Mercredi 30 mars 2011 à 17:59

Un concert d'In Veins, c'est toujours quelque chose. De grand, de puissant. De simple et si complexe à la fois. Leur musique te parle, te porte et devient tienne. Peu de paroles, souvent évasives mais déchirées par la voix éclatante de Marco, claviériste stylé qui ressemble à Chino Moreno jeune et pas gros. Et c'est pas la chemise rouge à carreaux qui me contredira.

Avant le concert, le groupe lâche qu'il n'est plus autant dans le trip «concerts» que d'habitude, trop plongés dans la composition de leur premier vrai album.*

Manu (batterie), complètement mojité, part même dans un délire «Rien à foutre, je rentre chez moi, j'ai sommeil. Faites un set acoustique».

Descente d'escaliers métalliques. Salle intimiste et yeux brillants. Welcome to Glasgow.

J'ai toujours trouvé un côté (post)apocalyptique à la musique d'In Veins. Le lieu de naissance des Mogwai se transforme à mes oreilles en une ville fantôme transcendantale à la Silent Hill. Magistral.

Ils ont le faya, le feu sacré, le Müspell, appelle ça comme tu veux. Une fois les amplis branchés, cordes sous tension et batterie rugissante, la fatigue n'est plus qu'un concept abstrait pour petits vieux chevrotants.

Mon année sans sommeil me semble lointaine, mais pour une obscure raison, je me lâche pas complètement pour autant.

Et pourtant il y a de quoi. Tous les a prioris qu'on peut avoir à l'écoute de leurs Eps fondent comme neige au soleil. Ils sont pas les prochains Archive ou Mogwai, et c'est justement ça qui les rend authentiques et crédibles. Leur musique s'envole et te prend avec elle sans te demander ton avis.

De toute façon que pourrait-on refuser à une si belle demoiselle ?

Chaque instrument a naturellement sa place, complète les autres qui le complètent lui même. Travail d'orfèvre, alchimystique mais immédiat.

Kevin (guitare) incarne la quintessence de leur obsession commune du détail. Le principe est pourtant simple : Que chacun kiffe chacune de ses parties sur chaque morceau. Fonctionnent toujours à l'unanimité, détail lourd de sens expliquant pas mal de choses : IV n'en fait jamais trop. Parfois trop peu, par contre. Ça reste leur principal défaut.

 

Après un Blurry Road revu et corrigé d'une ampleur dévastatrice – ou comment un morceau déjà très bon sur CD devient une église en live – ils envoient Crashed, qui - sans vouloir cracher sur ce morceau à riff qui tue - se retrouve trashé par Marco qui part en freestyle sur les parties vocales, mais bien.

Jérémie (basse) échange un regard «WTF dude ?» avec Manu (batterie), qui hausse les épaules et repart.

Le morceau est bancal, tangue d'équilibre précaire en tornades disto, vacille, se redresse, retombe, se rétablit.

Et le public prend son pied à deux mains dès ce soir.

Faire du post ou du progressif empêche pas de rester rock'n'roll. La prise de risque les connaît bien. Loin des couplets/refrain, habitués des routes brumeuses, ils les arpentent jusqu'au bout et en ramènent des merveilles. Bonus Track et No Name Sea en sont de bons exemples. La suivante encore plus.


- Vous nous l'avez demandée alors ou vous la fait.

- Profitez-en, c'est la dernière fois.

- Wah non !

- Bon ben une des dernières alors.

- Rah non !


Le souffle du vent me décolle du monde réel.

Touché, même si je suis probablement pas le seul à leur avoir demandé de la faire, je me prends un aller simple pour le 8ème ciel en passant par le centre de la Terre, le tout en moins de 5 minutes.

Les femmes actives overbookées qui ont à peine le temps de nous lire savent où aller maintenant.


Just Vision.

Sans elle je me serais peut-être jamais lancé dans la chonique, mais c'est une autre histoire.

Elle incarne à elle seule les forces et les faiblesses d'In Veins. Commence calme (1 minute d'intro), puis pète un bon coup, avant de se recalmer pour mieux repéter, un grand coup cette fois.

