Mercredi 5 septembre 2012 à 20:50

Bonjour, je sais pas trop si ce chapitre a du sens. Je m'y replongerai demain à tête reposée et changerai ce qui doit l'être. Pas mal de nouvelles idées sont arrivées entre le moment où il a été écrit et sa publication, mais ça ne change pas la trame, seulement quelques passages, dont celui-là. 


Bonne lecture. (Ctrl + / Ctrl - pour zoomer / dézoomer)


_______________________________________________________________________________________________________






- Bon, alors on va tout résumer. Vous, les gens de Shell Haven, là, vous avez préparé la fin du monde de A à Z. Fin du monde qui était déjà prévue depuis plus de dix ans.


- Beaucoup plus, a placé Soda depuis la chaise sur laquelle il se balançait derrière le bar, les pieds sur le comptoir.


- Si tu veux. Bon, déjà que ça c'est quand même chaud à avaler, tu rajoutes en plus que vous avez volontairement "débridé" les humains, comme tu dis, et ouvert des espèces de passerelles, ou je sais pas quoi, entre plein de "strates" dans lesquelles vous avez réparti tous les gens du monde réel. Et là, on est dans l'Entremonde, une version du réel censée disparaître une fois que tous les humains auront trouvé leur chemin pour atteindre les strates, qui sont liées entre elles par cet Entremonde, justement.


- Absolument. 


- Attends, ça colle pas, là. L'Entremonde est vachement plus rempli que ça... Quand j'y ai mis les pieds pour la première fois, il y avait plein de monde, des gens bizarres, une femme sans bouche, un nain russe, et même un putain de dragon qui dormait dans un coin !


Soda balançait son doigt vers Kepa, le coude posé sur son genou plié, façon "Je suis trop cool, vous pouvez pas test".


- Ouaip. Mais t'oublies un truc : On travaille, nous !


- Ouais ben ça change rien, je trouve ça toujours aussi tordu, repris-je. Sans compter que Briquet-Man est toujours porté disparu.


- J'ai dit que je savais peut-être où il est, a plaqué la mystique électrique bien fort contre mon crâne.


- Qu'est-ce qu'on attend, alors ? s'est énervée Sonia.


Ca m'a presque fait chaud au coeur, tiens. Mais c'était pas le moment.


- Elle a dit "peut-être", dis-je rapidement.


- Qu'il revienne, a répondu calmement Solenne.


- Tu penses vraiment ce que tu dis ? lança Lola, un mépris tranchant et hautain dans la voix.


- Oui. Et croyez-moi, pour peu que j'aie raison, on pourra pas le rejoindre. C'est son épreuve.


- Du calme, a lâché Kepa. On lui fait confiance et on réfléchit.


Etrangement, tout le monde s'est tu. Seb a levé les yeux vers nous, mais restait silencieux.


- Vous en avez pas marre de rien comprendre à tout ça ? Vous avez même pas fait attention à la faille dans tout ça, j'ai l'impression d'être le seul à l'avoir remarquée.


Son ton montait.


- Vous avez entendu ce qu'a dit Soda. Il y a un destin, et même plus que ça. Que vous y croyez ou non, c'est le cas. Alors faites confiance. On s'en fout que ce soit dur à admettre, Neto. T'es capable de te déplacer super vite et de te battre comme Marc Dacascos, ça te suffit pas, comme preuve ?


[C'est qui ?]


Je suis d'accord que c'est pas parce qu'ils nous ont filé des superpouvoirs qu'ils sont forcément tout-puissants, mais ce qui est sûr, c'est que leur niveau d'évolution nous dépasse, alors on peut quand même essayer de les croire, tant qu'on en a pas la preuve ultime. 
Et toi, Solenne, t'as l'air de connaître pas mal de trucs là-dessus, tu crois pas que ce serait le moment de les partager avec nous ?


Elle soupira.


- Dan est peut-être dans le passé.


Bloom. Plombage d'ambiance par dentiste sexy. Il en a de la chance, le salaud.


- BONNE REPONSE !


Soda avait sauté par-dessus le comptoir depuis sa chaise. Il a atterri devant Seb, qui desserrait pas les dents.
Il lui passa la main devant les yeux. L'inertie impassible du brun au bouc fut la plus forte. Soda eut une grimace résignée, puis s'adressa de nouveau à nous.


- De toute façon vous allez tous y retourner, alors...


- Et comment ?


- Ca dépend de la chaîne de Karma, ça.


- J'ai déjà entendu ce nom-là, c'est l'espèce de masque noir et blanc qui en a parlé, a dit Sonia.


- Sorel, oui. C'est vrai que toi et Dan l'avez vu.


- Donc c'est vraiment le bordel et même toi tu peux pas l'expliquer.

- Voilà. [Il s'est mis à regarder dans le vague.] Mais pas pour les raisons que vous croyez. On parle pas de la même chose, là. Je crois bien que je vais devoir retourner à Shell Haven. Mais vous pouvez pas me suivre. Et quand je dis ça, c'est dans le sens de "capacité", alors n'essayez même pas, ajouta-t-il, comme à l'attention de Lola, qui s'était rapprochée de son mec et lui murmurait un truc à l'oreille. De toute façon 


Ca sent la puissance malvenue et la violence déraisonnée, ça. Et évidemment la belle intervention de Kepa est passé à la trappe. Il a parlé d'une faille, peut-être qu'il a vu la même que moi ?


- C'est qui, Karma ?


La voix de Sonia a soudainement tonné avec une pertinence renversante pour toutes mes idées ainsi foutues en l'air. Pourquoi personne l'a demandé avant ?
 

- L'entité qui lie tous les êtres vivants entre eux. Pareil pour les évènements.


Dan serait là, il trouverait sans doute quelque chose à dire. Solenne garde le silence, mais apparaît en pleine réflexion, les yeux plissés en direction de Sébastien, qui a ouvert la bouche pour dire ce que tout le monde pensait.

J'ai bien suivi, Narrateur ?

_______________________________________________________________________________________________________


Ouais ouais, t'as bien suivi.

_______________________________________________________________________________________________________


- Dieu, donc. Du coup on a qu'à attendre que ce Karma décide de nous envoyer dans le passé pour qu'on trouve quoi faire dans ce qui est devenu notre présent.


- Et ça choque personne ! Je suis vraiment la seule à croire qu'on est manipulés depuis le début ? Vous êtes tous cons ou quoi ?


Lola, toujours égale à elle-même. Je me demande si elle sait écouter une autre voix que la sienne. Tout le monde l'a ignorée, sauf Kepa.


- La nuance entre guider et manipuler peut être très subtile. On peut pas le déterminer pour le moment, on en sait pas encore assez. Mais crois-moi, si on démontre que c'est le cas, je serai le premier à aller chercher Karma.


- Seb, dit lentement Solenne.


- Mh ?


- Pourquoi tu as dit ça, tout à l'heure ?


- Parce qu'il y a pas de hasard.


Kepa a reporté son regard sur Soda.


- Ca change rien à la faille, a repris le grand brun. Si l'Entremonde vient à disparaître, où est-ce qu'on finit, nous ?


- Ca, ça dépend de vous. Je peux pas vous en dire plus.



Tout le monde a fermé sa gueule. On avait toujours pas tout compris, mais pour une raison mystérieuse, tout paraissait plus simple.


Mardi 18 septembre 2012 à 20:08


Je dois dire que je suis plutôt pas mal fier de ce chapitre. Il a énormément évolué depuis sa version brouillon, qui est en plus située dans un passage hyper chaotique, écrit à l'époque où je savais pas trop où j'allais. Les tests "à voir si on garde" sont légion et les allers-retours entre des scènes déjà écrites et en cours d'écriture se télescopent. Ne vous étonnez donc pas si le chapitre subit des transformations -peut-être assez énormes- avec le temps. Pour ce qui est du chapitre précédent, je n'ai pas encore eu le temps d'y revenir, mais de nombreux changements sont à prévoir. Après, ce que vous voyez là en tant que "SIKO" n'est que l'armature du bouquin à venir, donc ce que je dis là n'a finalement aucun intérêt, à part peut-être pour ceux / celles que ça intéresse de savoir comment je travaille.

Pour ceux qui se plaignent de pas s'y retrouver dans les changements de narration, la première partie est de Dan et la deuxième de Kepa. 


Bonne lecture !
 

