Samedi 18 août 2012 à 4:04





- Bon, ils foutent quoi, les deux, là ? 

Comme pour me répondre, le grand type carré à la barbe est arrivé en courant.

- COUREZ ! Putain courez ! Restez pas là !

Il était tout débraillé et portait son sabre gigantesque sur l'épaule.

- La prochaine fois vous m'écouterez dès le début au lieu de jouer aux héros ! m'exclamai-je en me retournant pour courir. Derrière moi, j'entends son pas lourd se figer. Il s'était arrêté pour reprendre son souffle. A regardé derrière lui. La terre ne tremblait pas cette fois-ci, mais quelque chose venait.

Personne n'a rien compris, je l'ai vu dans leurs yeux. Kepa s'est mis en garde, rassemblant ses dernières forces pour se défendre, mais il pouvait rien faire face à la déferlante de lumière qui nous a tous recouverts.

Enveloppés.

Embaumés.


La réalité s'est disloquée. Les murs, le château, la lande ont disparu progressivement, particule par particule, à une vitesse sidérale. Ou sidérante. Ou les deux. Je sais pas. Je sais plus. J'arrivais pas à penser. A formuler des idées ni même à les avoir. Je n'étais qu'une conscience endormie dans un train en partance pour l'inconnu.
 

Je ne me sentais même pas incarné. Des nuées de lignes multicolores, courbes et dynamiques habitaient mon champ de vision. Ambiance cosmystique, mes frères.


Toutes les lignes ont commencé à former des silhouettes vaguement familières, à dessiner les contours d'une réalité que je reconnaissais.


Back in the bar. Bewildered and feeling magnificient. Grandiose.
Les yeux des autres étaient aussi grands ouverts que les miens. Souffles courts. 


- Salut les jeunes ! Alors c'était comment ?


Soda. J'avais même pas la force de vouloir l'étriper.

J'ai posé mon sabre sur une table et j'ai continué à trembler. Mon corps avait peur. Quant à savoir si moi aussi, j'avais des doutes.


- Infernal.


La voix de Sonia a cinglé comme un coup de tonnerre glacé.


- On a perdu Dan, a dit Kepa d'une voix grave.


Ah oui tiens c'est vrai ça.


- J'ai une idée d'où il peut être. 


Solenne. Fille-mystère par excellence. Où est-ce qu'il a bien pu la trouver ?


- Bien, bien ! Alors, vous étiez où ?


On lui a parlé de la lande et de tout le bordel. De la cabine téléphonique en pleine forêt, des feuilles qui dansent, du monstre humanoïde improbable et zombifié. Du château en ruines. C'est là que j'ai appris par Kepa que le streumon était en fait un des Pink Babies, le groupe de mous du genou mais tendus du slip qui sont venus foutre le bordel à la fin du set de Crave - pourquoi pas pendant, d'ailleurs ? Ils sont cons ou quoi ? Et qu'est-ce qu'ils foutaient ici ? Y'a une strate exprès pour chaque groupe de personnes, nous a expliqué Soda la première fois où nous avons tous été réunis -enfin, avant l'arrivée de la copine de Swordman - mais celle où on a trouvé les incultes musicaux ressemblait clairement à un enfer, comme l'a dit Sonia. Et si c'était là qu'on était tous, et qu'eux en avaient simplement une forme plus évidente que la nôtre ?


J'ai commencé à whatthefucker grave.


Les yeux de Soda se sont assombris et des ondes noires se mirent à tournoyer doucement autour de sa tête et du haut de son corps.


- Alors, Hellboy, on était où ?


J'essayais sans doute de prouver que j'avais repris du poil de la bête.
Pas forcément très convaincant.


- Dans une réalité alternative hypothétique, a répondu Solenne.

- Absolument, soupira Soda. Et c'est pas ce qui était prévu.


Sursaut et explosion de mes idées. Argh.


- Mais c'est pas vrai, vous nous manipulez depuis combien de temps ?! hystérisa à moitié Lola.

- Calme-toi... Même si c'est vraiment le cas, on y peut rien. 

- MAIS PUTAIN, REPONDS ! hurle-t-elle en traçant vers lui. Kepa se bouge pour la retenir.

- Arrête !

- Bon, bon, bon, dit calmement Soda. Nous appartenons à Shell Haven, une institution spirituelle qui s'occupe de gérer tout ce qui se passe dans l'Univers, comme je vous l'ai déjà dit. Mais croyez pas qu'on fait ce qu'on veut. On a des règles. 

- "Nous" ? 

- Quoi, "nous" ?

- C'est qui, "vous" ?

- Un peu de tout. Démons, damantes, banshees, esprits... Des trucs comme ça. Tu en as vu ici même, Kepa, la première fois que tu es venu ici.

- Attends attends attends, tu vas trop vite, là, lui répondit l'intéressé. Développe-moi tout ça.

- C'est ça, fais-le parler, autrement je fais un scandale, lui souffle son insupportable copine à la mâchoire aiguisée.

- C'est pas le moment, lui cale-t-il avant de reprendre : Les damantes, les banshees, qu'est-ce que c'est ?

- Un type de Succubes - des démons femelles, donc - qui possèdent de très grands pouvoirs. Comme vous le savez si vous êtes amateurs du cinéma grand public des années 2000-2010, avec les grands pouvoirs viennnent toujours un lot conséquent de responsabilités. Les damantes s'occupent de faire en sorte que ce qui doit arriver arrive, peu importent les interférences. Les banshees, c'est plus du travail de protection. Dans la plupart des cas, elles fonctionnent ensemble. 


- Où sont les autres gens ? Ceux qui étaient dans le réel avec nous ? a demandé Sonia.

- C'est ici, le réel. Quant aux gens, ils sont dans d'autres strates, tout simplement. Je vous l'ai déjà dit, en plus. Vous avez vraiment oublié ? Ah oui, c'est vrai, tu dormais, toi... Bon, je pensais que les autres t'auraient mise au parfum. Les gens sont toujours vivants si vous l'êtes aussi, il est d'ailleurs possible de les voir par intermittences dans des certains endroits ou si l'on se déplace à certaines vitesses. Mais c'est pas encore le moment pour vous de découvrir tout ça.


Jetez moi des asperges, mais il est pas en train de dire qu'il y a des chances qu'on soit tous morts ?