Le final pourrait paraître anecdotique et fait à l'arrache, surtout à côté du reste du morceau, mais à mon sens c'est surtout le signe que la pièce est inachevée. Elle durerait 8 minutes qu'on s'ennuierait pas une seule seconde ; au lieu de ça on a une sorte d'échantillon condensé de ce qu'elle pourrait (devrait ?) être, une pépite d'or au lieu d'un lingot.

Techniquement avatar de leur style, assemblage méticuleux de plans simples et efficaces formant un tout complet qui révèle sa complexité au fil des écoutes, cette pépite paraît pourtant toute petite comparée à ce qui va suivre.

J'en connais pas le titre, et ça m'étonnerait pas tant que ça d'apprendre qu'eux non plus. Qu'importe, leur compo la plus mature à ce jour commence à emplir doucement l'atmosphère. Une instru du niveau de Mai des SC**.

Ce morceau final de 6 minutes (8 selon la police, 12 selon les AAA***) nous transporte plus loin que jamais.

Plus haut, aussi. Avec une cohérence instrumentale à la Pink Floyd, les In Veins frappent fort et juste. Economie mais déploiement d'énergie brûlante sur salle enfiévrée.

Le public tout entier vibre avec eux. Les fréquences se complètent sans jamais se chevaucher. Du rarement vu en ce qui me concerne..

Après avoir lancé le morceau au piano, Marco quitte la scène pour regarder les autres depuis la fosse.

Le mot d'ordre tacite est l'unité. In Veins t'ouvre la porte de son univers avec une simplicité rare, surtout dans un style comme le leur, souvent taxé d'hermétique.

Une musique innocente et naïve, adulte et désabusée, aventureuse et flippée, déterminée et désintéressée, jouant sur les paradoxes, explosant quand il faut et jamais sans raison. Sensibilité touchante. Finalement toute personne capable d'émotions peut se retrouver dans un concert d'In Veins.

Je dis concert car c'est là qu'on trouve ce qui manquait cruellement aux 2 premiers Eps. Des couilles, bordel de merde. Des couilles à blinde. Des tripes aussi. Remplies au mojito pour le coup. Les Eps sont sages, le live sauvage.

Sauvage, réfléchi, sensible et tournoyant.

Ruptures de feeling rares, la plupart du temps rattrapées dans la seconde. Loin de décrédibiliser leurs morceaux, ou même de leur nuire, elles donnent une part d'imprévu, d'honnêteté aussi.

Le set était trop court et le chanteur trop bourré. 2 seuls points noirs majeurs. Le groupe assure comme une bête, y'a pas d'autre terme. Un batteur qui sait se faire discret autant que massacrer intelligemment ses fûts comme un mulet qui aurait lu et compris Nietzsche, un bassiste qui te sort des arpèges simples mais inventifs et qui sait où est sa place, quand faire front ou rester en arrière, 2 guitaristes (Kevin et Maxime) qui touchent autant leur manche que leurs effets - Maxime sacrifie au rituel de tout concert de post, le trifouillage de pedalboard à genoux, alors que je garde imprimée dans ma tête pour une obscure raison une image de Kevin tenant une sorte de solo rythmique à base de triolets en barré sur la 24ème case, le manche de sa Telecaster pointant vers le ciel comme si l'avenir du monde en dépendait ; au clavier comme à la voix, Marco amène ses parts de douceur, mélodie, émotion et puissance, les 4 côtés de la base d'In Veins, pyramide en devenir liant le ciel et la terre.

Si tu veux monter un groupe de prog et que tu vas les voir en concert, ce sera l'épreuve du feu. Tu en repartiras dégoûté ou boosté à fond. Pas de demi-mesure. Ils savent pas faire dans le tiède, préfèrent jouer sur les contrastes. Descends les voir et tu changes de monde. Pas d'artifices. Tu pourrais croire que les lumières vont être là que pour faire illusion, il en est rien, elles font partie intégrante du voyage, et si le public est un membre du groupe à part entière, alors le mec de la lumière aussi. Intéressant, bien qu'élémentaire, puisqu'il incarne la destination finale de l'alchimie d'In Veins.