Orjan.



_______________________________________________________________________________________________________




- Faut que j'en parle à mon père. C'est pas normal que tu sois comme ça.


Idée. Et question corollaire à moi-même, aussi.


- On a dû faire l'amour trop longtemps hier soir, c'est tout.

- Ca expliquerait tes questions bizarres sur les réalités alternatives post sexe.

- Pas faux.


La vache, je me savais pas capable de mentir aussi bien. 
Elle a bu une gorgée de café. La question qui reste, c'est d'où sort le "Avais-tu eu une relation sexuelle trop longue la veille ?" du doc, quelques jours avant la fin du monde, en tentative d'explication à mes visions du petit Noir.


- T'as vraiment l'air bizarre. Je veux dire plus que d'habitude.

- J'ai juste du mal à réaliser la chance que j'ai, c'est tout.

- Quelle chance ?

- Que parmi tous les hommes, ce soit moi qui soit avec toi. Si c'était pas le cas, je crois que ma vie aurait pas de sens.

- Elle en avait pas avant ?

- Si, mais c'était différent. Je le savais pas. Quand on aime, le monde prend tout son sens.

Touchée, elle s'est levée, m'a attiré à elle et embrassé tendrement. Doucement. Terriblement. Puis s'est figée.

- Tu sais, c'est pas sain de vivre à travers l'autre.

- C'est pas ce que je voulais dire. Quand on vit à travers l'autre, on fixe des illusions, on se perd en croyant être heureux. Nous, c'est l'inverse, regarde : On fait de la musique ensemble, on a nos projets chacun de notre côté, on se soutient mutuellement mais on sait aussi se critiquer, se prendre la tête et s'ouvrir les yeux quand il le faut. J'étais tout aussi actif avant de te connaître, mais tu as apporté à ma vie une puissance supplémentaire, une émotion, une synergie, une sérénité, une pertinence qu'elle avait pas avant. C'est ça la vraie profondeur. C'est quelque chose qui a pas forcément besoin de vibrer en nous pour nous montrer que c'est là, que ça existe. C'est déroutant, mais aussi passionnant et fascinant. 

- C'est vrai... me compléta-t-elle, pensive, mais les yeux brillants. On vibre pas pareil que les autres. C'est au-dessus. Pour ça que ça nous envoie au-dessus du monde, et que notre amour ne ressemble à aucun autre. Pour ça aussi que cette vibration se manifeste vraiment que sur scène, quand on se plonge dans les vagues abrasives de nos décibels lâchés, dans l'harmonie de nos distorsions, quand on est dans l'urgence, le doute, aussi, le trac -puisque cette sensation aux tripes avant de monter sur scène - Hey, rien que d'en parler, je la ressens, là ! - est liée à la peur de se planter, et que donc c'en est une manifestation. Mais on est ensemble, et on transforme rapidement ça en une plénitude qui nous enveloppe, sans qu'on puisse savoir vraiment comment ni pourquoi, et sur laquelle on peut se poser pour développer nos morceaux. C'est là que le feeling est bon.... C'est de l'alchimie, en fait.


... J'en avais le coeur vibrant. Merveilleuse Solenne Carpentras. Mythique, magnifique et sublime ange de lumière et de sagesse, de tendresse et de douceur, d'intelligence et d'innocence. Capable de me sauter dessus sans raison comme de disserter sur la substance fondamentale de l'amour pur, l'amour brut, celui qui nous dépasse, nous stupéfait, nous fait halluciner mais sait aussi se lover en nous sans bouger, sans faire battre le coeur plus qu'il n'en a besoin pour nous faire vivre. Sans la vibration assourdissante du battement continu, qui m'a plus d'une fois fait confondre peur et amour. 

"La peur prend l'apparence qu'on lui donne"

Les mots de SIKO me reviennent en mémoire, et la peur avec. Elle bat à mon coeur avec cette foutue façon bien à elle de démembrer les pensées et de perdre complètement sa cible. La peur se fout de ton esprit. Que tu soies un génie ou un idiot, elle aura le même effet.

La peur et l'amour. Mille façon de les expérimenter, pourtant au fond, c'est toujours le même élément. Il catalyse, détruit ou construit, et quelque chose me dit que le monde est basé sur ces deux polarités, qui se confondent parfois, quand l'une des deux ne transcende pas l'autre.

Sol coupa court à mes pensées.


- J'vais me doucher, tu me rejoins ?


Changement de perspective. Occasion spotted. Paraître naturel au mépris des pulsations cardiaques qui s'emballent.


- Ouais bien sûr. Je vais chercher des trucs à me mettre dessus et j'arrive.


Je suis parti dans sa chambre torse poil en réfléchissant à toute vitesse. Solenne. Fille complexe et intelligente, propre et ordonnée. Pourrait uniquement cacher ses secrets dans les endroits les plus improbables, le genre de cachette devant lesquelles on passe vingt fois sans rien remarquer. Un classeur vide, un revers de tableau, une grande boîte orange. Rien. Pas le temps, j'y retournerai. Attraper t-shirt et sous-vêtements propres, dévaler escaliers discrètement et ouvrir porte de salle de bain sans paraître essoufflé.


Je fume trop, je sais.


Elle m'attend, complètement nue, sublimée par les spots autour du miroir. Tend ses bras vers moi et m'enlace tendrement. M'embrasse. Deuxième fois en dix minutes, mais je vais pas me plaindre, loin de là. Poitrine parfaite sur torse mince. David Lynch reprend la Belle et la Bête à sa manière. Elle niche ses lèvres dans mon cou et je frissonne. Les questions quittent mon esprit. Elle me serre dans ses bras et me précède dans la baignore, sa main dans la mienne.



_______________________________________________________________________________________________________



- Bon, on fait quoi là ?

- On bouge pas et on attend Dan.

- Pas besoin, il nous retrouvera.

- Mais puisque je vous dis qu'on est manipulés !


Neto, moi, Solenne, Lola. Dans l'ordre. Et en parlant d'ordre, je crois qu'on a tous l'esprit en bordel et qu'on est plus capable que de répéter les mêmes trucs encore et encore, de faire tourner nos pensées sans pouvoir juger de leur justesse. On dirait que la discussion précédente n'a même pas eu lieu. Ca commence à franchement m'énerver.

Soda a pris la parole avant moi.

- J'en ai vraiment marre de me répéter, les enfants. Vous n'êtes pas manipulés, a-t-il dit d'une voix d'abord traînante puis beaucoup plus percussive -et rapide- sur le "manipulés" final, ce qui m'a rassuré autant que ça a alimenté mes doutes. Peut-être est-il manipulé lui aussi ? "Vous devez retourner dans les strates pour faire ce que vous n'avez pas eu le temps d'accomplir avant la fin du monde", reprit-il. Pendant ce temps, je retourne à Shell Haven, et je vous promet de revenir avec de nouvelles données.

Lola plaqua sa main sur la table. Ca a créé un bruit sourd.

- On a joué selon tes règles, maintenant on va le faire avec les nôtres. 

- Qu'est-ce qu'elle peut être butée, celle-là ! a claqué Soda bien fort. On ne SAIT PAS ce qu'il en est de l'autre côté. Même moi je ne peux pas expliquer certaines choses, alors vous... N'y pensez même pas. Vous n'êtes que des humains. Et encore, s'ils étaient tous comme vous... 


- J'en ai rien à foutre. 


- Ecoute-moi ! Il faut que vous me fassiez confiance. Si Karma a voulu que vous voiyez Sorel, c'est qu'il y a une raison bien précise. Et tant que je l'ai pas découverte, vous êtes tous en danger. 


J'ai remarqué que même si elle ne disait rien, le regard de Sonia parlait pour elle. Adossée dans un coin, ses yeux venaient de s'illuminer brièvement.


- Sorel est le gardien de Shell Haven, et il a sa propre vision des choses. Il est surnommé "l'ange des philosophes". Et pour qu'il apparaisse à des humains, il faut vraiment qu'il y ait une bonne raison. En plus il a des méthodes assez... particulières. A partir de maintenant, considérez que vous êtes plus surveillés que jamais. Il vous faut vous conformer au plan qui a été prévu pour vous, à savoir voyager dans les strates et affronter vos épreuves.

- C'est absurde. Si on est surveillés, la conversation qu'on a maintenant est surveillée elle aussi, ai-je dit.