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J'ai ouvert les yeux dans un état de bonheur avancé. Me suis levé sans la réveiller après avoir fixé le plafond flou pendant un quart d'heure pour aller faire du café. Mes lunettes rendaient pas le monde moins embrouillé, au contraire.

Bon, j'ai jusqu'à ce que Solenne se lève pour clarifier tout ça. 

En ce qui concerne le monde alternatif, ou plutôt le réel post-fin du monde, j'en ai déjà vu pas mal. Mais la première fois que j'ai ouvert une porte en haut des escaliers du bar, je me suis retrouvé dans le passé, pas dans un monde encore plus bizarre que le précédent. En tous cas, là, maintenant, c'est bien dans le passé que je suis à nouveau. Pas le même, mais ça peut être la marque d'un cycle : les portes me mènent un coup dans le passé, un coup dans un endroit étrange. On aurait donc à la fois un chemin à vivre soi-même et un autre en groupe. 

On est à peu près à un an de la fin du monde. Solenne savait déjà, vu qu'elle a plus de 18 ans, âge auquel elle a obtenu le bouquin de sa mère.

Ma copine est la Nostradamuse de notre siècle. 
Fuck.

S'il y a une raison à tout, quelle pourrait être celle qui m'a amené ici ? Et comment ? Qu'est-ce que c'était, cette lumière ? D'où venait-elle, qui l'a envoyée ?

Calme. Chaque chose en son temps. Regrouper les données et les recouper. Dernière fois, dans passé avec Solenne, s'est passé des trucs bizarres aussi. J'ai revécu ma rencontre miraculeuse avec elle. La violente sensation de connexion énergétique dans le bus, agréable et agressive, et le coup du miroir de la salle de bains. 

J'y traçai en vitesse en manquant avec style de renverser (sobrement) mon café.




Les yeux plongés dans mon reflet, rien ne se passe. Pas d'effets psychés ou de voix bizarre qui me parle à travers ma projection.

Un peu dérouté, je retourne à mon café. 

Hier, j'ai cru avoir la solution quand Sol m'a dit que la lumière était la plus forte. Qu'il suffirait de faire comprendre aux autres qu'on devait accepter de ne rien maîtriser et de ne pas tout comprendre pour résoudre  l'énigme. Et qu'on devait chercher la source de cette lumière.

J'ai pas encore le tableau complet, mais quelqu'un, quelque part, m'a donné l'occasion d'arranger ça. 

Solenne m'a rejoint dans la cuisine. Coup au coeur.

- Bonjour, mec ! m'a-t-elle souri.

- Bonjour mademoiselle, tentai-je d'avoir l'air naturel, bien dormi ?

- Impeccable, et toi-même, monsieur ?

Son sourire grandit.

- J'ai pas à me plaindre, souriai-je à mon tour.

Profiter d'un futur moment d'absence pour trouver le livre écrit par sa mère ou trouver un moyen de lui faire dire indirectement ce qu'il me faut sans qu'elle s'en rende compte.

Ca s'annonce sportif.

Bordel de putain de merde. Dieu, si T'existes, Tu fais chier. 

[Oui, je sais, c'est moi qui dis ça, alors que j'ai déterminé que son existence était la seule explication possible à ce merdier ambiant. Mais il y a Shell Haven aussi. Peut-être pas besoin d'un dieu après tout... ]

Mais est-ce que je sais vraiment ce qu'il faut que je trouve ? Et surtout, est-ce qu'elle a l'info ?

Bon, on va ordonner tout ça.


- Oh, t'es choupi, t'as fait du café sans le mélanger avec du thé !


Selon toute vraisemblance, je dois apprendre quelque chose sur l'autre monde pour pouvoir y retourner. 


- Quand on peut faire plaisir...


Thé, café, mélanger. Peut-être un truc à trouver avec ça.

Elle m'a souri. Comment vraiment vouloir retourner de l'autre côté se fritter avec des monstres et mettre sa vie en jeu pour la défendre à coups de basse à chaque coin de rue alors que cet envers du décor vient justement de vous offrir environ 365 jours de plus à partager avec l'ange adorable qui s'est retrouvée avec vous ?

C'est pas comme si j'avais le choix, OUAIS, JE SAIS.


BAM.


J'ai été viscéralement saisi par le retour de la théorie de la mort, sauf que cette fois elle portait sur nous tous.


Depuis qu'on a vécu la fin du monde, on nage au milieu d'inconnues, et y'a-t-il plus absolue inconnue que la mort ?


Ca colle avec tout. On serait retournés à une sorte d'amas de conscience universelle et on ne serait plus que des souvenirs qui se débattent avec l'espoir de sortir du labyrithe. Des rêves qui s'affranchissent de toute logique physique et développent leur vraie nature à travers des pouvoirs défiant la gravité, uniquement conduits par leur mémoire qui les cintre dans un univers qu'ils connaissent bien, porte ouverte à tous les délires strataires qu'on a vécus, que ce soit dans l'enceinte de la ville ou dans cette foutue lande. Des rêves capables de ressentir, penser, agir, doués de leurs 5 sens, qui ne sont finalement que des matérialisations de la conscience, et n'existent plus physiquement d'aucune façon. Nous sommes des illusions. 

 



 


Mercredi 5 septembre 2012 à 20:50

Bonjour, je sais pas trop si ce chapitre a du sens. Je m'y replongerai demain à tête reposée et changerai ce qui doit l'être. Pas mal de nouvelles idées sont arrivées entre le moment où il a été écrit et sa publication, mais ça ne change pas la trame, seulement quelques passages, dont celui-là. 


Bonne lecture. (Ctrl + / Ctrl - pour zoomer / dézoomer)


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- Bon, alors on va tout résumer. Vous, les gens de Shell Haven, là, vous avez préparé la fin du monde de A à Z. Fin du monde qui était déjà prévue depuis plus de dix ans.


- Beaucoup plus, a placé Soda depuis la chaise sur laquelle il se balançait derrière le bar, les pieds sur le comptoir.


- Si tu veux. Bon, déjà que ça c'est quand même chaud à avaler, tu rajoutes en plus que vous avez volontairement "débridé" les humains, comme tu dis, et ouvert des espèces de passerelles, ou je sais pas quoi, entre plein de "strates" dans lesquelles vous avez réparti tous les gens du monde réel. Et là, on est dans l'Entremonde, une version du réel censée disparaître une fois que tous les humains auront trouvé leur chemin pour atteindre les strates, qui sont liées entre elles par cet Entremonde, justement.