 

Orjan.

 

 

 

 

 

 

    * Les EPs Someone Inside the Earth et Connected with Them sont toujours disponibles, notamment en version mp3 et pour pas cher sur iTunes (3 ou 4 € de mémoire)

 

 

 

 

*** Anti Acouphènes Associés.

 

 

Samedi 12 Mars, Boredom city, El Chicho, IN VEINS / RDV LIVE.

 

Myspace : http://www.myspace.com/inveinsmusic

(Vous y trouverez aussi les liens des albums)

 

Précedemment chroniqués ici : http://siko.cowblog.fr/acouphenes-post-orgasmes-3017147.html

 

In Veins sera à la demie finale du Tremplin Caudérock le Vendredi 15 Avril à 20h30 (Caudéran / La Pergola) et le Jeudi 28 Avril à la même heure au Festeenage (Bègles / BT59).

 

 

Mercredi 30 mars 2011 à 18:08

Dans sa demeure morte, il rêvait et attendait. Mais les In Veins l'ont réveillé pour notre plus grand plaisir. C'est au tour des Watchmen du blues de prendre place.

Il faut dire qu'une heure plus tôt, ils se fondaient dans la masse sans aucun problème. Epaisses lunettes rondes et manteau d'hiver noir pour Guillaume (chant/guitare et multi-instrumentiste depuis ses 12 ans, à l'origine du projet Rendez-Vous). Dans son costume d'intello-romantique timide, il aurait presque l'air puceau.

Kriss (guitare, back vocals et autres «whoo-hoo») arbore quant à lui un magnifique sourire fatigué qui se déclenche n'importe comment (et surtout n'importe quand), assorti à ses yeux à moitié fermés, le tout témoignant d'un actor studio intensif. Le polo vert délavé et les cheveux attachés sont de série.

Larry S (basse, backvocals) ressemble à un ado qui aurait grandi sans changer de fringues. Bon, en les lavant quand même sinon c'est dégueulasse. Il boit de la bière et nous en ramène pas contrairement à ce qu'il avait promis (de toute façon on avait qu'à en acheter plutôt que de vivre aux crochets des autres. Et puis c'est quoi ces manies de vouloir se faire offrir la place, hein ?)

Zan (batterie) s'est coupé les cheveux, ça se voit. Trop pour que ses fines lunettes rondes le fassent ressembler à Harry Potter, par contre. Hé oui, pour se faire des thunes aujourd'hui, faut écrire des bouquins sur le quai de la gare.

Mais l'argent, Rendez-Vous s'en fout. Tout ce qui les inquiète c'est de rembourser les frais de déplacement du groupe Toulousain Man Size qui a joué en premier.

Que j'ai pas écouté. Donc je pourrai pas dire que c'était de la soupe. Ou pas.

Bref, revenons à nos briscards de moins de 40 ans.

Les 4 pourraient facilement passer pour des gens ordinaires. Ce serait une grave erreur. Tout aussi humbles que les In Veins qui leur ont préalablement chauffé la salle au 8ème degré grâce à un set qui calme bien (voir la chronique), les RDV s'y amènent, transformés.

Regard concentré et bienveillant, visage en partie caché par cheveux détachés aussi noir que son T-shirt El Chicho, Kriss et sa Les Paul balancent riffs tranchants et mélodiques, colorés et entêtants, surprenants et attendus.

Sportif de l'extrême, Zan nous prouve derrière ses fûts que les superhéros à la retraite n'existent que dans les romans graphiques et les films adaptés.

A la richesse de son jeu, serais pas étonné qu'il ait passé des années dans le jazz ni que Méthode Agostini soit le livre de chevet de sa jeunesse.