- Non, et pour deux raisons. La première, c'est que bien que Karma puisse être partout à la fois, il est occupé depuis un moment par une affaire que lui seul peut régler. Pendant qu'il s'occupe de restaurer l'équilibre universel, il ne fait rien d'autre. Du coup il va envoyer des Damantes et des Banshees pour vous surveiller. Mon aura de démon me permet de les garder à l'écart tant que je n'ai pas besoin d'elles pour le boulot. 

- C'est quoi ces conneries ?

- Cette aura nous a été donnée par Karma pour éviter qu'on passe notre temps avec elles. Ca nuisait à notre productivité. Il nous a laissé les succubes, avec qui nous pouvons nous reproduire. Quand nous ressentons dans notre coeur que nous allons en avoir besoin, elles savent nous trouver. C'est un type de communication comme un autre... 


- Et pour Sorel ? lança Sonia de l'autre bout de la pièce.


- S'il vous a envoyé Sorel, c'est effectivement pas bon signe. Il va revenir. A ce moment là, fuyez. Faites diversion, utilisez vos pouvoirs, occupez-le, semez-le, démerdez-vous comme vous voulez mais fuyez-le.

- Sinon..? lança Lola sur un air de défi.

- Sinon ce sera vraiment la fin du monde, et ce que vous avez vécu jusque là n'aura été que de la pizza à côté.

- Tu paries ?

Et merde. Tenter de la raisonner. Ca va pas être possible. De la calmer, alors, au moins. Ca va pas être facile...

- Lola, déconne pas, on maîtrise rien, ici.

- Toi peut-être. Pas moi.

Elle s'est levée et a quitté le bar.


- Génial, la première fille est sortie du loft ! Maintenant c'est à VOUS de décider qui va partir, car c'est VOUS le Big Brother !


Seb a regardé Neto sans rien dire. Un peu de mépris dans ses yeux. J'ai du mal avec ce mec moi aussi. L'ouvrir pour dire une connerie pareille alors qu'il avait réussi à se taire jusque là... Ca me dégoûte d'aller dans son sens, mais hors de question de laisser Lola partir seule. J'attrape mon sabre, me lève et

- J'me tire.


Sans faire attention aux regards des autres, la porte s'est claquée derrière moi.


- Attends.


- Je commençais à me dire que tu viendrais pas.


- Est-ce que j'avais le choix ? Tes pouvoirs de badass risquent de pas suffire, si tu comptes vraiment faire ce que je crois.

- Qu'est-ce que ça pourrait être d'autre ? Tu vois beaucoup d'options ?

J'ai soupiré. 

- Non, évidemment...

- Je me fous de trouver des réponses, tout ce que je veux c'est rentrer à la maison, peu importe comment.


En la retrouvant, j'ai récupéré ce que j'avais perdu. Je vois pas ce que j'ai à faire de plus ici.

Non, attends. Quelque chose cloche. Elle réagit exactement comme avant. Dans le réel. On dirait qu'on s'est jamais retrouvés. Est-ce que c'est la colère qui l'aveugle, ou son égoïsme qui la perd ? Est-ce que je me pose cette question pour rien ou est-ce qu'au contraire je suis aveuglé, peut-être autant qu'elle ?

RAAAAAAAH.


J'ai planté mon sabre dans le sol. 


- T'as un plan ?

- Comme d'hab, marcher et attendre qu'il se passe quelque chose.


Et en avant pour Shell Haven.



Mercredi 3 octobre 2012 à 20:14

 

- Il faut que j'aille faire des courses. J'en ai pas pour longtemps.


Parfait.


- Je t'attends ici.


- Comme tu veux ! J'te ramène des clopes ?


Encore plus parfait.


- Si ça te dérange pas...


Je vais chercher de l'argent dans mes affaires, en plein milieu du salon, entre Solenne, le canapé et le mur-télé.
C'est en me baissant que mon regard s'est accroché. Ca pourrait être ça, et c'est qu'une question de temps avant que j'en aie le coeur net. Mes pensées fusent, mon esprit bouillonne, mon plexus pulse.

Un livre matelassé, plutôt grand, couverture marron, assez épaisse. Il en existe plus de comme ça depuis au moins dix ans. Pour la première fois, un parti neutre était au pouvoir, les Reconstructeurs. Ils me faisaient marrer, ils étaient sympas. Une belle bande de hippies vegan qui fumaient tout ce qui pousse mais militaient avec force et conviction contre le nucléaire et la déforestation, la cause animale et les fissures de la couche d'ozone -on appellait encore ça des "trous" quand j'étais môme, je me souviens. Ils nous ont sorti une politique burnée mais cohérente, et c'est probablement grâce à eux que la fin du monde n'est pas venue de la mort de la planète. Les liseuses ont remplacé les livres, les téléphones portables ont captivé les esprits, jusqu'à développer un monde parallèle, celui de l'économie libre et ouverte,  et, à mesure que tout devenait plus cher, la culture a commencé à décliner. Je fais partie de cette génération qui s'est tournée vers les classiques de son passé pour se constituer un patrimoine, une identité culturelle, un droit de regard sur le monde. En faisant de la musique, j'ai découvert un nouvel écosystème luxuriant, caché sous les plaques polies foulées par les hommes en costard-attaché case, au regard droit et à l'expression neutre en la plupart des circonstances. Un Midgard en forme d'Asgard, où les gens n'hésitent pas à laisser libre cours à leurs émotions, que ce soit sur scène ou dans la fosse, où tout peut arriver, où rien n'est figé. Babylone avec sa tour.

Je me relève et tend l'argent à la miss en lui faisant un clin d'oeil.

- Je te revaudrai ça.

- Tu m'inviteras au restau.

- Ca me paraît une bonne idée.


Elle part en souriant, la porte claque et me laisse seul avec la Bible.

Pivot sur pied gauche, face à l'étagère, je me baisse et attrape le bouquin.



                                                                  Quand l'Homme ne se verra plus



Je le sens bien.


Ecrit à la main. Vintage, je vous dis.


"Il s'est passé beaucoup de choses depuis la première fois que je suis allée de l'autre côté. J'ai appris que mon heure était proche et en conséquence je t'écris ce livre, à toi, ma fille, qui vivra la fin du monde et en sera, à n'en pas douter, une des actrices majeures. Il reste entre 5 et 10 ans avant que ça n'arrive, et ce laps de temps sera particulièrement important pour toi à tous les niveaux. Sache que de l'autre côté on s'occupe de tout, et que ça se passera bien pour tout le monde."



Je jette un regard par-dessus mon épaule. J'ai bien envie de m'en griller une, en plus ça ferait classe, mais je peux pas prendre le risque de me trahir. 


"Je ne sais pas précisément quand mais un jour le temps s'arrêtera. Le temps tel que nous le perçevons, pas les réalités qu'il englobe. En effet, le temps n'est pas une ligne qui va sans cesse dans le même sens. C'est plutôt une succession de cercles sur plusieurs niveaux. ***********************************************************

 

Cela créera un paradoxe qui permettra aux réalités de se déployer et de se dérouler sur plusieurs niveaux, les strates. Ces zones sont générées en autant d'exemplaires qu'il y a de groupes d'âmes."


Intéressant... 



"Aucun être ne vient au monde seul. Le but de la fin du monde est de récupérer ce qui a été perdu, de relier ce qui a été brisé, de reformer ce qui a été détruit."


Ca s'annonce funky.


" Une fois dans les strates, toi et ton groupe allez d'une manière ou d'une autre devoir vous trouver vous-mêmes, vous centrer si tu préfères, affronter vos peurs et colmater vos failles, et ainsi vous établir en tant qu'êtres humains. C'est seulement de cette façon que vous pourrez venir à bout de ce qui vous attend."


On dirait bien que j'avais raison.


"Une fois de l'autre côté, tous les humains seront débridés pour pouvoir faire face à leurs nouvelles épreuves."


Un bruit. Je sursaute et range le livre en vitesse. C'était la chatte. Ouf.


"Après la fin du monde, l'horizon des possibilités va s'élargir comme jamais auparavant. Vous ferez connaissance avec les démons, les damantes et les banshees, les 3 races aux apparences très variées qui s'occupent de la gestion de l'énergie. Vous serez amenés à travailler ensemble."


Je zappe quelques pages.


