si, j'ai bien peur de devoir mettre nos 2 ans de bonheur trop parfait entre parenthèses. Dans les doutes, plus rien n'est sûr.

__________________________________________________________________________________________________________________

Lieu commun ! Hérésie galopante, va.

__________________________________________________________________________________________________________________


La rue s'est emplie de musique, rythmant nos pas et calmant mes pensées.

Plus qu'inexplicable, mais on était pas à un détail près. Le Kraka était en vue. Sans neige, cette fois. Ni primates. Mais avec des espèces d'araignées métalliques grand format d'à peu près 50 cm de haut. Leurs pattes brillaient à la lueur de la lune.

- Y'a un arachnophobe parmi nous ? a lancé une voix sarcastique derrière nous. Et je parle d'un vrai, hein, pas quelqu'un qui se contente de pas aimer ces bestioles, quelqu'un qui en fait des cauchemars et tout et tout.

Contre toute attente, c'était pas Neto mais Soda qui avait dit ça. Leurs petits yeux brillants se sont fixés sur nous. Elles se sont approchées lentement.

- Petit exercice de style, a-t-il clamé. Celui ou celle d'entre vous qui répond au signalement va s'occuper du troupeau. Les autres, restez en arrière, n'intervenez que si c'est nécéssaire. Dans le pire des cas, c'est moi qui prend la relève.
Vous inquiétez pas, personne va mourir.

C'est Sonia qui s'est avancée.

- Quelqu'un d'autre ?

Personne n'a bougé.

- Comment tu t'appelles ? a demandé le démon rayé.

- Sonia.

- Eh bien Sonia, tu as en toi tout ce qu'il faut pour défaire ces méchantes araignées pas poilues. Crois en toi, ça suffira.

J'ai jamais pensé qu'elle était lâche, malgré ce qu'elle a fait à Neto au dernier combat. Je pense que c'était justifié.

Elle n'a rien dit et s'est approchée des créatures, les jambes un peu tremblantes mais le regard fixe.

- Lance-toi ! a crié Soda pour l'encourager.

Elle s'est téléportée sur le groupe d'arachnides en échangeant sa place avec un caillou. A crié très fort. De nouveau échangé sa place avec une canette vide qui traînait et les monstruosités d'acier se sont attaquées mutuellement, refermant leurs pattes acérées les unes sur les autres. Certaines s'étaient coincées. Des rouages sont tombés, ou en tous cas c'est ce que j'ai cru voir, des petites roues dentelées. Quelques-unes ont arrêté de bouger avant de tomber en pièces.

Sacs plastiques ou en papier au nom d'enseignes de restauration rapide, bouteilles de verre, épingles à cheveux, Sonia se servait de tout ce qu'il y avait par terre pour rester sans cesse en mouvement et retourner la force des araignées contre elles-mêmes. Le tout entre deux cris pas toujours étouffés.

C'était presque'une danse, en fait. Intouchable, elle donnait un sens à la pollution qui n'avait pas réussi à détruire la Terre. Fumeuse, mais écolo. Plutôt ironique.

- Tu peux rien faire d'autre ? a demandé Soda bien fort.

- C'est pas assez bien pour toi ? a-t-elle renvoyé sur le même ton entre deux disparitions.

- Je préfère quand c'est plus varié, tu vois le truc ?

Elle allait lui répondre quand une patte l'a touchée. Une attaque de taille, suivie d'une tranche et d'un coup d'estoc qui l'a traversée.

- Personne va mourir, hein ? Rien à foutre, j'y vais !

Neto. Qui d'autre ? Il m'a devancé, pour le coup. Moi, et tous les autres. Seul Soda restait calme. Il nous a arrêtés d'un geste.
Pas Neto.

L'arachnide a retiré sa patte de Sonia qui est tombée sur un genou. Neto courait vers elle. Dans un sursaut de vie ou de dégoût, elle a poussé de ses deux mains face à elle, et une onde de choc a balayé ce qui restait des autres aberrations mécaniques.

- Et toi, c'est quoi ton p'tit nom ? m'a demandé le démon noir et rouge

- Dan.

- Passe-moi ce que t'as dans la poche, s'il te plaît.

Je lui ai tendu une des fioles. Plus loin, Neto avait pris Sonia dans ses bras et s'occupait d'elle comme il pouvait. Soda s'est téléporté pour les rejoindre et donner le breuvage à la miss, blême.

- Ecartez-vous, elle a besoin de respirer ! Vous êtes cons ou quoi ? a crié Soda à tout le groupe qui était venu l'entourer.

Elle a toussé un bon moment.

- Mais c'est pas vrai, j'y ai toujours droit bordel ! Plus jamais ça !!

- Je suis désolé, mais je devais le faire, a répondu Soda.

Neto l'a violemment attrapé par le cou et lui a presque craché au visage, dents serrées et yeux enragés.

- T'as failli la faire tuer, pauvre enfoiré !

- Et c'est parti, on rentre dans le relationnel basique humain avec les polarités et tout. Et la transcendance, merde ?! Si on vous a donné le concept de Trinité si tôt, c'est pas pour rien, bordel !

Il a repoussé violemment Neto avec une seule main et s'est progressivement approché de lui.

- J'ai pas failli la faire tuer. Déjà, pourquoi j'aurais fait ça ? C'est pas parce que je suis pas blanc comme vous que j'suis forcément une menace. Et ensuite, le destin, ça te dit quelque chose ? Si elle avait dû mourir, c'est ce qui se serait passé. Mais c'est encore loin d'être son heure.

Tout le monde est resté sans rien dire. Mine de rien, Soda en impose pas mal. Qu'il soit un démon avec les pouvoirs qui vont avec y est sans doute pour quelque chose. Mais pas que. Ce qu'il a dit est foutrement pertinent, et sa dernière phrase implique des trucs qui me plaisent pas des masses.

- Si t'arrêtais de m'accuser à chaque fois que j'fais quelque chose dans votre intérêt, a-t-il rajouté d'un ton sarcastique, on va peut-être pouvoir avancer à un rythme à peu près normal.

Il a dit tout ça à moins d'un centimètre de Neto, qui pour le coup assumait assez mal son rôle de prince charmant/mec protecteur de base/amoureux transi qui crève les yeux même si on est censés rien en savoir / petit ami de Sonia en puissance / type romantique et soucieux des femmes. Rayez la mention inutile s'il y'en a une.


La tension chargeant l'air, on s'est remis à marcher.




 

<< Page précédente | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | Page suivante >>

Créer un podcast