Sa base terrienne est lée aux autres par Larry qui, sans en faire des tonnes nous démontre la polyvalence de son instrument. Mélodique et rythmique, jamais l'un sans l'autre. Peut-être même un solo ou deux, me souviens plus trop. En tous cas c'est pas avec lui qu'on peut dire que la basse s'entend pas. Non madame.

Face à la fosse, Guiom et sa Fender s'occupent de ramener de la demoiselle.

Pas de l'hystérique ni de la groupie, attention. Le public de ce soir n'est ni hype ni stupide.

Ah, on me signale à mon oreillette qu'à la prochaine tautologie je suis viré, que j'en ai déjà fait 2 et que la 3ème sera la bonne.

Oui, Diane, oui. D'accord.... ..... .... D'aaaaccord. Oui, moi aussi je te raccroche au nez, bisous bye, à la prochaine !

Guiom a laissé les lunettes au vestiaire et retourne les culottes des 4 premiers rangs par la puissance du son.

Moi aussi quand j'serai grand, j'veux être superhéros. Avoir le sourire et le garder complice même quand j'fais des pains. Les Rendez-Vous ont la classe la plus totale, hurlante et transpirante. Preuve vivante que le blues est finalement pas un style répétitif. Les chansons au goût de déjà-entendu se comptent sur les doigts d'une main dans une moufle.

Tant qu'on est dans les points noirs, les pointilleux psychorigides progressifophobes reprocheront au groupe la même chose qu'à In Veins : un anglais parfois approximatif sur quelques tournures grammaticales et deux-trois prononciations, et ce plus sur CD qu'en live, d'ailleurs.

Ouais, faut aller loin pour trouver des trucs à redire, mais rien à foutre, j'suis un warrior alors j'y vais.

Solos hendrixiens à faire headbanger Jimmy Page pendant un pogo avec Rory Gallagher, Kriss et Guiom s'en donnent à coeur joie.

Plaisir partagé par public en liesse. Ça bouge dans tous les sens, plus qu'avec In Veins. Normal en même temps.

Pourtant les deux groupes ont plus d'un point commun. Déjà, ils sont là où on les attend pas. Là où In Veins excelle dans les ambiances expérimentales inventives et profondes, RDV double la durée de ses morceaux en live en inventant le post-blues, si ça existe pas déjà.

Et encore une fois dans la soirée, ça part loin, très loin. On jongle sans cesse entre ciel et terre. Rendez-vous en est un mouvementé. Les guitares partent et reviennent sans cesse à leur source qu'est la section rythmique, elle même prenant les traits d'un enfant, et pas celui de «Maman j'ai raté l'avion», plutôt celui de Nietzsche.

Maturité. Encore un point commun avec IntraVeineuse.

Mélodies envolées sur base puissante décollante, long voyage vers la légende du blues.

J'aurai trouvé à mes pieds le pacte signé par Robert Johnson en 1933 avec le Diable que ça m'aurait pas étonné plus que ça... Mais ce cher Satan n'est qu'une métaphore du non moins cher désir des hommes de pouvoir choisir.

Et pour ce qui est des choix, RDV a fait les bons. Setlist équilibrée entre Stolen Memories* et leur nouvel album à paraître bientôt, son fort et agressif, bourrinage grungy maîtrisé. On rend ses lettres de noblesse au Rock, le sort de sa prostitution et l'emmène en taxi se refaire une jeunesse dans des salles intimistes. Les groupes de «rock indé de merde» peuvent aller se rhabiller tous en ensemble du haut d'un pont, on est ici dabs l'authenticité, la chaleur, la sueur et la moiteur. Bienfaitrices et purifiantes.

De temps à autre des pains déchirent l'atmosphère l'espace d'une seconde, éclairs sur la route pluvieuse du blues. Le feeling reprend ses droits dans l'instant.

Arrive Big King, à mon goût une de leurs meilleures compos. Riff bluesy au départ, couplets/refrains montant en puissance l'air de rien, breaks au groove destructeur propices aux dislocations des cervicales et lourd final grungy.

Que demande le peuple ? Du pain et des bonnes chansons ? On a surtout des secondes, ce soir.