" Il n'y a rien à craindre. Tout arrive pour une raison. Si tu doutes, rappelle-toi de ça. Et réfléchis bien à ces mots. Tu pourras en induire des choses intéressantes."


Et évidemment elle développe pas parce que c'est à chacun de faire son propre chemin. Evidemment.

Je sais déjà tout ça, tourne quelques pages en vitesse. Me faut du nouveau avant qu'elle n'arrive. Vite. 
Un autre bruit me fait lâcher le livre et me précipiter vers la fenêtre qui vient de claquer. La stupidité de ma réaction me montre à quel point ce livre me captive. M'intrigue, aussi.

Ca parle d'artéfacts, à un moment. Ca frappe ma mémoire. Solenne en a parlé. Selon sa mère, ce sont des liens que nous avons entre les mondes. Chacun d'eux est marqué par notre essence.


Je continue. Jette une oreille derrière moi à la recherche de bruits de pas. Il doit me rester encore du temps. Combien, je sais pas, et ça a quelque chose de foutrement excitant.


Plus loin, elle parle de Dieu. De l'astral. Je stocke le maximum d'informations possible.


"De nombreuses choses me restent encore inconnues, comme la raison d'être de la vie elle-même, et ce qui se passe une fois qu'une âme a terminé son quota d'incarnations."


Irrélévent. Je zappe encore. Rien sur comment retourner dans le présent après un voyage temporel. A moins que...

Je retourne vers le premier truc que j'ai lu.  

"Je ne sais pas précisément quand mais un jour le temps s'arrêtera. Le temps tel que nous le perçevons, pas les réalités qu'il englobe. En effet, le temps n'est pas une ligne qui va sans cesse dans le même sens. C'est plutôt une succession de cercles sur plusieurs niveaux."

Une ligne, ronde, comme un point sur lequel on zoome et qu'on découvre dans l'espace tridimensionnel. Des cercles concentriques -dont le centre est justement cette ligne- qui se développent à différentes hauteurs par rapport à la ligne. 

Ce serait ça, le temps ? Et l'Entremonde serait justement cette ligne qui nous permet d'atteindre ces cercles ? On serait donc en mesure d'atteindre des réalités qui n'existent pas, mais pourtant tangibles. Ca expliquerait la strate que Sonia a trouvée "infernale".

Tout ça commence à foutre le bordel dans ma tête. 

Il y a donc toujours eu des réalités parallèles, mais puisqu'on avait accès qu'à une seule réalité à la fois, on en avait pas conscience. Il y a forcément une différence entre chaque réalité. Ca doit être une question de choix. Pour ça qu'il est est question de "champ des possibles", ou je sais pas comment elle dit ça, plus loin, dans son bouquin. 

J'ai à la fois l'impression de dire que de la merde et celle d'y voir très clair. 

Putain...

Le temps, je l'ai vu. C'est ce qui m'a emmené dans ce lit, depuis le tunnel au fond des ruines. C'était ça la lumière. Dieu se déplacerait pas juste pour moi, il ne reste que le temps. Ou le destin, si jamais ça peut se manifester comme ça, un peu comme dans le paradoxe du grand-père. Mais ça m'étonnerait aussi d'y avoir droit. J'écarte l'hypothèse du Deus Ex Machina comme celle du miracle, les deux étant un peu trop épiques pour moi.

Non, c'est n'importe quoi. Ca ferait du temps une entité qui pourrait me faire voyager dans son système s'il le faut. Et la nécéssité implique le destin, puisque même si elle vient d'une action humaine extérieure, le voyage m'est imposé. J'ai pas cherché à me faire courser par un zombie XXL, ni demandé à être transporté  dans le passé par une lumière divine; rah, encore Dieu, merde ! 

Le pire c'est que tout ça a un sens. Aussi chaotique que ça soit. Et j'y mettrais plus facilement de l'ordre si le temps m'était pas compté. 


Tap, tap, tap, tap.

Sursaut, un mouvement, trois actions. 

Bruit de clé.

Fermer le bouquin, le ranger à sa place, dégainer paquet de clopes et s'en allumer une.

Merde, avec le doigt, ça marche pas ici.

Elle me fixa avec des yeux ronds.

Donc il y a bien une cohérence passé-présent.

Elle éclate de rire, je vais chercher mon briquet.

- Tu t'es pas trop ennuyé ?

Au contraire.

- Non, non, impec.

- Cool, s'illumina-t-elle le visage.

Je l'ai aidée à ranger les courses en repensant au bouquin. Est-ce que c'était pour le lire que le temps m'avait amené ici ? Et si j'avais loupé la partie la plus importante ? 

- A quoi tu penses ?

- Rien, rien. Tiens, les spaghetti. T'en a pris plein, dis donc.

- T'as une dizaine de kilos de retard, et tu bouffes que ça. Faut bien que je m'adapte.

J'aime cette fille.

- T'exagères...

- Du tout ! Tu ressembles à un anorexique après deux semaines de fast-food intensif.

Je me suis regardé. Je suis pourtant le même que dans l'Entremonde, avec la musculature relative mais ciselée procurée par les combats à la basse. L'évidence que ça implique me refroidit encore plus. 

Je taque ma clope dans le cendar et prend mon air le plus détaché. Le stock vient à manquer, mais on dirait bien que ça suffit.


 


Mercredi 14 novembre 2012 à 19:00



 - Avant que quelqu'un d'autre se décide à faire une connerie, je propose de trouver un endroit où dormir.  On y verra plus clair demain, si ce mot a encore un sens ici, a dit Solenne.

- Approuvé, a dit Neto. Surtout si le jour se lève.

- Je suis d'accord aussi, dit doucement Sonia.

- Pareil, soufflai-je. Nous avons besoin de temps et de repos.

- Wah, Seb ! Mais tu parles, mon pote !

Pour une fois, j'ai souri. 

- Oui, c'est ça mon pouvoir en fait.

- Attends mais c'est génial !

- Bien, bien, bien, les jeunes ! a lancé Soda. Il est maintenant temps pour moi de tirer ma révérence et de vous dire à bientôt. Je suis content de vous, a-t-il ajouté avec un grand sourire que j'ai vu sincère.

Il a disparu dans une grande onde noire invaginée.



_________________________________________________________________________________________________________________




On était devant Lost, un de ces vestiges culturels à l'épreuve du temps. On venait de terminer la saison 5. Les passages avec les bonds dans le temps m'avaient retourné le bide plus d'une fois, comme si quelqu'un, quelque part, cherchait à me dire que c'était possible et que je le savais, malgré mon actuelle incapacité à le faire, ou en tous cas à le revivre.

Début de la saison 6, flash-forwards et paradoxes. Et s'il me suffisait de faire pareil pour retourner dans le futur ?

Je caresse les cheveux de Solenne blottie contre moi en me demandant si sauter par la fenêtre suffirait.

Lire le livre dont j'étais même pas censé connaître l'existence en est déjà un - ce qui voudrait dire que le Dan du futur est déjà au courant de tout ça, ou que l'information vient d'apparaître dans son esprit, à condition que ce passé soit dans le même continuum que le présent - mais visiblement c'était pas suffisant. 

Mais attends, si le Dan du futur sait, ce serait sans doute la raison pour laquelle la fin du monde m'a pas fait grand-chose, et du coup le feu n'aurait rien à voir avec ça. Pourtant, j'ai jamais été sûr à 100% de quoi faire. Si ? Je sais plus. Quel bordel. Le même que celui de Jack, Sawyer et les autres, tiens.

Et pour en sortir, ils ont branlé un sacré coup d'éclat, et c'est justement ça qui a créé leur réalité alternative. Exactement l'inverse de mon cas, mais la solution pourrait être la même.

Sauter par la fenêtre serait pas mal, ouais. Est-ce que je lui sors "Chérie, je viens du futur" avant ? Ou alors je lui dis en espérant qu'elle me jette par la fenêtre avec un cri primaire. Hum... Peu probable.

Mais bon, à part si cette réalité se termine d'elle-même, c'est ça où attendre le temps qui me sépare de la fin du monde. Pas très bandant comme alternative, mais ça implique que je suis dans le vrai passé et pas dans une réalité parallèle, et qu'en plus, je peux encore partager du temps avec Solenne avant de plonger dans les abysses eschatiques. Et ça c'est plutôt cool, pour peu que j'arrive à oublier la très forte probabilité qu'elle ait beaucoup à voir là-dedans.