- Absolument. 


- Attends, ça colle pas, là. L'Entremonde est vachement plus rempli que ça... Quand j'y ai mis les pieds pour la première fois, il y avait plein de monde, des gens bizarres, une femme sans bouche, un nain russe, et même un putain de dragon qui dormait dans un coin !


Soda balançait son doigt vers Kepa, le coude posé sur son genou plié, façon "Je suis trop cool, vous pouvez pas test".


- Ouaip. Mais t'oublies un truc : On travaille, nous !


- Ouais ben ça change rien, je trouve ça toujours aussi tordu, repris-je. Sans compter que Briquet-Man est toujours porté disparu.


- J'ai dit que je savais peut-être où il est, a plaqué la mystique électrique bien fort contre mon crâne.


- Qu'est-ce qu'on attend, alors ? s'est énervée Sonia.


Ca m'a presque fait chaud au coeur, tiens. Mais c'était pas le moment.


- Elle a dit "peut-être", dis-je rapidement.


- Qu'il revienne, a répondu calmement Solenne.


- Tu penses vraiment ce que tu dis ? lança Lola, un mépris tranchant et hautain dans la voix.


- Oui. Et croyez-moi, pour peu que j'aie raison, on pourra pas le rejoindre. C'est son épreuve.


- Du calme, a lâché Kepa. On lui fait confiance et on réfléchit.


Etrangement, tout le monde s'est tu. Seb a levé les yeux vers nous, mais restait silencieux.


- Vous en avez pas marre de rien comprendre à tout ça ? Vous avez même pas fait attention à la faille dans tout ça, j'ai l'impression d'être le seul à l'avoir remarquée.


Son ton montait.


- Vous avez entendu ce qu'a dit Soda. Il y a un destin, et même plus que ça. Que vous y croyez ou non, c'est le cas. Alors faites confiance. On s'en fout que ce soit dur à admettre, Neto. T'es capable de te déplacer super vite et de te battre comme Marc Dacascos, ça te suffit pas, comme preuve ?


[C'est qui ?]


Je suis d'accord que c'est pas parce qu'ils nous ont filé des superpouvoirs qu'ils sont forcément tout-puissants, mais ce qui est sûr, c'est que leur niveau d'évolution nous dépasse, alors on peut quand même essayer de les croire, tant qu'on en a pas la preuve ultime. 
Et toi, Solenne, t'as l'air de connaître pas mal de trucs là-dessus, tu crois pas que ce serait le moment de les partager avec nous ?


Elle soupira.


- Dan est peut-être dans le passé.


Bloom. Plombage d'ambiance par dentiste sexy. Il en a de la chance, le salaud.


- BONNE REPONSE !


Soda avait sauté par-dessus le comptoir depuis sa chaise. Il a atterri devant Seb, qui desserrait pas les dents.
Il lui passa la main devant les yeux. L'inertie impassible du brun au bouc fut la plus forte. Soda eut une grimace résignée, puis s'adressa de nouveau à nous.


- De toute façon vous allez tous y retourner, alors...


- Et comment ?


- Ca dépend de la chaîne de Karma, ça.


- J'ai déjà entendu ce nom-là, c'est l'espèce de masque noir et blanc qui en a parlé, a dit Sonia.


- Sorel, oui. C'est vrai que toi et Dan l'avez vu.


- Donc c'est vraiment le bordel et même toi tu peux pas l'expliquer.

- Voilà. [Il s'est mis à regarder dans le vague.] Mais pas pour les raisons que vous croyez. On parle pas de la même chose, là. Je crois bien que je vais devoir retourner à Shell Haven. Mais vous pouvez pas me suivre. Et quand je dis ça, c'est dans le sens de "capacité", alors n'essayez même pas, ajouta-t-il, comme à l'attention de Lola, qui s'était rapprochée de son mec et lui murmurait un truc à l'oreille. De toute façon 


Ca sent la puissance malvenue et la violence déraisonnée, ça. Et évidemment la belle intervention de Kepa est passé à la trappe. Il a parlé d'une faille, peut-être qu'il a vu la même que moi ?


- C'est qui, Karma ?


La voix de Sonia a soudainement tonné avec une pertinence renversante pour toutes mes idées ainsi foutues en l'air. Pourquoi personne l'a demandé avant ?
 

- L'entité qui lie tous les êtres vivants entre eux. Pareil pour les évènements.


Dan serait là, il trouverait sans doute quelque chose à dire. Solenne garde le silence, mais apparaît en pleine réflexion, les yeux plissés en direction de Sébastien, qui a ouvert la bouche pour dire ce que tout le monde pensait.

J'ai bien suivi, Narrateur ?

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Ouais ouais, t'as bien suivi.

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- Dieu, donc. Du coup on a qu'à attendre que ce Karma décide de nous envoyer dans le passé pour qu'on trouve quoi faire dans ce qui est devenu notre présent.


- Et ça choque personne ! Je suis vraiment la seule à croire qu'on est manipulés depuis le début ? Vous êtes tous cons ou quoi ?


Lola, toujours égale à elle-même. Je me demande si elle sait écouter une autre voix que la sienne. Tout le monde l'a ignorée, sauf Kepa.


- La nuance entre guider et manipuler peut être très subtile. On peut pas le déterminer pour le moment, on en sait pas encore assez. Mais crois-moi, si on démontre que c'est le cas, je serai le premier à aller chercher Karma.


- Seb, dit lentement Solenne.


- Mh ?


- Pourquoi tu as dit ça, tout à l'heure ?


- Parce qu'il y a pas de hasard.


Kepa a reporté son regard sur Soda.


- Ca change rien à la faille, a repris le grand brun. Si l'Entremonde vient à disparaître, où est-ce qu'on finit, nous ?


- Ca, ça dépend de vous. Je peux pas vous en dire plus.



Tout le monde a fermé sa gueule. On avait toujours pas tout compris, mais pour une raison mystérieuse, tout paraissait plus simple.