Le nom du groupe prend tout son sens en live. Comme le groupe précédent, ils donnent tout sans compter à un public qui leur rend bien. C'est plus une salle de concert, c'est une étuve rouge sans merci.

Pas grand chose à redire de cette prestation à foutre la pêche et la banane à un neurasthénique dépressif.

Univers plus facilement abordable qu'In Veins, plus jumpant aussi, moins sérieux sur la plupart des morceaux, tendance à relativiser la difficulté dans la joie exprimée dans certains textes suivis par la musique.

Un style tout aussi punchy et intéressant que le groupe précédent, cela dit. Prenant et profond.

Chez les 2 on a affaire à des spectres musicaux très variés, même si les I.V travaillent le côté sombre plus que les Watchbluesmen, un certain optimisme rôde toujours dans le secteur.

Et ça, c'est youpi.

 

En conclusion, deux super sets intègres et loin des sentiers battus, par deux groupes uniques. Si vous trouvez pareil ailleurs, on vous rembourse la différence, ça nous fait plaisir.

Et moi je reste avec cette idée que la musique de Rendez-Vous est la BO-ficieuse de Californication.

 

Orjan.

 

 

Samedi 12 Mars, Boredom city, El Chicho, IN VEINS / RDV LIVE.

 

Précedemment chroniqués ici : http://siko.cowblog.fr/acouphenes-post-orgasmes-3017147.html et là : http://siko.cowblog.fr/dissidence-rock-3058529.html

 

 

* Album disponible pendant les concerts et ici : http://www.myspace.com/rendezvous33

 

Et un petit live : http://www.dailymotion.com/video/xhktxs_rdv-live-at-bikini_music

Next show to be :

Mardi 5 avril 20h00 à 21h30 - 1h de live + Itw en public à l'Antirouille (Rock & Chanson) dans le cadre des «Acoustiques» d'O2 Radio.

Vendredi 8 juillet 2011 à 22:33

MOGWAI


Post rock, ergo proper rock.

 

C'est à la cafet-QG de la fac, sous intraveineuse de cappuccino, un jour de partiels que je commence finalement à essayer de mettre des mots sur ce qui s'est passé.

Il faut une dose d'inconscience pour ça, et ma courte nuit m'aide beaucoup dans ma lancée face à cette épreuve périlleuse qui revient à peu près à vouloir mettre à nu le sublime.

Les Ecossais de Mogwai sévissent depuis 1997 avec leur premier album Young Team, sorti deux ans après la formation du groupe. Depuis, ils nous ont gratifié de 19 Eps et 12 albums, dont la BO de Zidane, un portrait du XXIème siècle et celle du magnifique, contemplatif, et génialissime The Fountain, orchestrée par Clint Mansell.

Groupe phare et emblématique de la scène post-rock, probablement le plus populaire, Mogwai est souvent cité comme référence par de très nombreux groupes de styles variés, en plus de porter sans doute malgré eux l'étiquette de fer de lance de la musique expérimentale.


Hardcore Will Never Die, But You Will est évidemment à l'honneur ce soir, même si les anciens morceaux ne sont pas en reste. We're no here, I'm Jim Morrisson, I'm dead, Glasgow Megasnake et le magistral Batcat final sont autant de claques dans ta gueule que de raisons de relativiser par rapport au nouvel album, parfois trop pop voire électro à mon goût.

Sans forcément revisiter leurs morceaux – structures au moins quasi-systématiquement à l'identique des versions studio- les 5 nous délivrent des monuments d'une intensité rare, autant d'invitations à la rêverie collective.

Ils invitent même RM Hubbert, qui a fait leur première partie, à jouer des parties sur quelques morceaux et chanter le seul morceau vocal du set.

Un groupe humainement plutôt cool, quoiqu'un peu statique et mutique, à l'exception de Stuart Braithwaite (guitare) qui prend le micro au début du concert pour le mythique et obligatoire «Hello, we're Mogwai from Glasgow, Scotland. Thank you all for comin'» avec le sourire un peu timide de série, puis régulièrement entre les morceaux pour remercier l'accueil chaleureux que leur offre le public bordelais, bras en l'air et poings en rythme.