C'est décidé, prochain voyage temporel, je me trouve une constante à la Daniel Faraday. Reste à trouver quoi.

Mon crâne commence à gentiment overdoser sous les questions. Mes yeux piquent, je les ferme et me rapproche encore de Solenne, la serrant un peu plus contre moi. 

 

Blackout.


_________________________________________________________________________________________________________________

XMCB MBZM UMBBZM TI XIZBQM LM VMBW AMCT YCQ LMXZQUM LIVA AWV IXXIZB, MKZQBM IC UIZYCMCZ LIVA TMA JZWCQTTWVA. 

[CC Déc 8]
_________________________________________________________________________________________________________________


Sauver les apparences. Bien. Maintenant il faut les trouver, et les prévenir. Il va falloir changer tout notre plan, sans quoi on court à un désastre sans précédent. Pourvu qu'ils l'aient compris, de leur côté, et qu'ils agissent correctement. Plus le temps de penser, je dois y arriver le plus vite possible. Jamais mon coeur n'a battu comme ça.

_________________________________________________________________________________________________________________





Ca faisait bien deux heures qu'on marchait. On avait presque plus de clopes. 

- Soda est trop louche pour être sincère. A tous les coups il suffit de faire tomber Shell Haven pour mettre fin à ce délire absurde. 

- J'ai des doutes. 

- T'es naïf.

- C'est moi qui ai passé le plus de temps avec lui. 

- Evidemment. Il lui en fallait un pour le soutenir quand ça sentirai le sapin pour lui. Pas étonnant qu'il t'ait choisi.

- Rappelle-moi pourquoi je t'ai rejoint ?

- Réfléchis deux minutes. Pourquoi il nous manipulerait ? Pour le fun, le délire de puissance ? Ca n'a aucun sens quand tu vis dans un monde avec des milliers de réalités, et que ton boulot est justement de gérer ça. Par contre, ça m'étonnerait qu'ils soient 8 milliards, à Shell Haven. En fait, j'en suis presque sûre. On est supérieurs en nombre, et de beaucoup. C'est à notre énergie qu'ils en veulent, c'est pour ça qu'ils nous ont débridés. On en crée plus, on fait n'importe quoi avec, et eux, d'une manière ou d'une autre, ils la récupèrent. Je sais pas encore comment, mais tout ça est évident.

- Donc il y aurait une crise suffisante pour qu'ils retournent tous leur veste en même temps et arrêtent de veiller sur nous comme ils l'ont toujours fait.

- Si ils l'ont déjà fait. 

- J'ai une autre théorie : Soda est sincère, c'est du côté de ses supérieurs qu'il faut chercher.

- Sorel lui sert à faire diversion. Il nous renvoie vers lui pour se faire oublier, et le fait passer pour le méchant à éviter à tout prix. 


- Pas sûr. Faudrait lui demander.


Elle s'est arrêtée de marcher et m'a planté avec ses yeux.

- T'es qui et qu'est-ce que t'as fait de mon mec ?

J'ai sorti une clope, puis une deuxième.

- J'essaie d'envisager de nouvelles perspectives.

Elle l'a prise.

- C'est pour ça qu'on s'est retrouvés ici, continuai-je calmement. 

On a partagé la flamme du briquet qui a au passage éclairé son visage d'une lumière chaude, intime. Ses cheveux donnaient à son visage un air de peinture. Elle a levé les yeux vers moi.

- Kep. 

- Lo.

Nous avons continué à marcher en silence. Je l'ai brisé à la moitié de ma cigarette.

- Ca ne mène nulle part. C'est toujours le même décor qui tourne depuis tout à l'heure. 


Elle s'est arrêtée net, sa clope encore entre ses lèvres.


- Maintenant que tu le dis... En plus on est même pas dans Boredom, là..! T'as déjà vu cette rue ?

- Non...

Pourtant je rate pas un concert de Crave, et vu qu'ils jouent partout et tout le temps, en à peine six mois j'avais appris la ville par coeur.


On a tourné sur nous-mêmes, tremblants. Tout était pareil partout. Une grande route à deux voies, et des suites de 10 portes qui se reproduisent avec une régularité mathématique. 

- C'est Shell Haven ! Ils savent, ils nous courent après !

- Calme-toi... Tu veux une deuxième cigarette ?

- Oui ! Ils sont au courant, ils -shuuup- ils nous bloquent ! On est piégés, on est foutus ! On... -fwwwwww- 

- Ok, ok. On va trouver un moyen de sortir d'ici. 

J'ai couru vers la porte la plus proche pour la défoncer d'un coup d'épée qu'elle m'aurait renvoyé dans la tête si je n'avais pas eu le réflexe de la décaler. Y'a peut-être un ordre à trouver. Le temps que je formule cette pensée et Lola avait déchainé ses boules noires partout autour d'elle. La rue s'est transformée en un billard épileptique géant.

-Putain, Lola, merde !


J'ai couru vers elle, au centre de la rue, pour la protéger de sa propre connerie, et c'était parti pour la finale de base-ball. Sabre à plat, je frappe de toutes mes forces dans une première boule, qui part très loin et me revient dans le dos. 

- Alors, qu'est-ce vous en dites ? Ca vous plaît, le Corridor de l'Infini ?

J'ai relevé les yeux sur un type étrange. Il a levé la main et les boules de Lola ont disparu. Il portait un masque blanc à rayures noires asymétriques et était encapuchonné dans grand manteau, blanc d'un côté et noir de l'autre. Je saurais pas dire si c'étaient des gants à ses mains ou un exosquelette naturel, en tous cas elles tenaient un couteau gigantesque à côté duquel même ma lame faisait pâle figure.

Lo et moi avons échangé un regard du coin de l'oeil. Sorel. Sorel nous avait trouvés, et nous allions mourir. Mais pas sans nous battre. Pas sans lui mettre le plus cher possible avant de tomber. Pas sans l'exploser du mieux qu'on peut avant d'expirer. Pas sans...




 



Mardi 20 novembre 2012 à 18:42

http://themonroetransfer.bandcamp.com/album/trials

 

Frozen field, burning field va bien avec certaines scènes de ce chapitre outrageusement long qu'il m'a fallu une bonne semaine à remettre en place. Merci aux gens qui "likent" les chapitres et les partagent sur Facebook. Vous pouvez également rejoindre le groupe prévu à cet effet, et vous manifester dans les commentaires; c'est toujours mieux de savoir qui vous êtes. Bonne lecture !

Orjan.

                                                                                                                                                                           
                                                                                                                                                                    

________________________________________________________________________________________________________________ 





- Salut les enfants ! Vous faites pas trop de bêtises ?


Toujours à moitié à terre, les yeux levés vers lui, mon front s'est plissé sous la stupéfaction. Mon coeur balancait du sang dans tous les coins.


- Non parce que c'est pas ce qui se dit, là-haut.

- Emmène-nous là-bas ! a ordonné bien fort cette imbécile de Lola. Mais pourquoi je l'ai rejointe ? 

Sorel s'est marré. Si c'est bien comme ça qu'il s'appelle.

- Oui, en effet, c'est bien moi.


Oh putain.


- Il faut qu'on discute avant que vous fassiez une grosse erreur et que vous perdiez beaucoup de temps.

Pendant qu'il disait ça, j'ai entendu Lola concentrer discrètement une de ses boules dans son dos. Elle me préparait une diversion, et on aurait pas de deuxième chance. L'avant-dernière phrase de Sorel m'obligeait à y aller à l'instinct. 

Je me suis relevé du plus vite que j'ai pu et me suis précipité sur lui, sabre au clair. Il m'a contré d'une simple passe, bloquant d'abord mon arme puis la plaquant par terre d'un mouvement semi-circulaire. Avant que je puisse la relever pour contre-attaquer, il tendit son bras libre vers moi et ouvrit sa main. Le choc me propulsa en arrière, et je sentis la magie de Lola autour de moi, lancée en rafales, à contre-courant, comme une sorte de tir de couverture. J'ai planté mon sabre dans le sol et m'en suis servi d'axe de rotation pour me remettre sur mes pieds. La peur laissait place à la rage. J'ai chargé pendant qu'il s'amusait avec les sorts de Lola, les découpant ou les faisant disparaitre, un grand sourire barrant son visage en forme de masque.