Mardi 18 septembre 2012 à 20:08


Je dois dire que je suis plutôt pas mal fier de ce chapitre. Il a énormément évolué depuis sa version brouillon, qui est en plus située dans un passage hyper chaotique, écrit à l'époque où je savais pas trop où j'allais. Les tests "à voir si on garde" sont légion et les allers-retours entre des scènes déjà écrites et en cours d'écriture se télescopent. Ne vous étonnez donc pas si le chapitre subit des transformations -peut-être assez énormes- avec le temps. Pour ce qui est du chapitre précédent, je n'ai pas encore eu le temps d'y revenir, mais de nombreux changements sont à prévoir. Après, ce que vous voyez là en tant que "SIKO" n'est que l'armature du bouquin à venir, donc ce que je dis là n'a finalement aucun intérêt, à part peut-être pour ceux / celles que ça intéresse de savoir comment je travaille.

Pour ceux qui se plaignent de pas s'y retrouver dans les changements de narration, la première partie est de Dan et la deuxième de Kepa. 


Bonne lecture !
 

Orjan.



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- Faut que j'en parle à mon père. C'est pas normal que tu sois comme ça.


Idée. Et question corollaire à moi-même, aussi.


- On a dû faire l'amour trop longtemps hier soir, c'est tout.

- Ca expliquerait tes questions bizarres sur les réalités alternatives post sexe.

- Pas faux.


La vache, je me savais pas capable de mentir aussi bien. 
Elle a bu une gorgée de café. La question qui reste, c'est d'où sort le "Avais-tu eu une relation sexuelle trop longue la veille ?" du doc, quelques jours avant la fin du monde, en tentative d'explication à mes visions du petit Noir.


- T'as vraiment l'air bizarre. Je veux dire plus que d'habitude.

- J'ai juste du mal à réaliser la chance que j'ai, c'est tout.

- Quelle chance ?

- Que parmi tous les hommes, ce soit moi qui soit avec toi. Si c'était pas le cas, je crois que ma vie aurait pas de sens.

- Elle en avait pas avant ?

- Si, mais c'était différent. Je le savais pas. Quand on aime, le monde prend tout son sens.

Touchée, elle s'est levée, m'a attiré à elle et embrassé tendrement. Doucement. Terriblement. Puis s'est figée.

- Tu sais, c'est pas sain de vivre à travers l'autre.

- C'est pas ce que je voulais dire. Quand on vit à travers l'autre, on fixe des illusions, on se perd en croyant être heureux. Nous, c'est l'inverse, regarde : On fait de la musique ensemble, on a nos projets chacun de notre côté, on se soutient mutuellement mais on sait aussi se critiquer, se prendre la tête et s'ouvrir les yeux quand il le faut. J'étais tout aussi actif avant de te connaître, mais tu as apporté à ma vie une puissance supplémentaire, une émotion, une synergie, une sérénité, une pertinence qu'elle avait pas avant. C'est ça la vraie profondeur. C'est quelque chose qui a pas forcément besoin de vibrer en nous pour nous montrer que c'est là, que ça existe. C'est déroutant, mais aussi passionnant et fascinant. 

- C'est vrai... me compléta-t-elle, pensive, mais les yeux brillants. On vibre pas pareil que les autres. C'est au-dessus. Pour ça que ça nous envoie au-dessus du monde, et que notre amour ne ressemble à aucun autre. Pour ça aussi que cette vibration se manifeste vraiment que sur scène, quand on se plonge dans les vagues abrasives de nos décibels lâchés, dans l'harmonie de nos distorsions, quand on est dans l'urgence, le doute, aussi, le trac -puisque cette sensation aux tripes avant de monter sur scène - Hey, rien que d'en parler, je la ressens, là ! - est liée à la peur de se planter, et que donc c'en est une manifestation. Mais on est ensemble, et on transforme rapidement ça en une plénitude qui nous enveloppe, sans qu'on puisse savoir vraiment comment ni pourquoi, et sur laquelle on peut se poser pour développer nos morceaux. C'est là que le feeling est bon.... C'est de l'alchimie, en fait.


... J'en avais le coeur vibrant. Merveilleuse Solenne Carpentras. Mythique, magnifique et sublime ange de lumière et de sagesse, de tendresse et de douceur, d'intelligence et d'innocence. Capable de me sauter dessus sans raison comme de disserter sur la substance fondamentale de l'amour pur, l'amour brut, celui qui nous dépasse, nous stupéfait, nous fait halluciner mais sait aussi se lover en nous sans bouger, sans faire battre le coeur plus qu'il n'en a besoin pour nous faire vivre. Sans la vibration assourdissante du battement continu, qui m'a plus d'une fois fait confondre peur et amour. 

"La peur prend l'apparence qu'on lui donne"

Les mots de SIKO me reviennent en mémoire, et la peur avec. Elle bat à mon coeur avec cette foutue façon bien à elle de démembrer les pensées et de perdre complètement sa cible. La peur se fout de ton esprit. Que tu soies un génie ou un idiot, elle aura le même effet.

La peur et l'amour. Mille façon de les expérimenter, pourtant au fond, c'est toujours le même élément. Il catalyse, détruit ou construit, et quelque chose me dit que le monde est basé sur ces deux polarités, qui se confondent parfois, quand l'une des deux ne transcende pas l'autre.

Sol coupa court à mes pensées.


- J'vais me doucher, tu me rejoins ?


Changement de perspective. Occasion spotted. Paraître naturel au mépris des pulsations cardiaques qui s'emballent.


- Ouais bien sûr. Je vais chercher des trucs à me mettre dessus et j'arrive.


Je suis parti dans sa chambre torse poil en réfléchissant à toute vitesse. Solenne. Fille complexe et intelligente, propre et ordonnée. Pourrait uniquement cacher ses secrets dans les endroits les plus improbables, le genre de cachette devant lesquelles on passe vingt fois sans rien remarquer. Un classeur vide, un revers de tableau, une grande boîte orange. Rien. Pas le temps, j'y retournerai. Attraper t-shirt et sous-vêtements propres, dévaler escaliers discrètement et ouvrir porte de salle de bain sans paraître essoufflé.


Je fume trop, je sais.


Elle m'attend, complètement nue, sublimée par les spots autour du miroir. Tend ses bras vers moi et m'enlace tendrement. M'embrasse. Deuxième fois en dix minutes, mais je vais pas me plaindre, loin de là. Poitrine parfaite sur torse mince. David Lynch reprend la Belle et la Bête à sa manière. Elle niche ses lèvres dans mon cou et je frissonne. Les questions quittent mon esprit. Elle me serre dans ses bras et me précède dans la baignore, sa main dans la mienne.