Une setlist assez dense avec pas mal de morceaux au delay flirtant avec une minute selon l'ingé son. Le groupe ne se plante qu'une seule fois de tout le concert, un pain repris par ce même delay, justement, et qui s'inscrit pourtant mystérieusement en totale adéquation avec le reste de l'instru, la ravivant, lui apportant des aspérités supplémentaires.


Une grande leçon de rock'n'roll, moderne mais authentique, un son à fendre un monde en deux, un bassiste aux mains de gorille en imposant du haut de sa prestance qui nous sort des lignes d'une pertinence et d'une finesse aussi troublantes que puissantes, deux guitaristes virtuoses capables d'instaurer une atmosphère onirique dès le premier accord, un synthé branché sur Pro Tools et un batteur qui déménage autant qu'il ordonne le chaos sonique salvateur qui fait trembler les murs de la Rock School ce soir.

Entre arpèges inspirés et distos stridentes, le groupe nous emmène dans un voyage physique et spirituel au gré des images qui défilent sur l'écran géant, en haut de l'arrière-scène; transformations géométriques hypnotiques ou mini-films à base de plans de routes dévalées qui ne sont pas sans rappeller le clip To the skies from a hillside des Anglais de Maybeshewill.

Et c'est exactement là que les Gremlins nous mènent, des hautes terres d'Ecosse jusqu'au ciel, pour certains même le 7ème, à voir la vague d'énergie qui anime la fosse.

Orgasmique pour peu qu'on soit capables de se laisser porter par la musique et son flux instrumental, abandonné au plaisir de la reconnaissance de morceaux déjà cent fois écoutés dans d'autres circonstances.

Regret majeur de mon côté, Christmas steps est irrémédiablement absente de la setlist, frustration qui disparaît à la première note du Batcat fina, rappel qui vient achever violemment un public conquis.


Si Mogwai traîne la réputation de ne pas être un groupe de scène, c'est pas ce live qui va le justifier.

 

Orjan

 

MOGWAI, 24 MARS, ROCK SCHOOL BARBEY, BOREDOM CITY.

Vendredi 8 juillet 2011 à 22:35

TOTORRO.

 

Ah, Totoro... Chef d'oeuvre de l'animation japonaise que j'ai pas vu.

Le personnage éponyme est un esprit des bois, sorte de grand ours tout mignon, pacifique et gentil, qui aide des enfants dans leurs tâches de la vie quotidienne. Ce film contemplatif a aussi donné son nom à un astéroïde.


Pourquoi je vous dis ça ? Parce que justement, Totorro, c'est tout ça. Un post planant et posé, pas loin des profondeurs du Pacifique, qui ne met pour autant pas la rage de côté. Ça explique peut-être la présence de ce deuxième «r» qui évoque Zorro et poserait le groupe en fervent défenseur d'une musique donnée sans merci ni mode d'emploi.


A leurs côtés, on traverse des ambiances, des paysages qui prennent par leur musique un nouveau souffle, une aura dorée, apaisante. Même dans les tempêtes sonores qui sévissent en général dès le milieu de leurs morceaux, un équilibre est là, parfois fragile, mais toujours présent, comme pour nous rappeller que c'est aussi ça, la vie. L'inconnu et la prise de risque, les défis qu'on relève, faute de quoi on tombe, le désir d'aller plus loin, moteur irréfutable, et par dessus tout, cette sensation étrange que tout n'est qu'une seule chose.


Totorro livre une musique épique, unie, cohérente et limpide. Chacun de leurs morceaux te parlera de différentes façons suivant les circonstances dans lesquelles tu l'écoutes. D'accord, c'est vrai pour la musique en général, surtout quand elle est instrumentale, mais les Rennais arrivent à accéder à un niveau supérieur. Ils envoient comme Mogwai, et j'exagère à peine. Le batteur nous sort même sa steeldrum* sur un morceau, et là, la salle déjà étroite du Fiacre se fait encore plus intimiste pour une intro sensuelle aux relents de traditions africaines.