Il a bloqué mes trois premières attaques, esquivé les deux suivantes, et encaissé les cinq d'après. Il m'a souri. Paisiblement.
J'ai compris, soupiré, arrêté.

Lola non, par contre. Il l'a bloquée avec un sceau à ondes noires.


- Bon, maintenant qu'on s'est bien amusés, c'est l'heure de la scène où je vous dissuade d'aller à Shell Haven, que vous finissez par m'écouter, puis rejoindre le groupe, puis refaire la même erreur, et ensuite on se retrouve devant les portes de la Cité, où je vous tue. Ca vous branche d'éviter ça ?


_________________________________________________________________________________________________________________


J'ai rouvert les yeux dans la rue, en pleine nuit. A l'absence de gens sur cette grande avenue, je sais que je suis bien dans le présent. Je commence à y voir beaucoup plus clair dans tout ce système.

Lenne non plus n'est pas là. Je sors une cigarette et l'allume du bout de mon doigt. Pouvoirs : check. Je commence à marcher en direction du bar. Les autres devraient être là-bas, à moins qu'ils soient partis en quête d'un endroit où dormir. Ma basse m'attend sur un monument qui prend pour le coup des allures de piédestal. Quelques monstres m'attendent autour. Ils se jettent sur moi pour me souhaiter la bienvenue. J'ai dû leur manquer. Maigres goules aux griffes acérées et aux bras tombants. Grandes. Noires. Yeesh.

Colonne de feu pour rejoindre ma basse. Je les fauche sur le retour et reprend ma route, ma compagne à quatre cordes sur l'épaule.



_________________________________________________________________________________________________________________



On était dans un drôle d'état quand on a poussé à nouveau la porte du bar. Lola ne disait plus rien, elle était froide comme une pierre.


- Vous avez été rapides, a lancé Neto. Hey, Solenne, je parie que tu savais pas qu'ils reviendraient.

- Je m'en doutais.

- C'est facile à dire après coup...

- Il faut qu'on vous raconte, lâchai-je, comme un poids sur mes épaules.

Lola protesta mollement d'un coup sur mon coude.

- Si vous êtes prêts, on peut y aller, a dit Solenne.

- Et Cliff Burton ?

- Il est mort.

Merci Sonia, c'était une intervention constructive.

- Je veux dire Feu-de-cheminée-man. 

- On avait compris, dit doucement Seb du coin où il s'était adossé les bras croisés.

- Il est toujours pas revenu et tout le monde s'en branle.

- T'as qu'à l'épouser.

- Merci Sonia, maintenant je sais quelle direction donner à ma vie.

- J'ai dit que je savais où il est, dit Solenne d'un ton dur.

- Mouais. Si tu veux mon avis, dans le genre louche, t'es pas mal toi.

- C'est pas parce que je le crie pas partout que je flippe pas pour lui.

- T'en sais quand même beaucoup sur ce qui se passe.

- C'est grâce à ma mère, je l'ai déjà dit.

- Justement, c'est toi qui le dis.

Elle allait répondre quand la porte s'est ouverte.

- Et ça, c'est moi qui le dis ?

- Yo. Je suis allé faire les courses.

Il a lancé des paquets de clopes à Sonia, Kepa et moi.

- Cool ! Tu gères, fougère !

- J'suis épuisé par contre.

- Nous aussi, a répondu sa miss. On comptait aller chercher un hôtel.

- Et m'attendre, c'était pas au programme ?

- Pas vraiment. Je savais que tu nous retrouverais. Faudra qu'on parle.

- Ah ça ouais, faudra qu'on parle, dit-il d'un ton cassant et vénère, une flamme roulant le long de son bras.

Seb s'est levé, a traversé le bar, ouvert la porte, et on est sortis.


_________________________________________________________________________________________________________________


Je les observe. Tous. J'espère qu'ils arriveront à tout arranger. A changer les choses. J'ai toujours pas trouvé ce que je cherche, mais en attendant, j'ai vu et appris nombre de choses. Il y a tant à faire, tant à voir, tant à comprendre. Des milliers d'univers, il paraît... J'espère pas. J'en ai déjà traversé des dizaines, et ça me suffit. 

Mais bordel, où est ma putain de gratte ?


_________________________________________________________________________________________________________________


On est entrés dans l'hôtel à coups de pied. C'est génial de pouvoir profiter de toutes les inventions de l'homme sans payer. Intérieur tapis rouge, murs ornés de dorures, tableaux riches, minibar gigantesque. 

Et juste nous. Ni réceptionniste-zombie, ni groom démoniaque pour nous souhaiter une bonne fin de soirée.

L'hôtel était à nous.

Dan et moi nous sommes dirigés comme un seul homme vers le bar.

- Ceux qui le veulent peuvent prendre l'apéro, a-t-il annoncé. 

- C'est la prod qui paye, rajoutai-je.

- Dan, arrête de jouer au leader, râla Sonia.

- L'écoute pas, c'est une frustrée. Et c'est pas près de changer.

Ca, j'aurais peut-être mieux fait de le garder pour moi.

- Tu croyais quand même pas qu'on allait dormir ensemble ? glaça-t-elle mon sang.

Fin du monde ou pas, y'a pas moyen. Et merde.

- T'as pas compris que je te déteste toujours ? C'est pas avec ce genre de vannes immatures que ça va s'arranger !

- Donc ça peut s'arranger !

- Ta gueule.

Elle s'est fortement barrée. Fortement, ça veut dire que les marches de l'escalier sur lesquelles claquaient chacun de ses pas étaient des morceaux de moi.

- Oh oui, piétine-moi ce qui me reste de dignité et ravale-moi l'ego par la face nord.


Un silence.

- Bon alors on le prend cet apéro ?


_________________________________________________________________________________________________________________


Je suis dans un endroit étrange. Une sorte de gigantesque bâtiment rouge. J'entends les gens parler. Certains semblent me regarder, ou en tous cas regarder à travers moi. Je flotte toujours, peux aller où je veux et me déplace avec beaucoup de fluidité. J'entends les gens parler de la fin du monde. Il y a une controverse, je le vois à la hauteur de leur longueur d'ondes. Je ne sais pas à quoi ils ressemblent, je vois juste des boules extrêmement brillantes et de taille variable. Plus d'ampleur que celles que j'avais vues jusque là. Probablement des âmes plus évoluées.

Je commence à discerner des mots, des images, des idées sous formes de sons qui font écho dans mon crâne et se traduisent progressivement. 


On va avoir un truc à faire.


_________________________________________________________________________________________________________________


Enfin un peu de repos.

On était là, tous dans le même état, affalés sur des fauteuils de grand standing, dans un décor digne d'un film de Kubrick.

Brillant.

J'ai posé deux-trois paquets de cigarettes sur la table. Lola, Kep et Neto se sont servis. Solenne nous a lancé un regard faussement désapprobateur. J'ai allumé leurs clopes en claquant des doigts et me sentant un peu con. Ca l'a fait sourire. Dieu que cette fille est géniale.


Kepa et Lola ont échangé un regard. Kepa avait les sourcils légèrement levés, comme s'il essayait de lui poser discrètement une question implicite. Celui de Lola était froid.

- Je vais pas rester longtemps, a prévenu Kepa. J'en peux plus.

- Un petit effort, tapette, le taquinai-je.

- J'vais te violer massivement sous la douche, tu verras qui c'est la tapette.

On s'est tous marré. Ca faisait un bien fou.

Lola nous a interrompus.

- Vous trouvez pas ça trop facile ?

On l'a tous regardée avec des yeux ronds. Elle s'est dirigée vers le minibar.

-D'accord, c'est la fin du monde. Mais on a encore l'électricité, les pressions à volonté, et...

Elle ouvrit le robinet.

- L'eau courante ! Ca vous paraît pas bizarre ?

- C'est normal, répondit Solenne. Y'a pas eu de catastrophe naturelle. Karma a décidé de déclencher la fin du monde. Il n'a rien détruit.

- A part nos vies.

- Je vous ai jamais vus aussi bien ensemble, toi et Kepa, lâchai-je.

Gros blanc. Oups.

- Tu sais pas de quoi tu parles.

Elle a tourné les talons et pris l'escalier à son tour.

- Bravo, me félicita Solenne. Je te rappelle qu'ils sont tous à cran.

- Pas toi ?