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- Bon, on fait quoi là ?

- On bouge pas et on attend Dan.

- Pas besoin, il nous retrouvera.

- Mais puisque je vous dis qu'on est manipulés !


Neto, moi, Solenne, Lola. Dans l'ordre. Et en parlant d'ordre, je crois qu'on a tous l'esprit en bordel et qu'on est plus capable que de répéter les mêmes trucs encore et encore, de faire tourner nos pensées sans pouvoir juger de leur justesse. On dirait que la discussion précédente n'a même pas eu lieu. Ca commence à franchement m'énerver.

Soda a pris la parole avant moi.

- J'en ai vraiment marre de me répéter, les enfants. Vous n'êtes pas manipulés, a-t-il dit d'une voix d'abord traînante puis beaucoup plus percussive -et rapide- sur le "manipulés" final, ce qui m'a rassuré autant que ça a alimenté mes doutes. Peut-être est-il manipulé lui aussi ? "Vous devez retourner dans les strates pour faire ce que vous n'avez pas eu le temps d'accomplir avant la fin du monde", reprit-il. Pendant ce temps, je retourne à Shell Haven, et je vous promet de revenir avec de nouvelles données.

Lola plaqua sa main sur la table. Ca a créé un bruit sourd.

- On a joué selon tes règles, maintenant on va le faire avec les nôtres. 

- Qu'est-ce qu'elle peut être butée, celle-là ! a claqué Soda bien fort. On ne SAIT PAS ce qu'il en est de l'autre côté. Même moi je ne peux pas expliquer certaines choses, alors vous... N'y pensez même pas. Vous n'êtes que des humains. Et encore, s'ils étaient tous comme vous... 


- J'en ai rien à foutre. 


- Ecoute-moi ! Il faut que vous me fassiez confiance. Si Karma a voulu que vous voiyez Sorel, c'est qu'il y a une raison bien précise. Et tant que je l'ai pas découverte, vous êtes tous en danger. 


J'ai remarqué que même si elle ne disait rien, le regard de Sonia parlait pour elle. Adossée dans un coin, ses yeux venaient de s'illuminer brièvement.


- Sorel est le gardien de Shell Haven, et il a sa propre vision des choses. Il est surnommé "l'ange des philosophes". Et pour qu'il apparaisse à des humains, il faut vraiment qu'il y ait une bonne raison. En plus il a des méthodes assez... particulières. A partir de maintenant, considérez que vous êtes plus surveillés que jamais. Il vous faut vous conformer au plan qui a été prévu pour vous, à savoir voyager dans les strates et affronter vos épreuves.

- C'est absurde. Si on est surveillés, la conversation qu'on a maintenant est surveillée elle aussi, ai-je dit.

- Non, et pour deux raisons. La première, c'est que bien que Karma puisse être partout à la fois, il est occupé depuis un moment par une affaire que lui seul peut régler. Pendant qu'il s'occupe de restaurer l'équilibre universel, il ne fait rien d'autre. Du coup il va envoyer des Damantes et des Banshees pour vous surveiller. Mon aura de démon me permet de les garder à l'écart tant que je n'ai pas besoin d'elles pour le boulot. 

- C'est quoi ces conneries ?

- Cette aura nous a été donnée par Karma pour éviter qu'on passe notre temps avec elles. Ca nuisait à notre productivité. Il nous a laissé les succubes, avec qui nous pouvons nous reproduire. Quand nous ressentons dans notre coeur que nous allons en avoir besoin, elles savent nous trouver. C'est un type de communication comme un autre... 


- Et pour Sorel ? lança Sonia de l'autre bout de la pièce.


- S'il vous a envoyé Sorel, c'est effectivement pas bon signe. Il va revenir. A ce moment là, fuyez. Faites diversion, utilisez vos pouvoirs, occupez-le, semez-le, démerdez-vous comme vous voulez mais fuyez-le.

- Sinon..? lança Lola sur un air de défi.

- Sinon ce sera vraiment la fin du monde, et ce que vous avez vécu jusque là n'aura été que de la pizza à côté.

- Tu paries ?

Et merde. Tenter de la raisonner. Ca va pas être possible. De la calmer, alors, au moins. Ca va pas être facile...

- Lola, déconne pas, on maîtrise rien, ici.

- Toi peut-être. Pas moi.

Elle s'est levée et a quitté le bar.


- Génial, la première fille est sortie du loft ! Maintenant c'est à VOUS de décider qui va partir, car c'est VOUS le Big Brother !


Seb a regardé Neto sans rien dire. Un peu de mépris dans ses yeux. J'ai du mal avec ce mec moi aussi. L'ouvrir pour dire une connerie pareille alors qu'il avait réussi à se taire jusque là... Ca me dégoûte d'aller dans son sens, mais hors de question de laisser Lola partir seule. J'attrape mon sabre, me lève et

- J'me tire.


Sans faire attention aux regards des autres, la porte s'est claquée derrière moi.


- Attends.


- Je commençais à me dire que tu viendrais pas.


- Est-ce que j'avais le choix ? Tes pouvoirs de badass risquent de pas suffire, si tu comptes vraiment faire ce que je crois.

- Qu'est-ce que ça pourrait être d'autre ? Tu vois beaucoup d'options ?

J'ai soupiré. 

- Non, évidemment...

- Je me fous de trouver des réponses, tout ce que je veux c'est rentrer à la maison, peu importe comment.


En la retrouvant, j'ai récupéré ce que j'avais perdu. Je vois pas ce que j'ai à faire de plus ici.

Non, attends. Quelque chose cloche. Elle réagit exactement comme avant. Dans le réel. On dirait qu'on s'est jamais retrouvés. Est-ce que c'est la colère qui l'aveugle, ou son égoïsme qui la perd ? Est-ce que je me pose cette question pour rien ou est-ce qu'au contraire je suis aveuglé, peut-être autant qu'elle ?

RAAAAAAAH.


J'ai planté mon sabre dans le sol. 


- T'as un plan ?

- Comme d'hab, marcher et attendre qu'il se passe quelque chose.


Et en avant pour Shell Haven.



Mercredi 3 octobre 2012 à 20:14

 

- Il faut que j'aille faire des courses. J'en ai pas pour longtemps.


Parfait.


- Je t'attends ici.