Et ça, ça prend tout le monde au coeur. Progressivement, l'intensité monte, les corps se cambrent dans un mouvement commun pour finir dans une explosion jouissive et électrisante.


Ce soir là, j'ai pris ma claque jusque dans le futal, d'autant plus que je ne venais pas pour eux, mais pour les Caennais de Sugartown Cabaret. Leurs voisins Totorro ont pourtant retenu toute mon attention, grâce à un feeling puissant et une maîtrise instrumentale digne des plus grands. Je ne peux que vous conseiller de juger sur pièce en checkant les liens sous la chro. En leur achetant des Eps. En réservant leur album. En en parlant autour de vous. En paraphrasant Eric et Ramzy : «Cette musique est de toôôute beââuté».

 

 

Orjan.

 

*Un truc qu'il a fallu être un grand malade pour l'inventer.

 

 

Lundi 20 février 2012 à 2:01

- Je te croyais morte, ai-je fini par dire.

- Tu vois bien que non.


Elle a pris ma main et l'a posée sur son sein en souriant. J'ai senti battre son coeur et ressenti une décharge électrique : c'était la première fois qu'un détail pareil avant autant de valeur. Comme au début d'une relation, quand on guette le moindre signe, quand le plus petit regard est porteur de sens. Quand j'appellais Dan pour une phrase qui pourrait en avoir deux. Quand les semaines se suivent sans se ressembler, quand on avance bercés par la poésie des premiers instants. Quand il n'y a plus rien d'autre que le bonheur d'être ensemble. Quand l'incertitude nous faisait sentir vivants. Frissonner. Résonner d'émotions. Vibrer. Vivre.


Puis le temps nous a rattrapés. La passion qui nous animait s'évanouissait progressivement, et ça devenait nos passions et autres points communs qui maintenaient "nous" en vie. Salement ironique. On était un vieux couple avant la fin du monde, et c'est justement ça qui nous a rajeunis. Je ressentais ces vieilles émotions qui me paraissaient nouvelles. Renaître doit être aussi bon que ça. Nos lèvres se sont rencontrées comme la première fois.

 

Et comme par un hasard pas DU TOUT prévisible, c'est à ce moment qu'on a entendu un énorme grognement derrière nous. 
J'en ai rien à foutre, si j'y reste j'aurai au moins réappris à sourire avant de mourir. C'est mieux qu'un morceau de flûte.
 

Lola a relâché son étreinte et on s'est retournés ensemble pour tomber face à face avec un énorme machin quadrupède. Il s'est dressé sur ses pattes arrière et a poussé un long râle.

Le gros sabre sans réel poids avec qui je devais être lié d'une façon ou d'une autre est tombé du ciel pour se planter juste à côté de nous. Presque prévisible. Faudrait voir à se diversifier. Je l'ai empoigné en gardant les yeux fixés sur le monstre.

Il avait des lettres écrites sur ses membres musculeux, une tête ressemblant vaguement à celle d'un ours sous stéroïdes avec une sorte d'exosquelette noir qui se terminait en pointe vers l'arrière du crâne, une queue à pointes membranées, des yeux blancs brillants et il ne bougeait pas. Il se contentait de nous regarder.


Mon estomac s'est liquéfié sans prévenir et je me suis retrouvé à trembler. Autant ce que j'ai affronté depuis la prépa me paraissait basique, surtout avec un démon à mes côtés, autant là, j'avais franchi d'un coup un sacré palier. C'est peut-être bien ça qu'on appelle un béhémoth. Je peux pas bouger.


La bête rugit. Fort. Très fort. Dans un tonnerre de remous telluriques et poussiéreux, il se met soudainement à quatre pattes, comme un cerbère monocéphale qui a envie de jouer.

Je regarde Lola. Forte et déterminée. Elle a pas l'air d'avoir peur. 