- Non, pas elle, fit Neto. Et tu sais pourquoi ? Parce qu'elle en sait bien plus qu'elle le dit.


Ca fait seulement 32 chapitres que je le dis.


- Pourquoi je vous cacherais quoi que ce soit ? On est tous dans le même bâteau, répondit-elle calmement.

Démagogie, la base de la manipulation. S'en servir comme d'un arbre qui cache la forêt, et pour ça, garder bien précieusement les infos qui pourraient nuire à l'emprise sur le sujet.

- Et on a pas le choix, rajoutai-je.

Oui, il va falloir la jouer fine.

- On a toujours le choix, dit pensivement Kepa, les yeux plissés dans le vague et les coudes sur ses genoux.

- Putain mais ça avance pas ! explosa Neto. J'en peux plus de cette merde. On est manipulés par quelque chose ou quelqu'un qui a déclenché la fin du monde et nos espèces de pouvoirs de super-héros, là., Si Dieu existe, parce qu'on dirait bien qu'on en a la preuve, il peut faire ce qu'il veut, on est que des grains de poussière pour lui.

- Détrompe-toi, souffla doucement Solenne.

- Ca sert à rien de s'énerver, tempéra Kepa.

- Non, non... T'as raison. Si Dieu existe, sa volonté est toujours faite, on peut avoir que l'illusion de choisir. Ca sert à rien de croire ou de prier. Ca change rien.

Il pleurait presque, et pourtant il avait une attitude dure, dominatrice, et dégageait une aura puissante.

- Calme-toi...

Solenne restait douce mais semblait aussi troublée que nous. Les yeux plongés dans les tapis rougeoyants, je l'ai écoutée poursuivre.

- On sait que tout ça est arrivé pour une raison. Mais on sait aussi que celui qui a fait tout ça cherche à nous sauver de nous-mêmes. On n'a pas le droit d'en douter.

- Bien sûr que si ! On DOIT en douter ! S'il est si fort que ça, pourquoi il a pas fait de miracles dans le réel qu'on connaissait ? Pourquoi il a pas sonné à la porte d'une chaîne de télé pour dire "salut, je suis Dieu, j'existe, aimez-vous les uns les autres et donnez-moi du temps d'antenne" ?

C'était l'argumentation interrogative métaphysique par Kepa.

- Voilà, c'est exactement ça ! Il avait qu'à claquer des doigts pour changer les gens !

- Ca marche pas comme ça, Neto. Il y a des règles.

- Tu vois que tu en savais plus !

- J'ai pas pensé que ce serait utile de déballer tous ces trucs !

- Normalement, un dieu peut tout faire, a rétorqué mon ami philosophe, recadrant la conversation par la même occasion.

- C'est pas pour autant qu'il va le faire. Je pourrais me foutre à poil et vous faire une lapdance, c'est pas pour autant que je vais le faire. 

- Tu commences à être bourrée, là...

Oui, quand Solenne est bourrée, elle prend toujours des exemples de merde.


- Je vous fais pas de lapdance parce que d'un j'en ai pas envie, de deux, j'ai un code de conduite moral régi par des principes qui m'empêche de le faire, comme ça, devant vous trois. S'il y avait que Dan, à la limite...

J'ai souri, mais en étant bien conscient qu'elle ne flattait mon ego que pour mieux assurer son emprise sur moi. Cette idée me vrillait les tripes. J'ai repris de la bière/clope.

- Ce Dieu-là, ce Karma, a décidé de déclencher la fin du monde pour nous forcer à trouver nous-mêmes le sens de la vie. Partager, s'entraider, se comprendre, s'accepter, en un mot, s'aimer. 

- L'Amour... Toujours l'Amour... soupira Neto avec deux litres d'ironie dans la gorge. T'as raison, maintenant que tu le dis, il m'apparait très clairement que mon putain de destin était de retrouver la fille que j'aime pour qu'elle me foute son pied dans la gueule et me dise après deux trois scènes de vague complicité qu'elle me déteste toujours autant et indéfiniment.

- A toi de définir ce laps de temps. Tout peut changer, posa très sobrement Solenne.

Sobre, Neto ne l'était plus beaucoup. Je vous l'ai pas dit, trop plongé dans la contemplation de cet hôtel hypnotique, mais la pompe à pression avait chauffé, et les verres de notre ninja improbable étaient descendus à une vitesse très respectable.

"Tout peut changer". Avec elle, ça prend pas mal de sens... C'est là-dessus que mon énigmatique copine s'est levée. Elle m'a fait un clin d'oeil en partant vers l'escalier.

Génial, ça sent le jeu de piste et je suis pas d'humeur. Au point où on en est, je serais plus pour un interrogatoire musclé. Mec, même Neto est d'accord avec moi, elle en sait cent fois plus qu'elle ne le dit. En même temps, avoir lu le bouquin de sa mère, même en partie, me met de son côté, objectivement. Et merde...

Les plinthes en bois se foutent de ma gueule, une drôle de petite tornade joue gentiment avec mon ventre et le regard de Neto plaqué sur le mien me renvoie à mon relatif désarroi. Disons plutôt doute. C'est mon pote, le doute.


- C'est quoi, ton histoire avec Sonia ?

Changer de sujet. C'est bien ça. Espèce de lâche.

- Va te faire foutre. Ou va plutôt foutre ta copine, elle t'attend.

- Neto, poésie et romantisme torride.

En temps normal, je lui aurai explosé les gencives ou fait un rapprochement avec sa frustration. Mais je commence à penser qu'il sera mon seul allié dans pas longtemps.

- Ouais, t'as raison, j'peux bien te raconter. Au pire tu te foutras de ma gueule, au mieux tu comprendras pas.

- Sympa.

- C'est compliqué. Je l'ai rencontrée sur le net, y'a longtemps. J'étais encore qu'un ado à peine plus jeune que toi. On a jamais pu se voir, y'a toujours eu des impondérables à la con. Bière ?

- Ouais.

Il est allé en faire 8 et nous les a amenées 2 par 2. Pendant qu'il pressait, il me racontait son histoire à base de quête de soi, de complémentarité, et de la grande ironie de l'amour : Tant que tu ne t'es pas trouvé, tu es voué à passer à côté de ton âme soeur, même si tu l'as en face de toi. Tu peux même aller jusqu'à fuir cette personne. Il me disait qu'elle semblait incapable de ressentir par elle-même, vouée à se brancher sur les autres pour avoir l'illusion de vibrer à travers eux. Ce pattern m'évoque amèrement Solenne, quoique son hypocrisie ait pris une autre forme. Mais le résultat est le même : On ne sait plus ce qui est ni ce qui n'est pas.
Il y avait les contradictions, les fuites et les retours, et au final, aucun des deux qui ne comprenait vraiment ce qui se passait. Neto s'accrochait, persuadé qu'elle était la femme de sa vie. "Je le sentais dans mes tripes. C'était elle et personne d'autre." Elle s'en foutait. Elle supportait plus qu'il cherche à la mettre à jour, du coup son affection s'est transformée en haine. 

- Bordel, pourquoi le relationnel humain, dès que c'est intéressant, ça devient un merdier pas possible ?

- T'as donné la réponse tout à l'heure.

- Hein ?

Il a relevé les yeux vers moi.

- La quête de soi. C'est ça le but. Bordel, on arrête pas d'en parler depuis qu'on a retrouvé Soda. Les personnes les plus intéressantes sont celles qui ont le plus de potentiel, donc logiquement le plus de travail à faire sur elles. Techniquement, on est avant tout des âmes qui évoluent. 

- Du coup on est dépendant de l'évolution des autres.

- Je sais pas. Peut-être que ça marche autrement. Je pense à une histoire d'équilibre, dis-je sans trop y croire - merci Solenne.

Il a repris le fil de son histoire. Elle a fini par quitter sa vie sans vraie raison valable. Il a voulu faire son deuil et commença à mener une vie dissolue, dans l'espoir d'oublier et de toucher le fond dans le même mouvement. Il a tenu qu'un temps comme ça. Le spectre de Sonia s'est mis à hanter sa vie comme ses rêves, et il a fini par prendre la décision de la trouver, où qu'elle soit et à n'importe quel prix. C'est pour ça qu'il est venu au concert.

- Je m'attendais pas à la revoir après la fin du monde. Ca faisait plusieurs années que j'avais plus de nouvelles. 