- Comme tu veux ! J'te ramène des clopes ?


Encore plus parfait.


- Si ça te dérange pas...


Je vais chercher de l'argent dans mes affaires, en plein milieu du salon, entre Solenne, le canapé et le mur-télé.
C'est en me baissant que mon regard s'est accroché. Ca pourrait être ça, et c'est qu'une question de temps avant que j'en aie le coeur net. Mes pensées fusent, mon esprit bouillonne, mon plexus pulse.

Un livre matelassé, plutôt grand, couverture marron, assez épaisse. Il en existe plus de comme ça depuis au moins dix ans. Pour la première fois, un parti neutre était au pouvoir, les Reconstructeurs. Ils me faisaient marrer, ils étaient sympas. Une belle bande de hippies vegan qui fumaient tout ce qui pousse mais militaient avec force et conviction contre le nucléaire et la déforestation, la cause animale et les fissures de la couche d'ozone -on appellait encore ça des "trous" quand j'étais môme, je me souviens. Ils nous ont sorti une politique burnée mais cohérente, et c'est probablement grâce à eux que la fin du monde n'est pas venue de la mort de la planète. Les liseuses ont remplacé les livres, les téléphones portables ont captivé les esprits, jusqu'à développer un monde parallèle, celui de l'économie libre et ouverte,  et, à mesure que tout devenait plus cher, la culture a commencé à décliner. Je fais partie de cette génération qui s'est tournée vers les classiques de son passé pour se constituer un patrimoine, une identité culturelle, un droit de regard sur le monde. En faisant de la musique, j'ai découvert un nouvel écosystème luxuriant, caché sous les plaques polies foulées par les hommes en costard-attaché case, au regard droit et à l'expression neutre en la plupart des circonstances. Un Midgard en forme d'Asgard, où les gens n'hésitent pas à laisser libre cours à leurs émotions, que ce soit sur scène ou dans la fosse, où tout peut arriver, où rien n'est figé. Babylone avec sa tour.

Je me relève et tend l'argent à la miss en lui faisant un clin d'oeil.

- Je te revaudrai ça.

- Tu m'inviteras au restau.

- Ca me paraît une bonne idée.


Elle part en souriant, la porte claque et me laisse seul avec la Bible.

Pivot sur pied gauche, face à l'étagère, je me baisse et attrape le bouquin.



                                                                  Quand l'Homme ne se verra plus



Je le sens bien.


Ecrit à la main. Vintage, je vous dis.


"Il s'est passé beaucoup de choses depuis la première fois que je suis allée de l'autre côté. J'ai appris que mon heure était proche et en conséquence je t'écris ce livre, à toi, ma fille, qui vivra la fin du monde et en sera, à n'en pas douter, une des actrices majeures. Il reste entre 5 et 10 ans avant que ça n'arrive, et ce laps de temps sera particulièrement important pour toi à tous les niveaux. Sache que de l'autre côté on s'occupe de tout, et que ça se passera bien pour tout le monde."



Je jette un regard par-dessus mon épaule. J'ai bien envie de m'en griller une, en plus ça ferait classe, mais je peux pas prendre le risque de me trahir. 


"Je ne sais pas précisément quand mais un jour le temps s'arrêtera. Le temps tel que nous le perçevons, pas les réalités qu'il englobe. En effet, le temps n'est pas une ligne qui va sans cesse dans le même sens. C'est plutôt une succession de cercles sur plusieurs niveaux. ***********************************************************

 

Cela créera un paradoxe qui permettra aux réalités de se déployer et de se dérouler sur plusieurs niveaux, les strates. Ces zones sont générées en autant d'exemplaires qu'il y a de groupes d'âmes."


Intéressant... 



"Aucun être ne vient au monde seul. Le but de la fin du monde est de récupérer ce qui a été perdu, de relier ce qui a été brisé, de reformer ce qui a été détruit."


Ca s'annonce funky.


" Une fois dans les strates, toi et ton groupe allez d'une manière ou d'une autre devoir vous trouver vous-mêmes, vous centrer si tu préfères, affronter vos peurs et colmater vos failles, et ainsi vous établir en tant qu'êtres humains. C'est seulement de cette façon que vous pourrez venir à bout de ce qui vous attend."


On dirait bien que j'avais raison.


"Une fois de l'autre côté, tous les humains seront débridés pour pouvoir faire face à leurs nouvelles épreuves."


Un bruit. Je sursaute et range le livre en vitesse. C'était la chatte. Ouf.


"Après la fin du monde, l'horizon des possibilités va s'élargir comme jamais auparavant. Vous ferez connaissance avec les démons, les damantes et les banshees, les 3 races aux apparences très variées qui s'occupent de la gestion de l'énergie. Vous serez amenés à travailler ensemble."


Je zappe quelques pages.


" Il n'y a rien à craindre. Tout arrive pour une raison. Si tu doutes, rappelle-toi de ça. Et réfléchis bien à ces mots. Tu pourras en induire des choses intéressantes."


Et évidemment elle développe pas parce que c'est à chacun de faire son propre chemin. Evidemment.

Je sais déjà tout ça, tourne quelques pages en vitesse. Me faut du nouveau avant qu'elle n'arrive. Vite. 
Un autre bruit me fait lâcher le livre et me précipiter vers la fenêtre qui vient de claquer. La stupidité de ma réaction me montre à quel point ce livre me captive. M'intrigue, aussi.

Ca parle d'artéfacts, à un moment. Ca frappe ma mémoire. Solenne en a parlé. Selon sa mère, ce sont des liens que nous avons entre les mondes. Chacun d'eux est marqué par notre essence.


Je continue. Jette une oreille derrière moi à la recherche de bruits de pas. Il doit me rester encore du temps. Combien, je sais pas, et ça a quelque chose de foutrement excitant.


Plus loin, elle parle de Dieu. De l'astral. Je stocke le maximum d'informations possible.


"De nombreuses choses me restent encore inconnues, comme la raison d'être de la vie elle-même, et ce qui se passe une fois qu'une âme a terminé son quota d'incarnations."


Irrélévent. Je zappe encore. Rien sur comment retourner dans le présent après un voyage temporel. A moins que...

Je retourne vers le premier truc que j'ai lu.  