Tout est allé très vite. D'énormes boules violettes lancées sur le monstre lui ont braqué la tête en arrière et lui ont enserré le cou. Je me suis retourné vers elle, incrédule. Un autre choc dans la gueule du monstre. Ca commence à bien faire de toujours avoir quelqu'un de plus fort que moi à mes côtés.

La frustration devient bien vite colère alors que je me lance dans la bataille, silencieux et le sabre au clair, en évitant de me dire que je ressemble à un golfeur croisé avec un tennisman.

La bête réagit pas trop mal, ses cris commencent à briser le silence de la nuit. D'ailleurs, ça s'ajoute à une bonne liste de questions, ça : Quelle heure il peut bien être ? -On verra ça plus tard- conclus-je après m'être pris une bonne mandale dans la face. Je saigne à peine. Ma liste souffre d'obésité élargie. Deuxième coup de patte dans la gueule. Pour le coup ça m'a retourné à moitié et j'en ai lâché le sabre tombé du ciel. Et il continue à m'attaquer, cet enfoiré. Ignorant les explosions violancées de Lola, il veut me tailler dans le gras. Je l'attrape à bras-la-papatte, hors de question de lui laisser le plaisir de m'arracher la tête. Ses énormes griffes ne sont qu'à une vingtaine de centimètres de mon visage, mais il est foutu comme un chat -bon, ok, un très gros chat- , du coup il peut pas me toucher sans utiliser l'autre patte. Plus qu'à esquiver son coup déséquilibré et en profiter pour rouler par terre, récupérer le sabre et le planter une première fois.

Il hurle. Je ressors la lame et il me donne un cri légèrement plaintif. Cool, j'ai toujours rêvé d'être un artiste. Esquiver un deuxième coup, enragé celui-là, tout en se protégeant avec la lame pour pas se prendre un dommage collatéral et se retrouver sous sa deuxième patte. Planter une deuxième fois. Retirer la lame, wow, il vient de se rappeller qu'il avait une queue et c'est pas passé loin. Ca marchait mieux dans Matrix, ce genre d'esquives. Dos au sol, je vois ses pattes terriblement hautes dans le ciel se rapprocher de moi à une vitesse terrifiante. Au cas où ça suffise, j'ai pointé mon arme bien haut, les yeux plissés mais fixes.

Le contact n'a jamais eu lieu. Lola a dévié les menaces, et tout le reste de la bestiole d'ailleurs, avec un bon gros rayon.


- Comment tu fais ça ? lui ai-je crié en me relevant


Le béhémoth s'était relevé et fonçait droit sur moi. Et merde.


- J'en sais rien ! 


Esquiver son attaque, tournoyer en l'air sur le côté pour éviter la deuxième, bloquer la troisième avec le sabre, pousser bien fort, se surprendre à le faire reculer, et taper sans arrêt,  aux côtés des sorts psychés de Lola qui prennent d'un coup des colorations et formes diverses. Je finis par lui planter mon sabre dans l'épaule, me hisse dessus et une fois en équilibre sur son cou, le frappe à la tempe pour le déboussoler. Je reprends mon souffle et remarque plein de liens fluorescents sur le corps de la bête.
Lola a définitivement un sacré truc.


- Tu viens faire un tour ? je lui lance depuis là-haut.


Elle sourit, toute calme, et grimpe sur le béhémoth avec une facilité déconcertante, aidée par les boules violettes.


Quel rêve hallucinant.


Je le frappe et il couine en se mettant à courir dans la rue. Surréaliste. 

Bon, faut retrouver Dan, maintenant. Faire taire les questions, tailler dans le vif mais pas trop. Je regarde Lola, morte de rire, sans une once de peur dans les yeux. J'ai retrouvé l'essence de l'amour de la façon la plus absurde et incroyable qui soit. Je suis heureux.

On s'approche du Krakatoa, je le vois de loin.

- Tu sais où on va ?

- Ouais, souriai-je.

- Alors ?

- Je t'emmène voir un groupe backstage. Je sais que t'en as toujours rêvé.



 

<< Page précédente | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | Page suivante >>

Créer un podcast