- Tu la connais comment ? Une ex ?

- Non, on était très liés, mais plus comme frère et soeur de coeur, même si l'appellation peut paraître ridicule.

- Le ridicule tue pas, clama Neto en s'affalant sur son fauteuil bras et jambes écartés. Regarde-moi !

- Te complais pas là-dedans. Gâche pas tes chances. Le destin t'a permis de la retrouver, crache pas dans la main qu'il te tend.

Neto bourré s'est levé et m'a présenté la sienne.

- Merci, mec. 

Je l'ai serrée sans hésiter.

- Fais gaffe à vous.

- Ouais, chef. Comptez sur moi.

Il a pris l'escalier et s'est méchamment croûté sur les premières marches. 
Le plus drôle c'est quand même qu'on devrait avoir pour priorité de sauver nos fesses, pas de pouvoir toucher impunément celles de sa voisine. Mais nous on s'en fout, on est trop cools pour mourir.

Je suis allé l'aider. On se marrait tous les deux. 

- Maintenant c'est les jeunes qui aident les vieux à rentrer bourrés...

Son bras autour de mes épaules, à galérer pour avancer -on devait être qu'à deux verres de différence, même pas-, je me suis rendu compte qu'on sentait sacrément la sueur. 
On transpire mais on va pas aux chiottes même après 10 bières. Vive le nouveau monde.

J'ai ouvert une porte au pif avec le pied et balancé Neto sur le lit. Grande classe, le lit, au fait. Les mecs de la prod se sont pas foutus de nous. L'orga est nickel.

- Ca va aller, t'es sûr ?

- T'inquiète, j'ai pas un bide en plastic.

Je lui ai amené la poubelle de la salle de bains.

- Si tu vomis, vomis là-dedans.

- Ouais chef. Comptez sur moi.

- A demain.

- Ouais ch-ronfl...

- Bonne nuit mec.

 

 

Bon, maintenant c'est l'heure du jeu de piste. C'est parti.


Dans le genre film d'horreur de maître, le couloir est parfait. Je croiserais un môme en tricycle que ça m'étonnerait pas. Ma première rencontre s'est avérée être une chaussette. Par terre et qui sentait plutôt bon. Je me suis senti d'un coup vide. Triste et inconscient de l'être. Cette chaussette me semblait mener nulle part. Solenne me semble à son tour fade et vide de sens. Mon coeur ne se serre pas et je m'en frappe la tête contre le mur. Je titube, me cale contre le mur et soupire en m'allumant une clope. Ce non-ressenti est absurde. J'ai toujours aimé cette fille et de toute façon j'ai pas le temps de ne pas l'aimer, ni de mettre ces sentiments en doute. 
Une traînée de sang coule le long de mon nez, séparant mon visage en deux. Le message est clair, et il colle avec tout ce dont on nous rabat les oreilles depuis que ce gigantesque merdier a commencé. 


Mes sentiments ne sont rien à côté de ce qui est vraiment important. Le monde lui-même n'a aucune importance à côté de ce qu'on va faire. Ca me semble de plus en plus une évidence, tout porte vers l'Univers, quelque chose dont la grandeur nous avale tous, nous et nos petits sentiments étriqués et pathétiques. Sa magnificience nous éclatera tous en un milliard de petits morceaux, tous aussi vains que notre ensemble. Nous ne sommes rien. Nous ne...


- Salut Dan.

- WAAAAH SEB ! Qu'est-ce que tu fais là ? sursautai-je.

- J'ai entendu du bruit. Et je parle pas du choc de ta tête contre le mur. Tu n'as pas le droit de penser ça.

- Sinon quoi ? Tu m'envoies en taule ? 

- Dan, il y a une force noire qui croît en toi depuis que nous sommes arrivés dans ce monde. Si tu la laisses prendre le contrôle, elle te détruira.

- Arrête tes conneries, j'ai l'impression d'être dans un vieux film manichéen à la con !

Avec beaucoup de douceur et de fluidité, Seb m'attrapa par la gorge et me plaqua contre le mur.

- L'intelligence ouvre tous les chemins et la difficulté d'en choisir un. Si tu prends le mauvais par lâcheté, faiblesse ou facilité, tu vas te foutre en l'air et nous entraîner avec toi.

- Parce que maintenant t'es psy ET médium ? 

Sans déconner, c'est quoi cette scène, d'où elle sort ?

La voix grave de Seb sortait avec une puissance sourde de sa gorge barbue. Son bouc avait un air sentencieux.

- T'es pas le seul à cumuler les pouvoirs. Et contrairement à toi, je les utilise pas pour flatter mon ego.

- Hein ?

- Tu ne l'as pas encore fait, mais tu le feras, et il n'y a aucun moyen d'y remédier. Rien ni personne ne t'empêchera de faire cette erreur. Elle est presque déjà écrite.



- T'es qui et qu'est-ce que t'as fait à Seb ? 

Je l'a dégagé d'un coup de bras. Lenne est restée en bas. Brûler, vite, avant qu'il me balance sa lumière à la tronche. Balancer mes pieds comme si mes jambes étaient des ailes. En l'espace de dix secondes, c'est devenu épique. Il a déployé ses ailes d'ange en streetwear et m'a balancé un onde qui m'a propulsé contre le mur tout en me remplissant de joie.

Qu'est-ce que c'est que ce truc ? Contre-attaquer, vite, retrouver la rage, se remplir de feu, frapper, fort, encore et encore.

Il me coupe la respiration et me repousse. Comme tout à l'heure mais en plus violent.

Je reviens à la charge à grands coups de kicks enflammés, il en évite environ un sur deux, je lui hurle que c'est pas lui, je brûle de plus en plus, je lui cale un combo à 5 coups dans la tronche, du genre que mon prof de Tae Kwon Do aurait apprécié s'il avait été dans le coin, mais Seb s'en fout, il encaisse trop bien, beaucoup trop bien pour que ça soit lui, et frappe beaucoup trop fort pour un ami qui veut simplement t'éviter de faire une connerie. Il m'éclate la tête contre le mur au sens propre, puis contre le sol et je me sens sale. Le feu tournoie autour de moi, formant un cocon protecteur, et je me retrouve à whirler partout avant même de m'en rendre compte. Le couloir tout entier prend feu, laissant à peine la place aux rayons de Seb pour trouer par leur lumière l'obscurité de la fumée ainsi crée. 

Je plonge dans les flammes, avec dans l'idée de m'en servir pour me rematérialiser ailleurs et prendre ainsi Seb par surprise, et



Sommes pas uniquement ce que nous croyons être, bien au contraire.

Ma clope s'est un peu consumée toute seule. Il est temps de partir. Je repenserai à tout ça en temps utile. La chaussette pointait vers le fond du couloir. La deuxième m'attend, en forme de flèche cette fois-ci. Et un soutien-gorge sur la porte. Evidemment.

J'ouvre la porte, les chaussettes dans la main, le soutif sur les épaules, et je me suis pris une culotte dans la gueule.


Ok donc ça c'est fait...


- T'as mis le temps...


_________________________________________________________________________________________________________________


1. C'est toi qui dis ça ? T'as pas une quinzaine de révélations supplémentaires à me faire, au fait ?
2. Ouais, je sais, la rocade était bouchée.
3. J'vais te mettre autre chose, tu vas comprendre la valeur de l'attente.
4. Tiens, c'est marrant, ça me rappelle une ex...
5. On a discuté avec Tortue-Ninja et je l'ai aidé à se coucher parce qu'il était trop bourré.
6. On a trouvé une radio où c'était l'heure du Monde de Monsieur Fred et il y avait une rediff de Signé Furax après. Me demande pas comment c'est possible.
7. Oui mais c'est toi d'abord.
8. N'importe quoi, j'ai fait aussi vite que j'ai pu.

_________________________________________________________________________________________________________________



Au lieu de ça, j'ai simplement posé ses sous-vêtements sur une chaise avant de finir par me décider à la regarder. A oser la regarder, comme un monstre, une nymphe, une ange, que trop de beauté aurait rendue dangeureuse pour des yeux humains. Le beau est toujours bizarre, disait un poète d'un autre siècle. Mon coeur battait à 225 noires par minutes.



Tension sexuelle bonsoir.


<< Page précédente | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25 | 26 | 27 | Page suivante >>

Créer un podcast