"Je ne sais pas précisément quand mais un jour le temps s'arrêtera. Le temps tel que nous le perçevons, pas les réalités qu'il englobe. En effet, le temps n'est pas une ligne qui va sans cesse dans le même sens. C'est plutôt une succession de cercles sur plusieurs niveaux."

Une ligne, ronde, comme un point sur lequel on zoome et qu'on découvre dans l'espace tridimensionnel. Des cercles concentriques -dont le centre est justement cette ligne- qui se développent à différentes hauteurs par rapport à la ligne. 

Ce serait ça, le temps ? Et l'Entremonde serait justement cette ligne qui nous permet d'atteindre ces cercles ? On serait donc en mesure d'atteindre des réalités qui n'existent pas, mais pourtant tangibles. Ca expliquerait la strate que Sonia a trouvée "infernale".

Tout ça commence à foutre le bordel dans ma tête. 

Il y a donc toujours eu des réalités parallèles, mais puisqu'on avait accès qu'à une seule réalité à la fois, on en avait pas conscience. Il y a forcément une différence entre chaque réalité. Ca doit être une question de choix. Pour ça qu'il est est question de "champ des possibles", ou je sais pas comment elle dit ça, plus loin, dans son bouquin. 

J'ai à la fois l'impression de dire que de la merde et celle d'y voir très clair. 

Putain...

Le temps, je l'ai vu. C'est ce qui m'a emmené dans ce lit, depuis le tunnel au fond des ruines. C'était ça la lumière. Dieu se déplacerait pas juste pour moi, il ne reste que le temps. Ou le destin, si jamais ça peut se manifester comme ça, un peu comme dans le paradoxe du grand-père. Mais ça m'étonnerait aussi d'y avoir droit. J'écarte l'hypothèse du Deus Ex Machina comme celle du miracle, les deux étant un peu trop épiques pour moi.

Non, c'est n'importe quoi. Ca ferait du temps une entité qui pourrait me faire voyager dans son système s'il le faut. Et la nécéssité implique le destin, puisque même si elle vient d'une action humaine extérieure, le voyage m'est imposé. J'ai pas cherché à me faire courser par un zombie XXL, ni demandé à être transporté  dans le passé par une lumière divine; rah, encore Dieu, merde ! 

Le pire c'est que tout ça a un sens. Aussi chaotique que ça soit. Et j'y mettrais plus facilement de l'ordre si le temps m'était pas compté. 


Tap, tap, tap, tap.

Sursaut, un mouvement, trois actions. 

Bruit de clé.

Fermer le bouquin, le ranger à sa place, dégainer paquet de clopes et s'en allumer une.

Merde, avec le doigt, ça marche pas ici.

Elle me fixa avec des yeux ronds.

Donc il y a bien une cohérence passé-présent.

Elle éclate de rire, je vais chercher mon briquet.

- Tu t'es pas trop ennuyé ?

Au contraire.

- Non, non, impec.

- Cool, s'illumina-t-elle le visage.

Je l'ai aidée à ranger les courses en repensant au bouquin. Est-ce que c'était pour le lire que le temps m'avait amené ici ? Et si j'avais loupé la partie la plus importante ? 

- A quoi tu penses ?

- Rien, rien. Tiens, les spaghetti. T'en a pris plein, dis donc.

- T'as une dizaine de kilos de retard, et tu bouffes que ça. Faut bien que je m'adapte.

J'aime cette fille.

- T'exagères...

- Du tout ! Tu ressembles à un anorexique après deux semaines de fast-food intensif.

Je me suis regardé. Je suis pourtant le même que dans l'Entremonde, avec la musculature relative mais ciselée procurée par les combats à la basse. L'évidence que ça implique me refroidit encore plus. 

Je taque ma clope dans le cendar et prend mon air le plus détaché. Le stock vient à manquer, mais on dirait bien que ça suffit.


 


Mercredi 14 novembre 2012 à 19:00



 - Avant que quelqu'un d'autre se décide à faire une connerie, je propose de trouver un endroit où dormir.  On y verra plus clair demain, si ce mot a encore un sens ici, a dit Solenne.

- Approuvé, a dit Neto. Surtout si le jour se lève.

- Je suis d'accord aussi, dit doucement Sonia.

- Pareil, soufflai-je. Nous avons besoin de temps et de repos.

- Wah, Seb ! Mais tu parles, mon pote !

Pour une fois, j'ai souri. 

- Oui, c'est ça mon pouvoir en fait.

- Attends mais c'est génial !

- Bien, bien, bien, les jeunes ! a lancé Soda. Il est maintenant temps pour moi de tirer ma révérence et de vous dire à bientôt. Je suis content de vous, a-t-il ajouté avec un grand sourire que j'ai vu sincère.

Il a disparu dans une grande onde noire invaginée.



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On était devant Lost, un de ces vestiges culturels à l'épreuve du temps. On venait de terminer la saison 5. Les passages avec les bonds dans le temps m'avaient retourné le bide plus d'une fois, comme si quelqu'un, quelque part, cherchait à me dire que c'était possible et que je le savais, malgré mon actuelle incapacité à le faire, ou en tous cas à le revivre.

Début de la saison 6, flash-forwards et paradoxes. Et s'il me suffisait de faire pareil pour retourner dans le futur ?

Je caresse les cheveux de Solenne blottie contre moi en me demandant si sauter par la fenêtre suffirait.

Lire le livre dont j'étais même pas censé connaître l'existence en est déjà un - ce qui voudrait dire que le Dan du futur est déjà au courant de tout ça, ou que l'information vient d'apparaître dans son esprit, à condition que ce passé soit dans le même continuum que le présent - mais visiblement c'était pas suffisant. 

Mais attends, si le Dan du futur sait, ce serait sans doute la raison pour laquelle la fin du monde m'a pas fait grand-chose, et du coup le feu n'aurait rien à voir avec ça. Pourtant, j'ai jamais été sûr à 100% de quoi faire. Si ? Je sais plus. Quel bordel. Le même que celui de Jack, Sawyer et les autres, tiens.

Et pour en sortir, ils ont branlé un sacré coup d'éclat, et c'est justement ça qui a créé leur réalité alternative. Exactement l'inverse de mon cas, mais la solution pourrait être la même.

Sauter par la fenêtre serait pas mal, ouais. Est-ce que je lui sors "Chérie, je viens du futur" avant ? Ou alors je lui dis en espérant qu'elle me jette par la fenêtre avec un cri primaire. Hum... Peu probable.

Mais bon, à part si cette réalité se termine d'elle-même, c'est ça où attendre le temps qui me sépare de la fin du monde. Pas très bandant comme alternative, mais ça implique que je suis dans le vrai passé et pas dans une réalité parallèle, et qu'en plus, je peux encore partager du temps avec Solenne avant de plonger dans les abysses eschatiques. Et ça c'est plutôt cool, pour peu que j'arrive à oublier la très forte probabilité qu'elle ait beaucoup à voir là-dedans.

C'est décidé, prochain voyage temporel, je me trouve une constante à la Daniel Faraday. Reste à trouver quoi.

Mon crâne commence à gentiment overdoser sous les questions. Mes yeux piquent, je les ferme et me rapproche encore de Solenne, la serrant un peu plus contre moi. 

 

Blackout.


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XMCB MBZM UMBBZM TI XIZBQM LM VMBW AMCT YCQ LMXZQUM LIVA AWV IXXIZB, MKZQBM IC UIZYCMCZ LIVA TMA JZWCQTTWVA. 

[CC Déc 8]
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Sauver les apparences. Bien. Maintenant il faut les trouver, et les prévenir. Il va falloir changer tout notre plan, sans quoi on court à un désastre sans précédent. Pourvu qu'ils l'aient compris, de leur côté, et qu'ils agissent correctement. Plus le temps de penser, je dois y arriver le plus vite possible. Jamais mon coeur n'a battu comme ça.

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Ca faisait bien deux heures qu'on marchait. On avait presque plus de clopes. 

- Soda est trop louche pour être sincère. A tous les coups il suffit de faire tomber Shell Haven pour mettre fin à ce délire absurde. 

- J'ai des doutes. 

- T'es naïf.

- C'est moi qui ai passé le plus de temps avec lui. 

- Evidemment. Il lui en fallait un pour le soutenir quand ça sentirai le sapin pour lui. Pas étonnant qu'il t'ait choisi.

- Rappelle-moi pourquoi je t'ai rejoint ?

- Réfléchis deux minutes. Pourquoi il nous manipulerait ? Pour le fun, le délire de puissance ? Ca n'a aucun sens quand tu vis dans un monde avec des milliers de réalités, et que ton boulot est justement de gérer ça. Par contre, ça m'étonnerait qu'ils soient 8 milliards, à Shell Haven. En fait, j'en suis presque sûre. On est supérieurs en nombre, et de beaucoup. C'est à notre énergie qu'ils en veulent, c'est pour ça qu'ils nous ont débridés. On en crée plus, on fait n'importe quoi avec, et eux, d'une manière ou d'une autre, ils la récupèrent. Je sais pas encore comment, mais tout ça est évident.

- Donc il y aurait une crise suffisante pour qu'ils retournent tous leur veste en même temps et arrêtent de veiller sur nous comme ils l'ont toujours fait.

- Si ils l'ont déjà fait. 

- J'ai une autre théorie : Soda est sincère, c'est du côté de ses supérieurs qu'il faut chercher.

- Sorel lui sert à faire diversion. Il nous renvoie vers lui pour se faire oublier, et le fait passer pour le méchant à éviter à tout prix. 


- Pas sûr. Faudrait lui demander.


Elle s'est arrêtée de marcher et m'a planté avec ses yeux.

- T'es qui et qu'est-ce que t'as fait de mon mec ?

J'ai sorti une clope, puis une deuxième.

- J'essaie d'envisager de nouvelles perspectives.

Elle l'a prise.

- C'est pour ça qu'on s'est retrouvés ici, continuai-je calmement. 

On a partagé la flamme du briquet qui a au passage éclairé son visage d'une lumière chaude, intime. Ses cheveux donnaient à son visage un air de peinture. Elle a levé les yeux vers moi.

- Kep. 

- Lo.

Nous avons continué à marcher en silence. Je l'ai brisé à la moitié de ma cigarette.

- Ca ne mène nulle part. C'est toujours le même décor qui tourne depuis tout à l'heure. 


Elle s'est arrêtée net, sa clope encore entre ses lèvres.


- Maintenant que tu le dis... En plus on est même pas dans Boredom, là..! T'as déjà vu cette rue ?

- Non...

Pourtant je rate pas un concert de Crave, et vu qu'ils jouent partout et tout le temps, en à peine six mois j'avais appris la ville par coeur.


On a tourné sur nous-mêmes, tremblants. Tout était pareil partout. Une grande route à deux voies, et des suites de 10 portes qui se reproduisent avec une régularité mathématique. 

- C'est Shell Haven ! Ils savent, ils nous courent après !

- Calme-toi... Tu veux une deuxième cigarette ?

- Oui ! Ils sont au courant, ils -shuuup- ils nous bloquent ! On est piégés, on est foutus ! On... -fwwwwww- 

- Ok, ok. On va trouver un moyen de sortir d'ici. 

J'ai couru vers la porte la plus proche pour la défoncer d'un coup d'épée qu'elle m'aurait renvoyé dans la tête si je n'avais pas eu le réflexe de la décaler. Y'a peut-être un ordre à trouver. Le temps que je formule cette pensée et Lola avait déchainé ses boules noires partout autour d'elle. La rue s'est transformée en un billard épileptique géant.

-Putain, Lola, merde !


J'ai couru vers elle, au centre de la rue, pour la protéger de sa propre connerie, et c'était parti pour la finale de base-ball. Sabre à plat, je frappe de toutes mes forces dans une première boule, qui part très loin et me revient dans le dos. 

- Alors, qu'est-ce vous en dites ? Ca vous plaît, le Corridor de l'Infini ?

J'ai relevé les yeux sur un type étrange. Il a levé la main et les boules de Lola ont disparu. Il portait un masque blanc à rayures noires asymétriques et était encapuchonné dans grand manteau, blanc d'un côté et noir de l'autre. Je saurais pas dire si c'étaient des gants à ses mains ou un exosquelette naturel, en tous cas elles tenaient un couteau gigantesque à côté duquel même ma lame faisait pâle figure.

Lo et moi avons échangé un regard du coin de l'oeil. Sorel. Sorel nous avait trouvés, et nous allions mourir. Mais pas sans nous battre. Pas sans lui mettre le plus cher possible avant de tomber. Pas sans l'exploser du mieux qu'on peut avant d'expirer. Pas sans...




 



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